Après le massacre (10/01/2017)
Catherine Meurisse, La légèreté, Dargaud, 2016
Catherine Meurisse était depuis dix ans dessinatrice à Charlie-Hebdo. Le 7 janvier 2015, quittée par son amoureux, elle est restée tard au lit, plongée dans les bulles de cette déception sentimentale. Et cela lui a sans doute sauvé la vie, mais ne l’a pas exonérée de la dépression qui a suivi le massacre de ses compagnons de travail par les frères Kouachi.
La légèreté est le récit graphique (et autobiographique) de ce qui a suivi : pannes de dessin, participation au numéro « des survivants », différents modes de psychothérapie, cauchemars, cohabitation avec les gardes du corps et la presse, soirée au théâtre (Oblomov, avec comme des correspondances entre la pièce et la vie), séjours à la campagne, à la mer, à la montagne, retours en arrière, décision d’aller à Rome éprouver le « syndrome de Stendhal » (le vertige dont l’homme peut être pris « face à un déluge de beauté »), donc séjour à la Villa Médicis et confrontation à l’art de toutes les époques…
Le titre de l’album est particulièrement parlant. C’était une sorte de pari : comment retrouver « la légèreté » après une si lourde tragédie ? Comment retrouver la beauté après la laideur de la stupidité sanguinaire ? Par le dessin, l’autoportrait, l’observation de soi et des autres, l’émotion révélée, l’humour renouvelé, l’amitié célébrée, la discrète variété des couleurs, la finesse du trait, l’éveil progressif à la vie réinvestie, à des sensations variées, à l’humanité. « Une fois le chaos éloigné, la raison se ranime et l’équilibre avec la perception est retrouvé. On voit moins intensément, mais on se souvient d’avoir vu… Je compte bien rester éveillée, attentive au moindre signe de beauté… Cette beauté qui me sauve, en me rendant la légèreté. ». Paroles sur fond bleu clair de ciel et de mer, et la frêle silhouette de l’auteure qui regarde passer ses pensées. Un très beau tableau.
Jean-Pierre Longre
18:08 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman graphique, autobiographie, francophone, catherine meurisse, dargaud, jean-pierre longre | Facebook | | Imprimer |