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06/03/2020

La marchande d’art et les mauvais garçons

Roman graphique, Posy Simmonds, Lili Sztajn, Denoël, Jean-Pierre LongrePosy Simmonds, Cassandra Darke, traduit de l’anglais par Lili Sztajn, Denoël Graphic, 2019

Cassandra Darke est une galeriste des plus originales. Égoïste et misanthrope, antipathique au possible, elle s’adonne à des escroqueries qui lui valent quelques ennuis avec la justice, tandis que sa nièce et locataire Nicki se laisse aller aux joies de la jeunesse et de la liberté féminine – ce qui entraîne quelques remarques cyniques de Cassandra : « Bien sûr, je considérais l’Amour comme la plus belle chose au monde, dans les livres, les poèmes, au théâtre et dans ses représentations artistiques […]. En pratique, je n’ai jamais pu m’empêcher de penser à l’absurdité de l’acte, pas plus sublime que l’entassement de cochons aperçu un jour lors d’une promenade campagnarde. Mêmes cris perçants et grognements. ». Cet échantillon, parmi d’autres possibles, donne Roman graphique, Posy Simmonds, Lili Sztajn, Denoël, Jean-Pierre Longrela mesure du personnage qui, pourtant, à la suite d’une série de rencontres involontaires et de quiproquos provoqués par Nicki, va se glisser dans la peau d’une enquêtrice et d’une justicière…

Tout se passe à Londres, ville aux multiples dimensions sociologiques, peuplée comme chez Dickens de grosses fortunes et de grandes misères, « entre paillettes et galères ». Posy Simmonds (Gemma Bovery, Tamara Drewe) a une Roman graphique, Posy Simmonds, Lili Sztajn, Denoël, Jean-Pierre Longrevision aiguë de la société urbaine d’aujourd’hui, et cette vision est transmise en un mélange esthétique subtil. Texte et dessins s’imbriquent comme naturellement, donnant à l’(anti)héroïne et aux personnages qui tournent autour d’elle une épaisseur et une coloration à la fois réalistes et romanesques. Un roman graphique morbide et drôle, jubilatoire et saisissant.

Jean-Pierre Longre

www.denoel.fr/Catalogue/DENOEL/Denoel-Graphic

10/01/2017

Après le massacre

Roman graphique, autobiographie, francophone, Catherine Meurisse, Dargaud, Jean-Pierre LongreCatherine Meurisse, La légèreté, Dargaud, 2016  

Catherine Meurisse était depuis dix ans dessinatrice à Charlie-Hebdo. Le 7 janvier 2015, quittée par son amoureux, elle est restée tard au lit, plongée dans les bulles de cette déception sentimentale. Et cela lui a sans doute sauvé la vie, mais ne l’a pas exonérée de la dépression qui a suivi le massacre de ses compagnons de travail par les frères Kouachi.

La légèreté est le récit graphique (et autobiographique) de ce qui a suivi : pannes de dessin, participation au numéro « des survivants », différents modes de psychothérapie, cauchemars, cohabitation avec les gardes du corps et la presse, soirée au théâtre (Oblomov, avec comme des correspondances entre la pièce et la vie), séjours à la campagne, à la mer, à la montagne, retours en arrière, décision d’aller à Rome éprouver le « syndrome de Stendhal » (le vertige dont l’homme peut être pris « face à un déluge de beauté »), donc séjour à la Villa Médicis et confrontation à l’art de toutes les époques…

Le titre de l’album est particulièrement parlant. C’était une sorte de pari : comment retrouver « la légèreté » après une si lourde tragédie ? Comment retrouver la beauté après la laideur de la stupidité sanguinaire ? Par le dessin, l’autoportrait, l’observation de soi et des autres, l’émotion révélée, l’humour renouvelé, l’amitié célébrée, la discrète variété des couleurs, la finesse du trait, l’éveil progressif à la vie réinvestie, à des sensations variées, à l’humanité. « Une fois le chaos éloigné, la raison se ranime et l’équilibre avec la perception est retrouvé. On voit moins intensément, mais on se souvient d’avoir vu… Je compte bien rester éveillée, attentive au moindre signe de beauté… Cette beauté qui me sauve, en me rendant la légèreté. ». Paroles sur fond bleu clair de ciel et de mer, et la frêle silhouette de l’auteure qui regarde passer ses pensées. Un très beau tableau.

Jean-Pierre Longre

www.dargaud.com