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13/05/2024

Un fantôme de la littérature suisse

Revue, francophone, Suisse, Le Persil, Jacques Chessex, Ivan Garcia, Marius Daniel Popescu, Jean-Pierre LongreLe Persil n° 212-213-214-215-216, Le cas Chessex, hiver 2023-2024.

En quatre chapitre bien fournis, Jacques Chessex est ici présenté en long, en large et en profondeur, sous tous les aspects de son œuvre et de son héritage. Quatre chapitres donc (« Raconter Chessex », « Lire Chessex », « Étudier Chessex », « Écrire Chessex »), sous la plume de « quarante personnalités du monde littéraire, artistique et académique du monde francophone », le tout coordonné par Ivan Garcia qui a lu, relu, questionné, et qui livre le résultat de plusieurs années de travail d’enquêteur.

Tous les genres sont ici pratiqués – et ainsi Chessex se révèle-t-il comme un incitateur posthume : des narrations, des entretiens, des chroniques et analyses littéraires, des souvenirs, des poèmes (dont un de Marius Daniel Popescu en personne, le fabricant du Persil), des fictions, des portraits de Jacques Chessex, photographiques ou peints. Au grand format du Persil, nous profitons d’une contribution considérable à la connaissance du « seul Goncourt suisse » - mais ce titre n’est qu’un détail dans la construction d’une œuvre elle-même considérable. Et malgré ledit titre, il est un auteur encore trop méconnu. Il traverse apparemment un « purgatoire ». « Mais, écrit Ivan Garcia, cette retenue face à l’œuvre du seul Goncourt suisse ne traduit-elle pas autre chose ? L’auteur est gênant, clivant, problématique… Même mort, son fantôme garde quelque chose d’encombrant. Soyons honnête. Un spectre hante la littérature de Suisse romande, celui de Jacques Chessex. » Eh bien, restons aussi honnête, au long de ces soixante-dix pages son fantôme nous apparaît dans toute sa force.

Les auteurs : Ivan Garcia, Nils Andersen, Alexandre Voisard, Alain Freudiger, Pierre-Yves Lador, Ivan Farron, Marius Daniel Popescu, Marc Agron, Pierre-Alain Tâche, Gilbert Salem, Michel Moret, Thierry Romanens, Bertil Galland, Amaury Nauroy, Romain Puértolas, Michel Thévoz, Karim Karkeni, Philippe Leignel, Philippe Claudel, Maxime Sacchetto, Sami Zaïbi, Max Lobe, Blaise Hofmann, Quentin Mouron, Anne Marie Jaton,Jean-Michel Olivier, Serge Molla, Arthur Pauly, Heidi Warneke, Daniele Maggetti, Sylviane Dupuis, Stéphane Pétermann, Denis Bussard, Jean-Marie Reynier, Valmir Rexhepi, Jérôme Meizoz, Schüp, Alexandre Caldara, Arthur Billerey, Yves Gindrat, Myriam Matossi, Jacob Berger… et Jacques Chessex.

 

Revue, francophone, Suisse, Le Persil, Jacques Chessex, Ivan Garcia, Marius Daniel Popescu, Jean-Pierre LongreAprès ce quintuple numéro, un numéro triple est consacré à des « textes inédits d’auteurs de Suisse romande », prose et poésie. Se succèdent au fil des pages : Jean-Jacques Busino, Esther Sarre, Matthieu Ruf, Emmanuelle Robert, Jean-Noël Cuénod, Marie-José Imsand, Pier Paolo Corciulo, Jean Prétôt, Victor Louis Joyet, Noémie, Sadowski, Florian Sägesser, Pierre Louis Péclat, Béatrice Riand, Laure Federiconi, Olivier Beetschen, Jérôme Meizoz, Quentin Mouron, Olivier Vonlanthen. Qui peut dire, côté français, que la Suisse manque de plumes ?

Le Persil n° 217-218-219, février 2024

Jean-Pierre Longre

 

Le Persil journal, Marius Daniel Popescu, avenue de Floréal 16, 1008 Prilly, Suisse.

Tél.  +41.21.626.18.79

https://www.facebook.com/journallitterairelepersil

 

E-mail : mdpecrivain@yahoo.fr 

Association des Amis du journal Le persil : lepersil@hotmail.com

05/05/2024

« Collés contre des vitres troubles »

Roman, francophone, Jean-Baptiste Andrea, L’Iconoclaste, Collection Proche, Jean-Pierre LongreJean-Baptiste Andrea, Des diables et des saints, L’Iconoclaste, 2021, Collection Proche, 2023.

Sauf quelques exceptions, les Prix Goncourt ne reposent pas sur du sable. Les lauréats ont généralement et précédemment à leur actif des ouvrages solides, parfois ignorés. Avant d’obtenir le sien pour Veiller sur elle (dont on trouvera ailleurs qu’ici de nombreuses recensions), Jean-Baptiste Andrea avait publié avec un succès mérité quelques romans, dont Des diables et des saints.

Pianiste se produisant partout où il trouve un instrument, gares, aéroports et autres lieux publics, Joe va nous faire des confidences, nous raconter sa vie à partir du moment où il fut victime d’une « infirmité [qui] ne figure pas dans les encyclopédies médicales ». Après seize ans d’une vie sous la houlette de parents pleins de projets pour lui et frisant selon lui la tyrannie, élève d’un professeur de piano d’une exigence tout aussi ferme, il perd brusquement tout cela, ce bonheur insoupçonné, lorsque ses parents et sa sœur meurent dans un accident d’avion. « De toutes les malédictions des prophètes, de toutes les pestilences qui ravagent la terre, j’avais attrapé la pire. J’étais orphelin comme on est lépreux, phtisique, pestiféré. Incurable. »

Alors va se dérouler une vie « aux Confins », orphelinat qui porte bien son nom, et qui est mené par un prêtre retors, diable déguisé en saint, servi par un ex militaire aussi brutal que borné ; un prêtre qui, paradoxalement, se décerne le titre de « père », « en vertu d’un pouvoir décerné par l’État », et qui en profite pour manier le goupillon avec un zèle cynique, allant jusqu’à enfermer les enfants trop rétifs, « brebis égarées », dans « l’Oubli », un cachot humide et sordide. Joe tient seulement grâce à son amitié attentive pour un garçon fragile et mutique, aux souvenirs de ses leçons avec son professeur Rothenberg qui lui faisait jouer du Beethoven, exclusivement du Beethoven, grâce aussi à un amour peu à peu révélé pour Rose, à qui il est chargé de donner des cours de piano, ainsi qu’aux réunions clandestines de la « Vigie », petit groupe de pensionnaires guettant la nuit et rêvant de s’enfuir, ce qui leur fera courir les pires risques.

« Johann Sebastien Bach, orphelin. Caravaggio, orphelin. Ella Fitzgerald, Coco Chanel, orphelines. Anton Bruckner, Louis Armstrong, Ray Charles, John Lennon, Billy the Kid, Tolstoï, Chaplin, orphelins. Et mille visages en cet instant, mille visages que nous ne connaissons pas, pas encore en tout cas, collés contre les vitres troubles, orphelins. » Ajoutons-y Joe, « le vieux qui joue du piano », et dont Jean-Baptiste Andrea a su nous faire vivre avec une implacable émotion le passé terrible et malgré tout jamais désespéré, toujours en attente du bonheur, au rythme de la musique et de l’amitié, une vie où se côtoient et parfois se confondent diables et saints.

Jean-Pierre Longre

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