2669

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Rechercher : les mots du spectacle en politique

Cinq musiciens et leurs secrets

Récits, musique, Allemagne, E. W. Heine, Élisabeth Willenz, Les Éditions du Sonneur, Jean-Pierre LongreE. W. Heine, Qui a assassiné Mozart ? et autres énigmes musicales, traduit de l’allemand par Élisabeth Willenz, Les Éditions du Sonneur, 2011

Voilà quelques histoires étranges qui ont au moins deux caractéristiques communes : elles s’appuient sur des faits véridiques, et elles ont trait à la musique. Cinq grands noms des siècles passés, cinq enquêtes sur des énigmes qui ont marqué la vie et/ou la mort (la mort surtout…) de personnages illustres.

On commence (à tout seigneur tout honneur, et dans le respect de la chronologie) par le « meurtre » mystérieux de Mozart, intimement lié à la composition du Requiem. N’en disons pas plus là-dessus, pour ne rien déflorer. Joseph Haydn, lui, mourut à un âge beaucoup plus avancé, sans mystère apparent ; mais ce sont les tribulations tragi-comiques de sa tête qui nous sont révélées. Quant à Paganini, « l’un des hommes les plus extraordinaires ayant jamais vécu », avait-il fait de la prison pour avoir assassiné sa maîtresse ? L’homme, sur ce point comme sur d’autres, reste obstinément silencieux. Traînant derrière lui une solide réputation d’avarice, le virtuose, un jour, fit pourtant don à Berlioz de vingt-mille francs : quelle en fut la véritable raison ? Le dernier récit relate le destin tragique de Tchaïkovski, mort d’avoir été obligé de garder en lui le secret de ses inclinations.

Certes, le côté énigmatique de ces histoires en fait la saveur ; mais aussi la manière dont elles sont menées, en vraies nouvelles policières, dans lesquelles l’enquête méthodique aboutit à des conclusions d’une logique imparable. En outre, on en apprend encore sur la biographie, les mœurs, le tempérament, l’entourage, les conditions de travail et d’existence de cinq artistes qui ont profondément marqué la vie culturelle européenne, et qui malgré leur notoriété ont conservé par devers eux les secrets les plus intimes de leur art.

Jean-Pierre Longre

www.editionsdusonneur.com  

 

Lire la suite

28/06/2011 | Lien permanent

Drôle ou morbide ?

Essai, récits, humour, francophone, Patrick Rambaud, La Table Ronde, Folio, Jean-Pierre LongrePatrick Rambaud, Comment se tuer sans en avoir l’air, La Table Ronde, 1986, rééd. Folio, 2011

L’un des propres de l’homme est « le suicide individuel » : les animaux, à part quelques exceptions circonstancielles et généralement collectives, ne prennent pas ce genre d’initiative. C’est en tout cas ce qu’explique Patrick Rambaud en introduisant son « Manuel d’élégance à l’usage des mal partis avec des ruses, des méthodes et des principes expliqués par l’exemple ». Comme un autre propre de l’homme est, selon Rabelais, le rire, il semble que Rambaud ait décidé de développer l’un en s’aidant de l’autre (et inversement).

Cela nous vaut quatorze moyens d’en finir sans honte et en préservant son amour-propre. Il n’est pas question de les énumérer ici, mais on saura que les quatorze chapitres qui les abordent ne sont ni vulgairement pédagogiques ni abstraitement théoriques. Tout passe par des anecdotes aussi tragi-comiques que convaincantes. Les personnages dont l’auteur nous narre le trépas volontaire, nous les connaissons, nous les côtoyons, c’est nous, en plus malheureux, en plus désespérés, en plus obstinés. Les circonstances de la vie les ont poussés à interrompre celle-ci « sans en avoir l’air » : il leur faut trouver un moyen de maquiller leur suicide en accident, en meurtre, en geste héroïque (et « con »), en infarctus, en maladie mortelle… et ils le trouvent.

Tout cela est fort drôle, même s’il nous arrive de rire jaune, tant le genre humain dans son entier est mis à rude épreuve et tend à la morbidité. Le style allant, allusif, expéditif parfois, imagé souvent n’est pas pour rien dans le plaisir que l’on prend à lire dans les pensées des personnages, à les accompagner dans leur cheminement souvent complexe, toujours fatal. Et il faut aller jusqu’au bout : dans sa conclusion, Patrick Rambaud rappelle que le suicide ne date pas d’aujourd’hui, loin s’en faut, et termine tout de même par un bel hymne à la vie.

Jean-Pierre Longre

www.folio-lesite.fr  

 

Lire la suite

Des moutons et des hommes

récit, francophone, Suisse, Blaise Hofmann, éditions Zoé, Jean-Pierre LongreBlaise Hofmann, Estive, éditions Zoé, 2007, rééd. 2011

L’estive, une large saison d’été à garder les moutons sur les pentes des montagnes suisses, entre la vallée des hommes et les sommets des dieux, ce peut-être pour le berger l’occasion de contempler, de méditer, de réfléchir, voire d’écrire, mais c’est aussi le temps du labeur ingrat, répétitif, dur au corps et à l’esprit. En brèves et multiples notations qui combinent comme naturellement le vécu et le travail littéraire, Blaise Hofmann campe sa propre silhouette sur fond de montagne à la fois immuable et changeante, où passent avec le mouvement des saisons celui des troupeaux et des chiens.

La prose fragmentaire saisit le réel des hommes, des bêtes, de la nature dans des évocations poétiques, tantôt transparentes tantôt énigmatiques. Et les hommes, les bêtes, la nature s’en portent d’autant mieux dans les rêves du lecteur.

 

Jean-Pierre Longre

 

www.editionszoe.ch

 

www.blaisehofmann.com

 

Lire la suite

18/06/2011 | Lien permanent

Les éditions Galimatias

Une nouvelle maison d’édition franco-roumaine, indépendante et généraliste : GALIMATIAS (www.editions-galimatias.fr)

"Les livres que nous accompagnons ne sont pas configurés selon les standards du marché. Notre projet est en décalage, conformément à notre devise « le galimatias est voisin de la pompe ». Le plaisir de lecture, la fraîcheur et l’amour des formes nouvelles sont, entre autres, des critères qui nous guident dans nos choix éditoriaux. Alternative, notre offre croit dans la qualité de l’écriture et l’intelligence des lecteurs".

Deux collections :

FIEVRE-COUV.gifGalimatias noir. Premier ouvrage publié : La fièvre des corps célestes, de Carmen Duca. Ami est secrétaire dans une agence de détectives privés…Une enquête « longue distance » parsemée d’épices et de retournements, avec des incursions dans Bologne et Miami, dont la morale est quelque peu cosmogonique : les planètes n’abandonnent jamais la partie.

Galimatias gris. Premier ouvrage : voir ici

Lire la suite

19/05/2011 | Lien permanent

Géraldine Bouvier, le retour

Roman, francophone, Marc Villemain, Quidam éditeur, Jean-Pierre LongreMarc Villemain, Le pourceau, le diable et la putain, Quidam éditeur, 2011

Elle était là dans Et que morts s’ensuivent, elle revient ici, au chevet du narrateur, un octogénaire grabataire qui, à la merci de sa « vipère aux yeux de jade », ne semble se faire d’illusions ni sur cette infirmière « dotée d’un tempérament qui ferait passer l’incendiaire intransigeance de Néron pour une contrariété de mioche privé de chocolatine », ni sur son propre passé de misanthrope sarcastique et invétéré, ni sur le genre humain, ni sur « l’existence profondément débile de son pourceau de fils ».

On l’aura compris, Marc Villemain laisse s’épanouir, dans son nouveau livre, l’humour (noir à souhait) et la satire (cynique à volonté). Les pages sur le monde universitaire, par exemple, que « Monsieur Léandre » a visiblement bien connu, sont un bel échantillon de réalisme critique – et la verve acérée du vieillard (enfin, de l’auteur) n’épargne pas non plus la famille, les enfants, l’école, les femmes, les malades, la société en général, disons l’univers dans son ensemble…

Il n’est pas innocent que le livre s’ouvre et se ferme sur l’image du cloporte, qui elle-même (pré)figure celle de la mort ; et Géraldine Bouvier, silhouette attirante et obsédante à la fois, n’en finit pas d’allonger son ombre diabolique d’un bout à l’autre du récit.

Jean-Pierre Longre

www.quidamediteur.com

http://villemain.canalblog.com    

Lire la suite

07/05/2011 | Lien permanent

Le dodo disparu

Danan.jpgJoseph Danan

À la poursuite de l'oiseau du sommeil

Actes Sud – Papiers, Heyoka jeunesse

Le théâtre pour la jeunesse a l’avantage d’être lisible et visible aussi par les adultes. Lisant À la poursuite de l'oiseau du sommeil, l’adulte peut y voir une quête, comme il y en a tant dans la littérature, avec ses désirs, ses épreuves, ses angoisses, ses espoirs, ses illusions, son inachèvement perpétuel ; mais aussi -  et c’est là l’originalité – avec ses surprises et sa vivacité.

L’enfant a appris que le dodo, l’oiseau du sommeil, n’existe plus, sinon sous la forme d’images figées. Selon sa logique enfantine, il s’en va donc à sa recherche au bout du monde, dans des régions qu’il ne connaissait pas, mais auxquelles il s’adapte familièrement, comme dans un rêve. Les rencontres, les découvertes, les conversations, le tout parsemé de chansons, n’ont rien pour le désespérer, au contraire.

Joseph Danan joue avec la parole, laisse les lieux et les âges se heurter en douceur, et les illustrations de Gwenaëlle Colombet ajoutent couleurs et luxuriance à la poésie du texte. Un joli livre à mettre entre toutes les mains, le soir, avant de s’endormir.

Jean-Pierre Longre

 

www.actes-sud.fr

Lire la suite

04/05/2010 | Lien permanent

Le jeune Fundoianu

35571.jpgBenjamin Fondane

Poèmes d’autrefois, Le reniement de Pierre. Traduits du roumain par Odile Serre.

Le Temps qu’il fait, 2010.

 

Pour ceux qui connaissent peu ou prou les œuvres que Benjamin Fondane a écrites en français, la lecture de ces textes de jeunesse traduits du roumain offre une belle vision de la genèse de son écriture et de ses préoccupations ; et pour ceux qui n’ont encore rien lu de lui, voilà une entrée en matière qui non seulement respecte la chronologie, mais surtout donne un avant-goût prometteur. Deux grandes parties dans ce volume : des poèmes d’adolescence et de jeunesse, soit publiés à partir de 1914 dans des revues soit inédits, puis un « poème dramatique » publié en 1918 et, ici, éclairé par une postface de Monique Jutrin. La traduction d’Odile Serre, dont le rythme et les sonorités s’adaptent parfaitement à la tonalité d’ensemble, confère une valeur supplémentaire au talent naissant du poète.

L’inspiration biblique est le principal facteur d’unité de l’ouvrage : Le reniement de Pierre, qui donne une version personnelle, « amorale » d’un épisode fameux du Nouveau Testament, préfigure les questions que l’auteur se posera toute sa vie. Et beaucoup des poèmes qui précèdent, aux titres sans ambiguïté (« Psaumes », « Monastères », « Élévation », « Bible »…), donnent une idée de sa culture, de ses incertitudes, de sa quête mystique, et aussi de l’émancipation de l’homme n’hésitant pas à reprocher à Dieu de ne jamais être « descendu par ici » et à lui dire : « C’est plus beau à la campagne, Seigneur, que là où tu es, au ciel ».

Car l’autre espace poétique est celui de la campagne, d’une nature qui doit beaucoup aux « paysages » roumains, aux personnages qui les peuplent, humains et animaux, aux forêts et aux prairies, à l’odeur des fleurs, au silence des forêts, à la lumière du soleil, aux bruissements de la pluie… Tableaux impressionnistes, saynètes plaisantes, évocations sentimentales traduisent la sensibilité du jeune poète qui, nourri de livres (Baudelaire et d’autres en filigrane çà et là), laisse s’épanouir sa personnalité en un symbolisme maîtrisé, d’ailleurs revendiqué et défini dans l’« éclaircissement » qui précède Le reniement de Pierre : « Originalité, bon sens, profondeur, absence d’imitation, de modèle, subconscient, nouveau et parfois sain ». Ces Poèmes d’autrefois sont déjà des poèmes de maturité.

Jean-Pierre Longre

www.letempsquilfait.com

 

Lire la suite

24/04/2010 | Lien permanent

Écris, Matthias. Écris !

 

Carrese.gifPhilippe Carrese, Enclave, Plon, 2009

Rien de tel qu’un bon roman pour explorer les mystérieuses réalités humaines. Enclave en est une nouvelle preuve, qui démonte par la fiction les mécanismes de l’accession au pouvoir, à ses excès et à ses aberrations.

Le camp de Medved’, dans les montagnes de Slovaquie, pour imaginaire qu’il soit, est l’archétype des camps de travail créés par les nazis conquérants. Après y avoir exercé leur autorité par la terreur et la cruauté (et, comble de l’humour macabre, y avoir fait se côtoyer un « Lebensborn » - lieu de reproduction de la prétendue pure race aryenne – et une fabrique de cercueils), les bourreaux se sauvent brusquement devant l’avancée de l’armée soviétique, début 1945. Ils abandonnent leurs victimes à un sort d’autant plus incertain que, piégeant les accès derrière eux, ils leur interdisent toute fuite. Il faut donc cohabiter dans l’hiver glacial de la forêt, s’organiser pour survivre, et c’est dans ces tentatives de reconstruction par des individus et des communautés retrouvant un semblant de liberté que se mettent à nu les tempéraments. Parmi eux, celui de Dankso, fruste et analphabète, mais jouissant d’une autorité, d’une habileté et d’un cynisme quasiment naturels ; il prendra en un temps record le pas sur les autres, dans cette « république démocratique de Medved’ » fermée sur elle-même et dont le régime dictatorial n’aura rien à envier à celui des tyrans précédents. Nazisme, stalinisme… Les analogies sont terriblement frappantes.

Ce n’est pourtant pas une démonstration, mais bien un roman, dont l’intrigue se construit en trois temps (les trois premiers jours, le dernier, et un nécessaire « beaucoup plus tard » permettant de boucler l’histoire) ; l’écriture alerte, vigoureuse, résonne de celle du jeune Matthias, qui tient à la fois la chronique officielle de la « république » et son journal personnel, ce qui permet au lecteur d’entrer non seulement à l’intérieur du camp, mais aussi dans l’intimité du narrateur. « Littérature générale » (comme l’indique la quatrième de couverture) par un auteur connu pour ses « polars » ? Cela dépasse les catégories et les clivages. C’est de la littérature « tout court », de la solide, qui a du corps, et qui ne peut pas laisser indifférent.

Jean-Pierre Longre

www.plon.fr

www.philippecarrese.com

Lire la suite

21/06/2010 | Lien permanent

À voir et à lire

couv-calligrammes.jpgClaude Debon

Calligrammes dans tous ses états

« Édition critique du recueil de Guillaume Apollinaire »
Éditions Calliopées,  2008


En avant-première du 12e Printemps des poètes, le samedi 7 mars 2010,
«Calligrammes» dans tous ses états a reçu le Prix Ronsard 2010

Calligrammes est un recueil complexe, dont le titre ne dévoile qu’un aspect, celui des fameux « poèmes dessins », et encore… Il fallait l’immense travail de Claude Debon et de son éditrice pour montrer, au plein sens du terme, cette complexité.

Calligrammes dans tous ses états, livre de grand format, est certes une « édition critique », dont les cinquante premières pages rappellent bon nombre de données indispensables sur l’ancienneté de la tradition (européenne et chinoise) des « poèmes figurés », ainsi que sur les sources livresques et personnelles, dont le goût particulier d’Apollinaire pour le dessin, lui qui n’hésitait pas à écrire : « Il se constitue un art universel, où se mêlent la peinture, la sculpture, la poésie, la musique, la science même… ». L’étude génétique, rigoureuse à tous égards (scientifique, historique, littéraire) n’évite ni l’analyse subtile (sur l’originalité du recueil, sur  son double aspect visuel et musical) ni la minutie générique : comment désigner ces textes qui sont en même temps des dessins ? « Idéogramme lyrique », « poème figuré », « poème visuel », « poème à voir », « poème dessin », « poème formel »… ? Pour Claude Debon, « ces  hésitations sont à la hauteur de l’innovation, quasiment « innommable » ». Car Calligrammes est un livre résolument moderne, où la recherche de « formes nouvelles » n’entre pas en contradiction avec l’idéal de pureté, voire de dépouillement – ce qui n’a pas forcément été compris lors de la parution, la faveur de la critique ayant porté davantage sur les aspects « classiques » du recueil que sur les « calligrammes » eux-mêmes.

Le dossier (plus de 300 pages) constitue évidemment la part essentielle de l’ouvrage, satisfaisant la curiosité tout azimut en donnant à voir les ébauches, les avant textes, les corrections, les épreuves. Chaque poème bénéficie de toutes les étapes nécessaires à la satisfaction de cette curiosité : versions successives avec variantes, documents iconographiques reproduisant manuscrits et épreuves, notes explicatives, commentaire, bibliographie. On mesure le travail effectué non seulement à l’épaisseur de l’ensemble, mais aussi à l’émotion ressentie devant ces reproductions, l’écriture et les dessins de la main du poète, le papier plus ou moins jauni des épreuves… Quelques exemples au fil des pages : la construction progressive, pour « Paysage », de « la maison où naissent les étoiles et les divinités », ou de celle d’« Océan de terre », bâtie « au milieu de l’Océan », « Maison humide / Maison ardente » ; l’élaboration détaillée de « Cœur couronne et miroir » ; le collage si difficile (à faire, à lire) de la première version imprimée de « La Mandoline l’œillet et le bambou » ; le cahier quadrillé, illustré, manuscrit du premier exemplaire de Case d’armons ; une « Carte postale » de six vers ; la liberté aérienne d’« Éventail des saveurs »…

Cette émotion n’est pas uniquement esthétique (Calligrammes, bel et bien écrit, n’est pas, rappelons-le, un recueil seulement « figuré »), mais littéraire et tout bonnement humaine. Contrairement à ce qu’une lecture partielle et superficielle laisse trop souvent croire, Apollinaire n’était pas belliciste : la « merveille de la guerre » ou le « Dieu que la guerre est jolie » ont entraîné trop de contresens, et Claude Debon, à juste titre, rectifie en écrivant que cette poésie « affirme la continuité d’un élan cosmique : le poète rêve […] d’une conquête totale de l’espace céleste et terrestre ».

Calligrammes dans tous ses états, étude universitaire précise, livre d’une grande beauté plastique et performance éditoriale, ne peut qu’inciter à lire et relire Apollinaire, à sonder sans fin ses poèmes de la guerre et de l’amour, du réel et de l’imaginaire, de la souffrance et de l’exaltation, de l’obscurité et de la lumière, de l’hermétisme et de la limpidité, de la musique et du silence.

http://www.calliopees.fr

Lire la suite

19/05/2010 | Lien permanent

Les violences de l’art

Roman, Peinture, Belgique, francophone, Stéphane Mandelbaum, Yves Wellens, Grand miroir, Jean-Pierre LongreYves Wellens, Épreuve d’artiste, Grand miroir / Renaissance du livre, 2011

Stéphane Mandelbaum (1961-1986) a connu le destin tragique d’un artiste maudit ; un destin, en quelque sorte, à l’image de sa peinture violente, provocatrice, transgressive, où la mort, le sexe, le sang, la chair sont objets de fascination. Peintre insatisfait, portraitiste tourmenté, il se fit aussi voleur, et en mourut assassiné à 25 ans.

Le personnage a de quoi attirer les écrivains en quête de sujets forts. Certains pourraient en faire une biographie pleine de références ; d’autres un roman aux résonances vigoureuses. C’est le genre qu’a choisi Yves Wellens, mais à sa manière particulière, donnant des allures réalistes à l’invention et des airs romanesques à la réalité – et développant en quelque sorte ce qui se présentait sous forme abrégée ou ramassée dans certains de ses ouvrages précédents, comme Le cas de figure (Didier Devillez, 1995) ou Incisions locales (Luce Wilquin, 2002).

Selon un canevas quasiment immuable et terriblement prenant, entre prologue et épilogue, se succèdent dix chapitres d’« actualités » et sept chapitres de « portraits », qui bâtissent le processus biographique, artistique, mental du personnage devenant sous nos yeux la personne réelle de Stéphane Mandelbaum. Ce qui importe, semble-t-il, c’est moins de raconter une vie, certes hors du commun, que de tenter d’explorer les tréfonds de la création artistique avec ses tâtonnements, ses fulgurances, ses échecs, ses excès, ses risques mortels. Il y a l’enquête journalistique avec son cheminement cahoteux, et la construction esthétique avec ses errements chaotiques. Et à cette construction ne sont pas étrangers les « portraits » d’êtres tout aussi hors normes que Mandelbaum : Rimbaud, Pasolini, Bacon, Pierre Goldman, Goebbels, Himmler… On peut dire que ces portraits, de même qu’ils font partie intégrante du livre, sont au cœur même de l’œuvre du peintre.

Ainsi Wellens donne-t-il une tragédie en forme de puzzle dont chaque ensemble de scènes, chaque acte vise à percer des secrets, à approcher les rapports intimes entre un homme (sa vie, sa mort) et son œuvre. « On atteint, dans cette circonstance, un cas limite de contamination de l’œuvre par la réalité, mais aussi bien de la réalité par l’œuvre, sans qu’on sache parfaitement discerner en quel sens l’influence joue le plus ». ET Stéphane Mandelbaum lui-même de citer cette phrase : « J’ai une certaine faiblesse pour les criminels et les artistes : ni les uns ni les autres ne prennent la vie comme elle est ». Ainsi va la création.

Jean-Pierre Longre

http://www.renaissancedulivre.be/index.php/litterature/grand-miroir  

Lire la suite

31/12/2011 | Lien permanent

Page : 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60