Roman noir dans l’hiver blanc (13/03/2022)
Ragnar Jónasson, La dernière tempête, traduit de l’islandais par Jean-Christophe Salaün, Éditions de La Martinière, 2021, Points, 2022
Ce roman est à la fois le dernier et le premier de la trilogie La dame de Reykjavík, puisque l’auteur avait commencé par la dernière enquête de Hulda Hermansdóttir (La dame de Reykjavík), poursuivi avec L’Île au secret, dont l’action se déroule quinze ans auparavant, c’est-à-dire en 1997 ; et nous voici encore dix ans en arrière (1987-1988) avec La dernière tempête… Nous retrouvons donc Hulda, en proie à ses problèmes familiaux et à ses scrupules de policière, et renouons avec l’art du suspense savamment entretenu par Ragnar Jónasson.
Noël 1987. Dans une ferme complètement isolée du lointain Est islandais, en pleine tempête de neige bloquant tout accès au village le plus proche, un couple reçoit la visite inopinée et inquiétante d’un homme au comportement étrange. Électricité et téléphone coupés, Erla et Einar, qui se demandent comment l’homme a pu parvenir jusque-là (il prétend s’être perdu au cours d’une partie de chasse entreprise avec des amis, ce qui leur paraît invraisemblable), vont vivre une tragédie dont les tenants et aboutissants ne seront révélés qu’à la fin de l’histoire. Sans compter qu’une autre question se pose : où est Anna, leur fille, dont ils attendaient la visite pour le réveillon ?
Février 1988. Hulda, confrontée à un drame familial dont il a été question dans le premier volume de la trilogie, et qui a enquêté tant bien que mal et sans résultat probant sur la récente disparition d’une jeune fille, est envoyée sur les lieux de la tragédie du couple Erla-Einar. Dans la ferme, on a découvert les cadavres du mari et de la femme, visiblement assassinés il y a plusieurs semaines, au moment de Noël (puisque les préparatifs de la fête sont restés en place), et on se met à chercher, dans le gel et la neige, des traces du meurtrier. D’autres surprises macabres attendent les enquêteurs, et des rapprochements vont s’opérer.
La structure du roman est révélatrice de l’habileté narrative de Ragnar Jónasson. L’alternance des récits, des points de vue, des lieux, des périodes est propice à un suspense auquel le lecteur ne peut pas échapper. Il y a, certes, l’intrigue – ou plutôt les intrigues, prenantes et angoissantes à souhait –, mais il y a aussi la manière de mener ces intrigues, une manière qui relève davantage du roman noir que du roman policier classique. L’auteur a prouvé, par la diversité de ses œuvres, qu’il est un maître dans les deux domaines. Avec, ici, comme pour mettre en relief la noirceur du roman, le blanc pénétrant de l’hiver tourmenté.
Jean-Pierre Longre
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