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Mère coupable ? (23/10/2014)

Laura Kasischke, Esprit d’hiver, traduit de l’anglais (États-Unis) par Aurélie Tronchet, Christian Bourgois éditeur, 2013, Le Livre de Poche, 2014 

Roman, anglophone, Laura Kasischke, Aurélie Tronchet, Christian Bourgois éditeur, Le Livre de Poche, Jean-Pierre LongreLaura Kasischke enseigne l’art du roman, et cela se voit. Elle maîtrise à la perfection les techniques de la narration, les méthodes de construction d’une intrigue, en tenant compte des exigences du genre et en composant avec les contraintes qu’elle s’impose à elle-même.

Esprit d’hiver est un huis clos à suspense psychologique respectant les règles non seulement du roman, mais aussi de la tragédie classique : unité de temps (un seul jour, et pas n’importe lequel : celui de Noël) ; unité de lieu (l’intérieur chaleureux de la maison familiale, alors qu’au dehors sévit une tempête de neige) ; unité d’action (la dégradation des relations entre une mère aimante, Holly, et sa fille adoptive, Tatiana). Avec cela, comme au théâtre, des échappées hors scène, dans le temps et dans l’espace, sous la forme d’images entêtantes : l’orphelinat de Sibérie où Holly et son mari Eric sont allés chercher leur petite fille, treize ans auparavant ; la ville et ses alentours, où la circulation est devenue périlleuse à cause du blizzard, et d’autres circonstances mystérieuses et déstabilisantes.

Roman, anglophone, Laura Kasischke, Aurélie Tronchet, Christian Bourgois éditeur, Le Livre de Poche, Jean-Pierre LongreAprès une longue phase introductive où, comme pour rassurer tout le monde, se bousculent les clichés américains traditionnels (préparation d’une belle fête de Noël avec famille et amis – désirés ou non –, maison accueillante et foyer aimant), et où seules quelques allusions, s’insinuant comme par hasard, annoncent insensiblement la suite (maladies congénitales et stérilité, ainsi qu’un refrain qui trotte dans l’esprit maternel : « Quelque chose les aurait suivis depuis la Russie jusque chez eux ? »), l’angoisse éclate, au sens quasiment littéral du verbe, en des scènes et des réminiscences dont les liens laissent peu à peu percer la vérité, cette vérité qui était restée enfouie au plus profond de l’esprit de Holly, et dont le lecteur prend conscience en même temps que le personnage. Glaçant.

Jean-Pierre Longre

www.christianbourgois-editeur.com

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