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Passeur de littérature

Revue, roman, nouvelle, Suisse, Roumanie, Marius Daniel Popescu, Jean-Pierre LongreJournal Le Persil n° 100, puis 101-102-103, automne 2015  

Marius Daniel Popescu aime la vie quotidienne, il aime les gens qui la traversent et la peuplent, et des moindres gestes, des moindres objets, des moindres mots s’échappent sous sa plume des paysages nouveaux – par la parole, le souvenir, l’imagination. Le banal, chez lui, ne l’est jamais; de l’ordinaire naît l’extraordinaire. S’il est besoin de le prouver encore, le numéro 100 du Persil, « journal qui cultive le goût de la cuisine des mots de chaque jour », le fait à merveille. Des poèmes nouveaux, et deux extraits d’un roman à venir (et attendu), Le Cri du barbeau : l’un puisé dans un épisode de la vie actuelle – petits incidents et conversations paisibles –, l’autre dans les souvenirs des « travaux patriotiques » organisés par le « parti unique » – ramassage obligatoire de pommes de terre par les étudiants, sous la surveillance des professeurs d’université, à l’époque de la dictature en Roumanie.

Revue, roman, nouvelle, Suisse, Roumanie, Marius Daniel Popescu, Jean-Pierre LongreCette centième parution, donc, qui dresse aussi la liste des 99 précédentes, avec tous les détails sur leur sommaire, contient « des textes d’un seul auteur ». Mais le numéro triple qui suit dans la foulée (101-102-103) est, comme la plupart des précédents, laissé à la disposition d’autres auteurs de la Suisse romande (Ivan Farron, Serge Cantero, Bertrand Schmid, Janine Massard, Silvia Härri, Ferenc Rákóczy, Lucas Moreno, Lolvé Tillmans, Dominique Brand, Heike Liedler, Michel Layaz) et de Sanaz Safari, écrivaine iranienne qui, grâce à David André et Marius Daniel Popescu, publie ici ses deux premiers textes écrits en français, « à l’attention d’un lectorat dont elle ignore tout ».

Revue, roman, nouvelle, Suisse, Roumanie, Marius Daniel Popescu, Jean-Pierre LongreRoumanie, Suisse romande, Iran, et tous les espaces que l’écriture laisse entrevoir : Le Persil, « parole et silence », est un généreux passeur de littérature, au plein sens de l’expression.

Jean-Pierre Longre

www.facebook.com/journallitterairelepersil

mdpecrivain@yahoo.fr

lepersil@hotmail.com

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12/11/2015 | Lien permanent

Hurlement de la vie, épuisement du langage

Popescu.jpgMarius Daniel Popescu, La Symphonie du loup, José Corti, 2007

Prix Robert Walser 2008

 

Marius Daniel Popescu est né en Roumanie et vit actuellement à Lausanne. Il s’est fait connaître il y a quelques années par ses Arrêts déplacés, recueil de poèmes où la vie quotidienne se décline en miniatures ciselées avec une amoureuse précision. Il rédige et publie en outre avec régularité Le Persil, journal atypique, inimitable, où fleurissent les mots du quotidien. Marius Daniel Popescu est un poète, et l’important roman qu’il vient de faire paraître en est une preuve supplémentaire.

 

Car les 146 sections des 399 pages (soyons précis !) de La Symphonie du loup sont autant de poèmes en prose. Juxtaposition de tableaux, d’instantanés, de scènes représentant les petits et grands faits d’une existence, le texte est un puzzle à la Perec, une tentative d’épuisement du langage par la vie elle-même, qui devrait triompher des mots, les effacer purement et  simplement, ces mots ressassés, réitérés, s’étalant sans vergogne sur la page, et qui « ne devraient pas exister » (leitmotiv tout aussi ressassant). Car ils sont de vrais pièges, des pièges à loup : « Tu as appris tôt la duplicité du monde, la duplicité des gens, la duplicité des mots. Tu as appris depuis petit que le même mot peut provoquer ou arrêter une bagarre. Même le mot cerisier, tu savais qu’il est à la fois donneur de vie et meurtrier ». Et encore : « Quand je lis des mots inscrits quelque part, dans des livres de toutes sortes, sur des murs, dans les journaux ou sur les affiches publicitaires, je ne m’approche pas de leur sens avec une envie de recevoir du plaisir. Je ne cherche pas le plaisir dans les mots ». Et plus on approche de la fin, plus les séquences deviennent brèves, réduites au minimum verbal, au squelette narratif, et le puzzle devient multiple, livré au hasard comme une partie de cartes.

 

En même temps, La Symphonie du loup est un roman au souffle inépuisable, un souffle qui vous transporte entre passé et présent. L’enfant, le jeune homme qui, comme sa famille et ses compagnons, évoluait sous et malgré l’omniprésence de la dictature, est simultanément ce père de famille qui voit agir et fait grandir ses enfants, la « petite » et la « grande », dans son pays d’adoption. « L’école de la vie », qui signifie « tout ce qu’un être humain peut vivre et comprendre et apprendre sur la terre », est ici et là, en un constant va-et-vient entre là et ici. C’est une école qui enseigne tout, y compris la mort : celle du père, qui est au départ de la narration, celle de l’enfant à naître, relatée en des pages hallucinantes d’émotion contenue : « ce monde est fou, nous sommes des fous parmi les fous, je ne veux pas d’un enfant de fou dans un monde de fous ! », dit en pleurant la fiancée qui « souffrait beaucoup à cause de la vie que le parti unique avait instaurée au pays »… Ce « parti unique » est partout, transformant les hommes en « figurants » obligés de répondre « présent ! » alors que pour survivre ils ne peuvent qu’être mentalement ailleurs.

 

Le souffle du roman, c’est aussi le style, un style qui prend à la gorge. Le style c’est l’homme, a dit quelqu’un il y a quelques siècles ; mais l’homme est un loup pour l’homme, avait dit un autre un peu auparavant ; résultat de l’équation (qu’aurait donné le héros, féru de mathématiques) : le style, c’est le loup, dont le chant, murmuré ou hurlé, ne peut pas laisser indifférent. Roman à la deuxième personne, parole adressée par le grand-père à son petit-fils, La Symphonie du loup utilise le « tu » général, universel, mais le « je » et le « il » sont là, tout près, en embuscade dans le train du récit : « Tu es resté dans ce compartiment un peu plus d’une heure, presque endormi tu avais pensé à toi à la première personne, tu t’es vu à la deuxième personne, tu t’es regardé et tu t’es écouté à la troisième personne comme quelqu’un qui se regarde dans une glace et s’appelle soi-même, alternativement, par « je », par « tu » et par « il » ».

 

Transparente simplicité des faits, absurde complexité de la vie. Le loup dévore les mots, et cependant il les métamorphose en un chant aux insondables harmoniques et aux interminables échos.

 

Jean-Pierre Longre

www.jose-corti.fr

Rencontre avec Marius Daniel Popescu à l’Université Jean Moulin Lyon 3 : http://www.canal-u.tv/producteurs/universite_lyon_3_division_de_l_audio_visuel_et_du_multimedia/dossier_programmes/lettres/rencontre_avec_marius_daniel_popescu

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09/09/2010 | Lien permanent

Les faits et les objets

Roman, francophone, Roumanie, Suisse, Marius Daniel Popescu, José Corti, Jean-Pierre LongreMarius Daniel Popescu, Les couleurs de l’hirondelle, José Corti, 2012

Prix de l'Inaperçu 2012

La symphonie du loup, le précédent roman de Marius Daniel Popescu (José Corti, 2007), débutait par la mort du père ; Les couleurs de l’hirondelle commence et finit (presque) par l’enterrement de la mère. Entretemps, le puzzle narratif se met en place, mêlant le passé (l’enfance et la jeunesse au « pays du parti unique », la Roumanie jamais nommée) et le présent (la vie quotidienne dans le pays d’adoption, la Suisse tout aussi anonyme, les jeux avec l’enfant, le travail, le retour dans la famille pour les funérailles, et aussi le livre en train de s’écrire…). Aucune transition entre les épisodes ; placés les uns à côté des autres comme les affiches que colle le narrateur ou comme les cases du jeu de bataille navale qu’évoquent les dernières lignes, chacun d’entre eux est une histoire, un poème, un exercice de style à soi seul.

Exercice et art poétique en même temps. Par exemple : « Tu te dis que tu viens d’écrire un texte avec une fille et une femme, avec de la poésie et de la prose dans ses mots, avant les mots que tu viens d’écrire, avant les mots que tu vas écrire, il y a une sorte d’embryon du texte à venir, du texte publiable-publié et tu places cet embryon avant que les mots commencent à s’inscrire quelque part : toute écriture nécessite des perceptions, des plans ou des spontanéités mentales qui forment dans ton cas le début de chaque texte : une fois que tu commences à transformer en mots l’embryon du texte, tu te soumets à des règles qui bouleversent cet embryon, qui lui proposent de grandir, de devenir texte publiable en suivant des chemins qu’on appelle mots et qui, bizarrement, s’articulent entre eux sans former de carrefours, de places, de trottoirs ». Les mots, mis à rude épreuve, sont là pour exprimer les perceptions, non pour s’imposer, et c’est bien de cela qu’il s’agit : prendre conscience de ce qu’est la vie, dans son unité et sa diversité, dans ses manifestations mentales, affectives, physiques. Elle est faite de ces petites et grandes réalités que l’homme perçoit dans sa conscience et dans son inconscient, dans la mémoire de son esprit et de son corps, et qui voyagent comme un oiseau à qui l’on donne les couleurs du temps. Cela va de l’oppression politique odieuse et bête à la « révolution » vite confisquée par le règne de l’argent, de la misère et de la corruption ; des rideaux de lettres, qui en s’entrouvrant laissent apercevoir quelques mots, aux ensembles d’objets peuplant une existence humaine ; des jeux de l’enfance campagnarde à la confection d’un journal poétique, Le persil

Les faits et les objets. C’est en eux, par eux, avec eux, apparemment livrés à l’état brut, en réalité répartis avec minutie comme des notes sur une portée musicale, que se crée l’émotion, par l’intercession des mots innombrables peuplant les phrases d’un récit que la mémoire n’en finit pas de prolonger, comme après un beau concert.

Jean-Pierre Longre

www.jose-corti.fr

www.prixdelinapercu.fr

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25/05/2012 | Lien permanent

Feuilles à foison

Revue, francophone, Suisse, Le Persil, Marius Daniel Popescu, Jean-Pierre LongreJournal littéraire Le Persil, 2016-2017

Comment se fait-il que quelques revues littéraires – rares, il faut l’avouer – restent actives d’année en année à un rythme soutenu ? Ténacité, pluralité, diversité. Prenons exemple sur Le Persil – pas vraiment « revue », mais « journal », selon l’aveu même inscrit dans l’oreille qui jouxte la manchette (« Journal inédit, Le Persil est à la fois parole et silence ») et le format de la publication.

La ténacité, c’est celle de son initiateur et responsable, Marius Daniel Popescu, poète, romancier, personnalité du monde culturel suisse et roumain, toujours à l’offensive et sur la brèche, soutenu par les « Amis du Journal Le Persil ». La pluralité, la diversité, ce sont celles des auteurs qui emplissent les pages de leurs textes aux tonalités, aux formes, aux sujets d’une variété infinie.

Revue, francophone, Suisse, Le Persil, Marius Daniel Popescu, Jean-Pierre LongreConsidérons les dernières livraisons.

Novembre 2016, n° 127-128-129 : « Spécial polar romand », publié sous la responsabilité de Giuseppe Manone (par ailleurs président de l’Association des Amis du journal le Persil), comprenant une bibliographie du polar romand, des entretiens, des présentations d’auteurs et d’ouvrages et, bien sûr, des histoires policières. Avis aux amateurs…

Décembre 2016, n° 130-131-132 : « Atelier d’écriture avec des étudiants du Gymnase de la Cité de Lausanne. Visite de l’Institut littéraire de Bienne. Voyages ». Poèmes, proses, accompagnés d’images de Marie-José Imsand, un dossier sur Matthieu Ruf, Prix Georges-Nicole 2016… Le terme de « diversité » prend ici tout son sens.

Hiver 2016-2017, n° 133-134 : carte blanche à Germano Zuldo et Albertine, « qui ont demandé à vingt auteurs et illustrateurs de s’approprier le thème du territoire ». Textes et illustrations y rivalisent d’originalité, de personnalité – preuve s’il en est besoin qu’une contrainte thématique n’empêche pas et, au contraire, favorise la création.

Janvier 2017, n° 135-136 : « Bonnes feuilles » présentant des extraits de « livres à paraître en 2017 dans treize maisons de Suisse romande », annonçant « le joli printemps des maisons d’édition romandes ». Là encore, il y a de tout, un tout prometteur qui préfigure la qualité des publications à venir.

Cette brève présentation ne permet pas d’entrer dans le détail des feuilles foisonnant d’invention, de connaissances, de talents en germe ou en pleine maturité, d’imagination. Au lecteur de se faire explorateur de ce que Germano Zuldo et Albertine qualifient à juste titre de « formidable espace de création et de liberté ».

Jean-Pierre Longre

https://www.facebook.com/journallitterairelepersil

Le persil journal, Marius Daniel Popescu, avenue de Floréal 16, 1008 Prilly, Suisse.

E-mail : mdpecrivain@yahoo.fr

Association ses Amis du journal Le persil lepersil@hotmail.com

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10/04/2017 | Lien permanent

Apollinaire vit toujours

Revue, poésie, francophone, Apollinaire, éditions Calliopées, Jean-Pierre LongreApollinaire n° 22, revue d’études apollinariennes, éditions Calliopées, 2021

« Après une longue période d’absence », comme l’écrit l’éditrice Sylvie Tournadre, voici un numéro exceptionnel d’une revue qui, sous la houlette de son comité de rédaction (Jean Burgos, Pierre Caizergues, Claude Debon, Daniel Delbreil, Étienne-Alain Hubert, Gérald Purnelle), garde toujours vivant « le flâneur des deux rives ». Numéro exceptionnel par son contenu, sa densité, sa diversité.

Diversité générique, puisqu’on a le choix : poésie, théâtre, étude de manuscrit, analyse comparative… D’abord un poème « de circonstance » offert par Serge Pey, « Rue des Polinaires » (les « polinaires » étaient « des artisans du métal », comme les poètes sont des artisans de la langue) ; apprécions cet hommage au demeurant très apollinarien, et semé de citations, allusions « clins d’œil » rythmant les strophes. Les pages suivantes présentent le premier acte de Chut, comédie « en vers dégagés » d’André Rouveyre, dont l’action se passe « dans le pigeonnier de Guillaume » et qui, sous les apparences du canular et de la plaisanterie, révèle, comme l’écrit Claude Debon, qui a découvert le texte dans les dossiers de Michel Décaudin, « l’histoire triste, dramatique parfois et en même temps rocambolesque de la publication des lettres et poèmes envoyés par Apollinaire à ses deux égéries, Lou et Madeleine ».

Suivent un article de Jacques Houbert (décédé en 2017) sur le manuscrit de « La Chanson du mal-aimé », relevant des variantes inédites et faisant sensiblement avancer l’édude de la genèse du poème. Puis, par Christa Dohmann, une analyse précise tendant à prouver, citations à l’appui, que Les Exploits d’un jeune don juan est la traduction partielle d’un ouvrage allemand, Kinder-Geilheit / Geständnisse eines Knaben (Lubricité des enfants / Confessions d’un garçon).

La vaste dernière partie est consacrée aux nombreuses informations réunies par Claude Debon : publications, événements, notamment ceux qui se sont déroulés autour de l’année 2018, anniversaire de la publication de Calligrammes et de la mort du poète. Impossible ici de reprendre et de résumer toutes ces informations, mais on peut mettre l’accent sur la Correspondance générale et les Lettres reçues par Guillaume Apollinaire éditées par Victor Martin-Schmets (Honoré Champion, 2015 et 2018) et sur l’impressionnant Dictionnaire Apollinaire, deux volumes publiés en 2019 sous la direction de Daniel Delbreil (Honoré Champion). On le voit, ce numéro 22, particulièrement substantiel et semé d’illustrations colorées, nous donne de belles nouvelles d’un Apollinaire toujours à découvrir.

Jean-Pierre Longre

www.calliopees.fr

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17/06/2021 | Lien permanent

Que vive Brèves !

revue,nouvelle,francophone,atelier du gué,brèves,jean-pierre longreBrèves n° 122, 2023

« Daniel a construit sa vie d’homme et d’éditeur sur la fidélité à ses amours et à ses amitiés. » Lui qui « détestait les certitudes » a été un infatigable artisan dans son Atelier du Gué de Villelongue d’Aude où il fabriquait, éditait, diffusait avec Martine des recueils de nouvelles et la revue Brèves, dont le numéro 122 se clôt sur l’évocation de sa vie (1947-2023), de son tempérament (« toujours calme »), du militant, « bref » de l’homme qu’il était et que chacun regrette.

Ce numéro 122, donc : sept nouvelles aux tonalités diverses déclinant le thème du malentendu, que des dramaturges (Camus et d’autres) ont reconnu comme fondement de certains rapports humains. Et ces rapports, faits de non-dits, d’ambiguïtés, de mensonges, de trahisons parfois, mais aussi de révélations et de générosité, donnent corps aux histoires ici racontées. Il y a un jeune immigré perdu dans un univers totalement étranger pour lui, et dont le seul repère est le temps qui s’écoule ; une femme qui quotidiennement pense à l’enfant qu’elle a dû abandonner, avant de se couler dans le moule de l’épouse et mère de famille (« Je l’ai laissée pour qu’elle vive de sa vie propre, moi je ne pouvais pas. ») ; un drôle d’agent immobilier qui entretient de drôles de relations avec une drôle de locataire ; la vie étrange de Joseph Brach qui n’aime pas la lumière et devient « veilleur », arpentant la nuit les rues du village (texte de Jan Čep, 1902-1974) : un riche franco-américain refusant de troubler sa tranquillité en accueillant son fils réfugié climatique ; une longue suite donnée au « Baiser de l’hôtel de ville », la fameuse photographie de Robert Doisneau. En prime, un récit plein d’humour d’une certaine Janou Walcutt (1875-1944) mettant en scène un pittoresque et bouillant « patron » de jardiniers portugais.

Comme toujours avec Brèves, nous avons affaire à une belle variété de textes parfaitement présentés, et comme toujours la rubrique « Pas de roman / bonnes nouvelles ! » donne d’autres idées de lecture. Soyons sûrs que la disparition de Daniel Delort ne nous privera pas d’aussi beaux numéros à venir…

Jean-Pierre Longre

 

Les auteurs : Natalie Barsacq, Francine Charron, Pierre Montbrand, Jan Čep, Jean-Luc Feixa, Pierre Zanetti, Janou Walcutt.

Pour s’abonner et/ou pour commander des numéros anciens :

Brèves, 1, rue du Village, 11300 Villelongue d’Aude

breves@atelierdugue.com

Tél. 04 68 69 50 30

www.scopalto.com/revue/breves

www.difpop.com

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03/01/2024 | Lien permanent

Transports en commun poétiques

Poésie, Francophone, Roumanie, Suisse, Marius Daniel Popescu, Antipodes, Jean-Pierre LongreMarius Daniel Popescu, Arrêts déplacés, Antipodes, Lausanne, 2004.

(Prix Rilke 2006)

 

Une fois n’est pas coutume : commençons par la fin. Il y a la table des matières, à elle seule tout un poème ; des titres en embuscade (« Bibelot en embuscade », comme le formule l’un d’entre eux), « petits grains » (autre titre dispersé çà et là) semés comme des énigmes et renvoyant à des textes aux allures de quotidien, de vie laborieuse, de vie de la rue, de vie familiale. Juste avant la table, il y a « Le tueur de livres », nouvelle-poème dans laquelle un lecteur impitoyable, qui expose dans son appartement les dépouilles de ses victimes, proclame que « n’importe qui peut comprendre qu’un livre peut brûler les gens ».

 

Marius Daniel Popescu est, nous dit-on, chauffeur de trolleybus ; profession rassurante, qui nous suggère qu’il ne brûlera ni ses lecteurs ni ses livres. Ses Arrêts déplacés, apparemment sortis tout chauds de ses observations, proposent de modestes scènes du théâtre intime et social, quelques images du passé (la grand-mère), beaucoup d’images du présent (le foyer, et surtout les gens qui montent dans le bus et en descendent, qui parlent et se dévoilent, ou qui demeurent dans le mutisme de leurs gestes). La vie est là : pas d’autobiographie dans ces poèmes, pas d’états d’âme de l’exilé venu de l’Est (si tant est que l’origine de l’auteur corresponde à ce que suggère la consonance de son nom), mais une biographie plurielle, visuelle et auditive, sensible et sentimentale, tendre et cruelle.

 

Certains textes sont des miniatures, décomposant la banalité des actes humains pour en extraire l’essence poétique, relatant en quelques phrases tel petit fait, telle conversation de coin de rue, telle confidence d’entre deux arrêts, tel rêve aussi qui vient colorer le réel citadin de visions oniriques et d’humour léger. D’autres utilisent le blanc de la page, en des figurations où le verbe s’associe au graphisme abstrait pour remplir l’espace, entre horizontalité et verticalité. Ailleurs encore, les mots se bousculent en collages, en listes, en inventaires compacts.

 

Je, tu, il, elle, tout se conjugue dans ces exercices de style pour faire accéder le lecteur à l’authentique métaphore, celle qui transporte littéralement et littérairement dans le secret des mots, secret qui, sous de discrètes notations et de simples constats, se cache au cœur de la poésie. « A la tombée du rideau », laissons l’auteur nous saluer :

 

                   « aujourd’hui tu dis au revoir aux lieux et aux gens,

                   tu dis au revoir au lac, à l’embarcadère et aux canards ;

                   tu démarres en avant, aujourd’hui tu oublies et tu gardes

                   une ligne de bus où le billet coûtait deux francs quarante

                   et la pluie était joyeuse et chaude et très marrante. »

 

Jean-Pierre Longre

 

http://www.antipodes.ch

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08/08/2010 | Lien permanent

Comment la littérature construit une ville

Essai, francophone, Pierre-Julien Brunet, Dominique Thoral, Publications de l’Université de Saint-Étienne, Jean-Pierre LongrePierre-Julien Brunet, Roanne, regards d’écrivains, anthologie littéraire de Roanne et du pays roannais, illustration de couverture et photographies de Dominique Thoral, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2018

Pierre-Julien Brunet avertit d’emblée le lecteur : l’entrée en littérature de Roanne, « ville moyenne à plus d’un titre », « ville-étape », voire « non-lieu » littéraire, s’est faite laborieusement, lentement, grâce à des écrivains de passage d’abord (le fleuve, la route, la voie ferrée y jouent un rôle primordial), puis à certains autres qui en ont fait l’un de leurs lieux de prédilection (au moins momentanément). La composition du livre, sans être complètement chronologique, témoigne de cette progression : trois grandes parties (« Une ville où l’on n’a (longtemps) fait que passer », « Une ville qui s’écrit (pour la première fois ») sous l’Occupation », « Une ville où l’on s’arrête (enfin) »), inaugurées par une entrée en matière de Christian Chavassieux, enfant de Roanne, qui parvient à donner poétiquement une somme d’informations sur l’histoire démographique, économique, politique de sa ville, et prolongées, après un beau poème autobiographique de Daniel Arsand, par la mention de « trois mystères littéraires », comme des points de suspension promettant des révélations à venir…

Si Roanne, donc, semble échapper au prestige littéraire, les « regards d’écrivains » n’en sont pas moins éloquents. Et quels regards ! Ceux de Laurence Sterne, Flora Tristan, Valery Larbaud, Antoine de Saint-Exupéry, Barbara, dans des styles et des genres différents, évoquent leurs passages fugaces ou durables dans la ville ou ses environs. Ceux de Joseph Joffo, Robert Sabatier, David Ponsonby, Georges Montardre-Montforez, Hélène Montardre se fixent sur la période de l’Occupation, les écrivains créant des itinéraires vers Roanne vue comme un but idéal, ou à l’intérieur de la ville (notamment Robert Sabatier et Georges Montardre-Montforez). À noter qu’ici, au milieu des français, se glisse étonnamment un auteur de langue anglaise, David Ponsonby, qui, traduit par Pierre-Julien Brunet, raconte avec verve la vie des autochtones, et, allant au-delà des apparences, « se crée sa propre Roanne ». Puis arrivent les écrivains qui « s’arrêtent » sur une ville devenue sous leur plume lieu romanesque (Michel Tournier et Daniel Arsand), lieu de fiction merveilleuse (Louis Mercier), lieu poétique (Francis Ponge et Christian Degoutte) ; au fil des pages, Roanne devient une véritable « construction littéraire ».

Au-delà de la simple recension (qui pourrait être bien plus longue), les textes de cette anthologie ont été choisis pour leur représentativité et leur valeur littéraires, leur capacité non seulement à intéresser le lecteur, à l’instruire et à le renseigner en détail grâce à des notices et à des notes très précises, mais aussi à l’émouvoir. Outre la présence urbaine et humaine de la ville (qui va de soi, dira-t-on), celle de la nature (l’eau, les arbres, les chemins de campagne) est pour beaucoup dans le charme et la profondeur poétiques de l’ouvrage. Ajoutons que celui-ci est un « beau livre », au plein sens de l’expression : le contenu bien sûr, mais aussi le format, la mise en page et, ponctuant les textes, les illustrations et photographies de Dominique Thoral.

Jean-Pierre Longre

https://publications.univ-st-etienne.fr

http://surbouquin.blogspot.com

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28/11/2018 | Lien permanent

Des revues à foison

Études greeniennes n° 5, Apollinaire n° 14, Cahiers Raymond Queneau n° 3, Éditions Calliopées, 2013

Revue, francophone, Julien Green, Guillaume Apollinaire, Raymond Queneau, éditions Calliopées, Jean-Pierre Longre

Aux éditions Calliopées, une part importante des publications est consacrée à des revues que l’on appellera monographiques, puisque chacune d’entre elles est consacrée à un auteur particulier : Guillaume Apollinaire, Julien Green, Pierre Jean Jouve, Raymond Queneau, Jean Tardieu. Apollinaire, Green et Queneau font l’objet des toutes dernières livraisons.

Le numéro 5 des Études greeniennes, présenté par Marie-Françoise Canérot et Carole Auroy, est largement consacré à des articles précis sur le motif de la nuit dans plusieurs des œuvres de l’écrivain. « S’enfoncer dans la nuit greenienne, c’est […] pénétrer au cœur battant d’un homme et d’un imaginaire », écrit M.-F. Canérot. Le volume se clôt par la fort belle reproduction d’une lettre manuscrite de l’auteur.

Revue, francophone, Julien Green, Guillaume Apollinaire, Raymond Queneau, éditions Calliopées, Jean-Pierre Longre

Le n° 14 d’Apollinaire, revue qui publie régulièrement, depuis plusieurs années, des « études » à la mesure du génie, de l’éclectisme et de la notoriété du poète, est inauguré, après l’éditorial de Jean Burgos, par les « ouvertures » d’un autre poète, Jean-Michel Maulpoix, puis par un texte émouvant de Madeleine Pagès, la fiancée lointaine, présenté par Claude Debon. Suivent des études spécialisées, notamment un article de grand intérêt sur « la musique d’Apollinaire », par Peter Dayan, avant les traditionnels comptes rendus et échos.


Raymond Queneau est, peut-on dire, celui qui peuple le plus Revue, francophone, Julien Green, Guillaume Apollinaire, Raymond Queneau, éditions Calliopées, Jean-Pierre Longreassidûment le catalogue des éditions Calliopées. Le numéro 3 des Cahiers qui lui sont consacrés, sous la houlette de Daniel Delbreil, est consacré à des « déchiffrements » divers : parallèle Queneau-Cioran, études concernant En passant, Pierrot mon ami, le « langage des fleurs », présentation d’un texte de jeunesse sur l’Albanie… Volume particulièrement émouvant, puisqu’il commence en évoquant la mémoire de trois grands « queniens » récemment disparus, Claude Simonnet, Brunella Eruli et Florence Géhéniau.

Revues de spécialistes ? Oui, en partie, avec les exigences intellectuelles et la perfection formelle que cela implique. Mais les études à caractère universitaire voisinent avec des textes, des présentations, des nouvelles, des échos dans lesquels tout lecteur peut trouver son intérêt et son plaisir.

Jean-Pierre Longre

www.calliopees.fr 

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17/12/2013 | Lien permanent

PAG en fascicules

Poésie, Nouvelle, francophone, Pierre Autin-Grenier, Les carnets du dessert de lune, Gallimard / L’arpenteur, Jean-Pierre LongrePierre Autin-Grenier, Le poète pisse dans son violon, Éditions Les Carnets du Desset de Lune, collection Dessert, 2004.

 

« Comment prendre au sérieux un pessimiste à l’accent provençal ? ». Réponse possible : en appréciant la vélocité avec laquelle il résume une vie humaine : « Tricycle ! Mobylette ! Mercédès ! Corbillard ! Amen ! ». Entre ce premier et ce dernier aphorisme, dix autres du même acabit, comme autant de petits extraits d’existence parcourant des feuillets disposés en accordéon, ou comme autant de petites notes sortant finalement du violon malmené…

 

Périodiquement, les Carnets du Dessert de Lune proposent ces mini-fascicules sur « chutes » ou « bouts de papiers » (les deux précédents, par exemple, de Daniel Fano et Eddy Devolder), condensés de poésie à garder avec soi, gourmandises à consommer par petites touches, délicieusement.

 

www.dessertdelune.be

 

 

 

Poésie, Nouvelle, francophone, Pierre Autin-Grenier, Les carnets du dessert de lune, Gallimard / L’arpenteur, Jean-Pierre LongrePierre Autin-Grenier, L'ange au gilet rouge, Gallimard / L’arpenteur, 2007.

 

Huit nouvelles, dont deux publiées antérieurement en volumes propres. Huit textes aux confins du fantastique. Du réel naît l’énigme, de l’énigme l’étrange, de l’étrange l’étonnement devant les dénouements qui abandonnent le lecteur à son imaginaire. Un ange, un nain, une statue géante, un double assassin de soi-même, des fuites éperdues vers on ne sait quoi depuis on ne sait où, des crimes familiaux… Peuplés d’êtres et d’événements hors normes et pourtant bien là, présents dans l’ici-bas, ces récits sont aussi – et surtout – portés par une écriture prenante, qui nous met individuellement en présence des faits, qui nous les impose. Et plus on avance, plus on se dit que sans cette écriture, ils ne seraient pas nôtres, ces êtres et ces événements. Nous aurions tout manqué.

 

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Jean-Pierre Longre

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06/10/2010 | Lien permanent

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