« Vaillante, vacillante » (23/09/2022)
Gaëlle Josse, Ce matin-là, Les Éditions Noir sur Blanc, 2021, J’ai lu, 2022
Il y a l’élément déclencheur – en l’occurrence, la voiture qui « ce matin-là ne veut pas démarrer. Et il y a ce qui couvait, ce que ce banal incident de la vie fait soudainement surgir. L’enfermement chez soi, en soi, le gouffre. « Clara la vaillante, vacillante. Une lettre en plus qui dit l’effondrement. […] Une lettre qui dessine une caverne, un trou où elle tombe, un creux, une lettre qui l’empêche de retrouver celle qu’elle était, entière, debout. »
Il y a Thomas, qu’elle aime et qui lui avait proposé de vivre avec lui, qui s’efforce de la maintenir à flot, mais qui peu à peu se décourage devant son absence de réaction. Il y a eu l’angoissante tension au travail, la dictature de la performance, le « maillage invisible d’ondes et de réseaux qui l’enserre chaque jour un peu plus, comme cette torture qui consiste à ligoter la victime de manière telle qu’à chaque effort pour se libérer, elle resserre un peu plus les liens, jusqu’à l’étranglement final. » Il faudra un acharnement désespéré pour sortir du puits, remonter vers le jour, répondre aux sollicitations familiales et amicales.
Certes, dira-t-on, voilà le récit détaillé, pas à pas, d’une dépression comme on en vit ou en côtoie dans notre monde stressant. Quoi de neuf ? Eh bien, le neuf, c’est que Gaëlle Josse a su en faire un roman poétique et profond, ni larmoyant ni distant, dont le caractère empathique est plus prenant qu’une simple narration. Rythmées par les couplets d’une chanson connue (depuis « Nous n’irons plus au bois » jusqu’à « Entrez dans la danse »), les différentes étapes du récit mènent du noir désespoir à la lumière de l’espérance, « insaisissable et réelle ». C’est ainsi que le roman sait capter ce qui échappe à la raison pure.
Jean-Pierre Longre
19:24 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman, francophone, gaëlle josse, les Éditions noir sur blanc, j’ai lu, jean-pierre longre | Facebook | | Imprimer |