Le philosophe et « Le Chant des Muses » (30/10/2015)
Philippe Lacoue-Labarthe, Pour n’en pas finir, écrits sur la musique, édition établie et présentée par Aristide Bianchi et Leonid Kharmalov, Christian Bourgois éditeur, 2015
La notoriété de Philippe Lacoue-Labarthe ne doit rien à des éclats médiatiques, mais à un vrai travail philosophique qui se marie harmonieusement avec ses talents d’écrivain. La preuve : plusieurs années après sa mort en 2007, il y a encore de quoi publier. Ses « écrits sur la musique », rassemblés sous le titre de l’un d’entre eux, Pour n’en pas finir, donnent un bel exemple de la réflexion et de l’écriture d’un penseur qui s’est toujours interrogé sur les langages, en particulier sur celui de la musique, un art qui fut pour lui non seulement une préoccupation, mais une passion.
L’ouvrage est construit sur une chronologie inversée – des textes récents aux plus anciens –, ordre qui ne relève pas d’une gymnastique gratuite, mais qui permet de cheminer « d’un commencement à l’autre ». « Le Chant des Muses » (2005) reprend le texte d’une conférence « pour enfants », très pédagogique donc, qui définit clairement les notions de philosophie, de poésie et, bien sûr, de musique, « art de l’émotion », avec toutes ses composantes, et qui répond avec grande sincérité aux questions que tout un chacun peut se poser. Suivent des écrits de la période 1992-2002, où le motif musical permet d’aborder les concepts de « moderne » et de « progrès » dans l’art, de développer des propos sur le jazz, de transcrire un dialogue radiophonique inédit avec Pascal Dusapin, d’évoquer « l’antithèse ironique » de Nietzsche, qui disait préférer Bizet à Wagner… « L’écho du sujet » (1979) étudie longuement et précisément le rapport entre autobiographie et musique, en de belles pages qui rappellent entre autres et à juste titre « l’essence répétitive de la musique ». Les deux dernières sections sont consacrées à des inédits des années 1960, « Théâtre (ou : Opéra – ou : le simulacre – ou : le subterfuge) », projet qui met pour ainsi dire en scène « le combat de la musique contre le texte » ; enfin « L’allégorie (Première version) » laisse percevoir les talents d’écrivain et de poète du philosophe.
Un bref compte rendu ne peut analyser la teneur, la profondeur, l’unité d’un tel rassemblement de textes auquel les références à d’autres auteurs ajoutent des ramifications multiples. On laissera la conclusion à Aristide Bianchi et Leonid Kharmalov : « Au fond, c’est l’importance même du motif de la musique dans l’œuvre de Philippe Lacoue-Labarthe qui a commandé la publication de ces esquisses et requis une attention à ce à quoi elles étaient destinées : faire Œuvre, faire Livre ».
Jean-Pierre Longre
P. S. : Les éditions Christian Bourgois ont eu l’excellente idée de publier en même temps, au format de poche, du même Philippe Lacoue-Labarthe, La poésie comme expérience, paru initialement en 1997, ouvrage qui, à partir de la lecture de deux poèmes de Paul Celan, s’interroge sur la « tâche » et la « destination » de la poésie contemporaine.
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