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01/02/2018

Prendre conscience du langage

poésie, images, francophone, Roumanie, Radu Bata, Jacques André éditeur, Jean-Pierre LongreRadu Bata, Survivre malgré le bonheur, Jacques André éditeur, 2018

Radu Bata nous a naguère fait boire « le philtre des nuages » jusqu’à l’ivresse, et il nous enjoint maintenant de « survivre malgré le bonheur ». Titre paradoxal, non ? Mais attention : si on lit bien le texte « Partie de plaisir » (page 47), on mesure la malice fortement teintée de satire, puisqu’il s’agit de « survivre malgré le bonheur / produit à la chaîne / […] malgré la menace de félicité / qui nous gouverne ». Toute une philosophie. Si le poète joue avec les mots (et il ne s’en prive pas !), avec leurs sonorités, leurs rythmes, leurs ambiguïtés, leurs affinités, leurs contradictions, leurs bizarreries, c’est pour mieux nous faire prendre conscience du langage, de son infinie portée, se son insondable profondeur, de sa beauté originelle.

Car cette conscience ne va pas de soi. Sous l’allure facile de l’écriture (les maintenant fameuses « poésettes », poésie « sans prise de tête »), se tapissent la séduction stylistique et la recherche linguistique, se mêlent le plaisir et le travail – d’une manière d’autant plus étroite que cela se conçoit sous la plume d’un écrivain qui a fait le choix personnel de la langue française, en connaissance de cause ; d’un écrivain pour qui sont compatibles les expressions les plus actuelles et les thèmes permanents de la poésie, les suites fluides de strophes et la forme compacte du haïku (entre autres).

L’œuvre de Radu Bata vise à réconcilier les générations montantes avec la poésie. La réussite de l’entreprise est certaine. Cependant il y a, aussi, large matière à étude poéticienne. On s’en gardera ici, mais les références littéraires, les motifs récurrents, tels l’amour et ses aléas, le temps qui passe et le vieillissement, l’exil (qui « n’est heureux que parmi les mots »), les origines roumaines (« je fais des allers-retours / entre les deux langues »), d’autres encore, incitent à une lecture où se combinent le plaisir immédiat et l’attention soutenue, où se révèle le double bonheur de la rêverie et de la méditation.

Et il y a les nuages, éphémères ou permanents, rêvés ou réels, blancs ou gris, capables de tout et à l’origine de tout (« nous sommes les enfants / des nuages »), les nuages qui apparaissent et disparaissent au gré des pages, les « nuages sans patrie » - ceux de l’étranger, de l’exilé, du voyageur –, les nuages joyeux, les nuages qui pleurent… Il n’y a pas qu’eux, bien sûr, mais ils peuplent si bien le recueil qu’on ne peut pas ne pas les assimiler à la poésie même de Radu Bata – comme les illustrations qui ponctuent les poèmes, ces belles images oniriques et colorées, teintées de fantastique et de surréalisme que quinze artistes offrent aux mots du poète et aux yeux du lecteur.

Que peut-il faire, ce lecteur, sinon continuer à lire, à relire, à contempler ? Et inciter ses semblables à lire, relire, contempler. Foin (et fin) des commentaires, laissons la place à l’œuvre et aux traces qu’elle laisse en nous.

                            l’œuvre compte moins

                            que l’ombre

                            qui s’en dégage

et finalement :

                            pour avoir longtemps appris

                            à parler avec les gens

                            j’enseigne

                            aujourd’hui

                            le silence

 

Jean-Pierre Longre

www.jacques-andre-editeur.eu

Commentaires

Ayant assistée à la rencontre de lundi à Lyon j'ai découvert les poésettes de Radu Bata avec intérêt et bonheur.
Ses écrits, j'ai acheté "Survivre malgré le bonheur", sont pour moi comparables à un excellent cours de mathématique, le professeur y est si clair et si limpide que l'on se sent soudain très intelligent pensant avoir tout compris. Quand on reprend le cours, seul(e), on découvre que l'on a encore beaucoup de chemin à faire...
Les poésettes de Radu Batu sont épurées, et emplies de réflexions profondes, sur la vie, le quotidien, la nature, le monde, elles se lisent avec ravissement et demandent ensuite de prendre le temps de les digérer et de les méditer. Merci à lui !

Écrit par : ABC | 17/05/2018

Ayant assistée à la rencontre de lundi à Lyon, j'ai découvert les poésettes de Radu Bata avec intérêt et bonheur.
Ses écrits, j'ai acheté "Survivre malgré le bonheur", sont pour moi comparables à un excellent cours de mathématique, le professeur y est si clair et si limpide que l'on se sent soudain très intelligent pensant avoir tout compris. Quand on reprend le cours, seul(e), on découvre que l'on a encore beaucoup de chemin à faire...
Les poésettes de Radu Batu sont épurées, et emplies de réflexions profondes, sur la vie, le quotidien, la nature, le monde, elles se lisent avec ravissement et demandent ensuite de prendre le temps de les digérer et de les méditer. Merci à lui !

Écrit par : ABC | 17/05/2018

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