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Rechercher : les mots du spectacle en politique

Match livresque

Récit, francophone, Pierre Autin-Grenier, François Garcin, Finitude, Jean-Pierre LongrePierre Autin-Grenier et Christian Garcin, Quand j’étais écrivain, Finitude, 2011

Face à face, dos à dos, tour à tour ? En tout cas, deux écrivains, fort marris de la maigreur de leurs ventes, se retrouvent autour de bonnes bouteilles et se lancent un défi susceptible de leur remonter le moral, sait-on jamais. Pour l’un, Christian Garcin (alias Christophe Garçon), c’est « le concours de la plus maigre assistance en librairie » ; pour l’autre, Pierre Autin-Grenier (alias Paul Autant-Grognard), le gagnant serait celui « qui collectionnerait le plus d’invitations » dans les lieux culturels les plus divers.

Ce double défi donne lieu à un délicieux double petit livre, « côté pile et côté face », une double « fantaisie » pleine de rebondissements saugrenus et d’humour irrésistible, parsemée de citations et de proverbes chinois qui laissent perplexe.

À chacun ses voyages, à chacun son récit, à chacun son style, alerte et sans chichis, le style des vrais écrivains qui ne se prennent pas pour des institutions littéraires. Tout se déroule dans le fumet engageant de « casseroles frémissantes » et le bouquet enivrant de fameux bourgognes, puis se résout d’une manière un peu inattendue, mais toujours avec les livres. Les livres auxquels – auteur ou lecteur – on n’échappera pas.

Jean-Pierre Longre

www.finitude.fr   

Dans le même esprit, mais dans un contexte bien différent, on lira avec un plaisir non dénué d'arrière-pensées les mésaventures d'écrivains anglo-saxons racontées par eux-récit,francophone,pierre autin-grenier,christian garcin,finitude,jean-pierre longremêmes: lectures publiques sans public, signatures qui tournent court, rencontres inattendues.

Ces souvenirs, extraits de Hontes, confessions impudiques mises en scène par les auteurs (éditions Joëlle Losfeld) sont d'autant plus délicieux que, tout en étant pleins d'humour et d'autodérision, ils renseignent sans faux-fuyants sur la réelle condition de l'écrivain débutant ou confirmé, méconnu ou célèbre, et sur l'ignorance, voire le mépris dans lesquels la société occidentale actuelle tient la littérature...

Fiasco! Des écrivains en scène. D'après une anthologie de Robin Robertson, traduit de l'anglais par Catherine Richard, Gallimard, Folio, 2011.

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27/02/2012 | Lien permanent

L’humain sous toutes les latitudes

Nouvelle, francophone, Jean-Christophe Rufin, Gallimard, Jean-Pierre LongreJean-Christophe Rufin, Sept histoires qui reviennent de loin, Gallimard, 2011, Folio, 2012

D’une expérience multiple (la médecine, les missions humanitaires, la diplomatie) et d’un talent littéraire officiellement reconnu (prix Goncourt, Académie française…) et néanmoins réel, Jean-Christophe Rufin a su tirer parti avec brio dans ces nouvelles.

Sept récits, sept voyages immobiles, de Paris au Luxembourg en passant par la Kirghizie, l’île Maurice, les Dolomites, le Mozambique, le Sri Lanka, sans compter l’évocation hors scène d’autres périodes historiques et d’autres contrées lointaines. Mais l’exotisme, s’il donne du piquant et du relief aux événements et aux personnages, n’est pas le principal. L’important, ce qui fait l’unité de ces textes dont on pourrait croire à première vue qu’ils sont disparates, c’est l’humain. Narrateurs et protagonistes, sous toutes les latitudes, à toutes les époques, nouvelle,francophone,jean-christophe rufin,gallimard,jean-pierre longredans toutes les langues, sont empreints de cette intelligence et de cette sensibilité qui donnent confiance en l’humanité, jusqu’au milieu des conflits et du malheur, de l’intolérance et de la cruauté.

Et ce qui ne gâte rien, l’auteur sait construire ses histoires, avec la ferveur de l’acteur et le détachement de l’observateur. Entre mystère et clarté, le tragique et l’humour se côtoient et se combinent, les péripéties dramatiques et les situations burlesques convergent vers un dénouement souvent inattendu. Sourires ou frissons garantis, et toujours le plaisir de lire de vraies « histoires ».

Jean-Pierre Longre

www.gallimard.fr   

www.folio-lesite.fr

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01/10/2012 | Lien permanent

« Pas maintenant, pas comme ça »

Récit, francophone, Laurent Mauvignier, éditions de Minuit, Jean-Pierre LongreLaurent Mauvignier, Ce que j’appelle oubli, Les éditions de Minuit, 2011

En décembre 2009, des vigiles du supermarché Carrefour de Lyon La Part-Dieu, ayant surpris un jeune homme à voler une canette de bière, se défoulent sur lui jusqu’à ce que mort s’ensuive. Ces quatre hommes n’en étaient sans doute pas à leurs premières brutalités, mais il n’étaient pas encore allés jusqu’à l’assassinat.

Ce dramatique fait divers a été librement adapté par Laurent Mauvignier, en soixante pages d’un seul élan – une seule phrase suspendue entre un non début et une non fin, entre inspiration et expiration, comme le dernier souffle de l’être qui ne veut pas vraiment y croire et se dit jusqu’au bout : « Pas maintenant, pas comme ça ».

La syntaxe audacieuse, tourmentée, précise, comme toujours chez Mauvignier, forge et nourrit les personnages et les événements, les sensations et la trame narrative. Adressé au frère de la victime, le récit incantatoire dévoile peu à peu ce qu’était la vie (réinventée, transposée) du jeune homme qui ne se doutait pas que, accomplissant l’acte anodin de pénétrer dans un grand magasin, il n’en ressortirait pas vivant ; sa modeste famille, ses piètres amours, ses petits boulots, tout le mène sans en avoir l’air vers la tragédie, qui est aussi celle, en quelque sorte, des quatre bourreaux dont le narrateur se demande « de quelle humiliation ils veulent se venger ».

Tragédie en un acte, en un souffle, Ce que j’appelle oubli prouve que la littérature est apte à mettre en scène la souffrance humaine, honteuse, révoltante, que l’art peut faire vivre intensément la parole toute simple d’un homme de loi : « et ce que le procureur a dit, c’est qu’un homme ne doit pas mourir pour si peu, qu’il est injuste de mourir à cause d’une canette de bière ».

Jean-Pierre Longre

www.leseditionsdeminuit.fr    

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05/12/2011 | Lien permanent

Le sacre du métèque

Essai, francophone, Roumanie, Cioran, Nicolas Cavaillès, Aurélien Demars, Gallimard, Jean-Pierre LongreCioran, Œuvres, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade. Édition établie, présentée et annotée par Nicolas Cavaillès, avec la collaboration d’Aurélien Demars, 2011

Venu des Carpates et des « cimes du désespoir », exilé à Paris, prisonnier volontaire d’une langue nouvelle et d’un pessimisme provocateur, Cioran est l’un des grands écrivains français du XXe siècle. Lui consacrer un volume de la Pléiade était justice, et la publication de ses Œuvres est un modèle du genre.

Les éditeurs ont choisi à bon escient de se limiter (si l’on peut dire) aux textes rédigés en langue française. Ce choix est dû à des raisons non seulement linguistiques et chronologiques, mais aussi philosophiques et littéraires. Les dix œuvres « françaises » publiées, présentées et annotées ici, même si elles n’échappent pas – et c’est heureux – à l’héritage roumain, forment un ensemble cohérent dans sa succession interne, tant du point de vue de la pensée que de celui du style.

On lira (ou relira) donc avec un bonheur non dénué d’une angoisse communicative Précis de décomposition, Syllogismes de l’amertume, La tentation d’exister, Histoire et utopie, La chute dans le temps, Le mauvais démiurge, De l’inconvénient d’être né, Écartèlement, Aveux et anathèmes, Exercices d’admiration, le tout complété, comme il se doit dans la Pléiade, par une préface, une biographie, une bibliographie, des notices, des notes, des appendices… Comme il se doit, et plus qu’il ne se doit : la préface, entre autres, offre, certes, une synthèse impeccable de l’œuvre de Cioran, une analyse limpide de son écriture, des ouvertures séduisantes sur les origines et les enjeux des textes, mais elle est aussi en elle-même un morceau de littérature ; à la fois enthousiaste et distanciée, construite et foisonnante, elle offre un bel exemple de « style comme aventure ».

Avec ce volume, le plaisir d’entendre une « voix [qui] accède à une pluralité de formes et de tons – de l’essai lyrique au lambeau delphique, de l’aphorisme ravageur à l’épître complice, de l’effigie destructrice à l’oraison non-violente… » est relevé par celui d’en apprendre beaucoup sur cette « voix », sur ce qui l’a construite et sapée, nourrie et  affamée, encouragée et découragée, composée et décomposée. Au-delà de l’amertume ou des anathèmes, ce sont bien des « exercices d’admiration » que nous sommes amenés à pratiquer en l’écoutant, et en écoutant celles qui l’accompagnent.

Jean-Pierre Longre

www.la-pleiade.fr   

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The Black Herald n°2 arrive

Black Herald.jpgLiterary magazine –Revue de littérature

The Black Herald  issue #2 – September 2011 - Septembre 2011
162 pages - 13.90 € – ISBN 978-2-919582-03-7

Poetry, short fiction, prose, essays, translations.
Poésie, fiction courte, prose, essais, traductions.

With / avec W.S Graham, Danielle Winterton, Dumitru Tsepeneag, Clayton Eshleman, Pierre Cendors, Onno Kosters, Alistair Noon, Anne-Sylvie Salzman, Róbert Gál, Andrew Fentham, Hart Crane, Delphine Grass, Jacques Sicard, Iain Britton, Jos Roy, Michael Lee Rattigan, Georges Perros, Laurence Werner David, John Taylor, Sudeep Sen, César Vallejo, Cécile Lombard, Michaela Freeman, Gary J. Shipley, Lisa Thatcher, Dimíter Ánguelov, Robert McGowan, Jean-Baptiste Monat, Khun San, André Rougier, Rosemary Lloyd, Hugh Rayment-Pickard, Sherry Macdonald, Will Stone, Patrick Camiller, Paul Stubbs, Blandine Longre. and essays about / et des essais sur Arthur Rimbaud, Tristan Corbière, Jacques Derrida. Images : Romain Verger, Jean-François Mariotti. Design: Sandrine Duvillier.

The Black Herald is edited by Paul Stubbs and Blandine Longre
Comité de rédaction : Paul Stubbs et Blandine Longre

http://blackheraldpress.wordpress.com/magazine/the-black-herald-issue-2/

Where to find the magazine and our books / Où trouver la revue et nos publications :

http://blackheraldpressbookshop.blogspot.com/p/add-to-cart-ajouter-au-panier.html

And soon in bookshops listed here / et bientôt dans les librairies suivantes:http://blackheraldpress.wordpress.com/buy-our-titles/

 

Black Herald Press : http://blackheraldpress.wordpress.com/

Blog : http://blackheraldpress.tumblr.com

To follow us on Facebook / nous suivre sur Facebook : http://www.facebook.com/BlackHeraldPress

& Twitter : http://twitter.com/Blackheraldpres

blackheraldpress@gmail.com

Submission guidelines

Co-edited by Blandine Longre and Paul Stubbs, the magazine’s only aim is to publish original world writers, not necessarily linked in any way by ‘theme’ or ‘style’. Writing that we deem can withstand the test of time and might resist popularization – the dangers of instant literature for instant consumption. Writing that seems capable of escaping the vacuum of the epoch. Where the rupture of alternative mindscapes and nationalities exists, so too will The Black Herald.

L’objectif premier de la revue, coéditée par Blandine Longre et Paul Stubbs, est de publier des textes originaux d’auteurs du monde entier, sans qu’un « thème » ou un « style » les unissent nécessairement. Des textes et des écritures capables, selon nous, de résister à l’épreuve du temps, à la vulgarisation et aux dangers d’une littérature écrite et lue comme un produit de consommation immédiate. Des textes et des écritures refusant de composer avec la vacuité de l’époque, quelle qu’elle soit. Éclatement des codes, des frontières nationales et textuelles, exploration de paysages mentaux en rupture avec le temps : c’est sur ces failles que l’on trouvera le Black Herald.

“Black Herald Press is an outstanding new imprint – physically and stylistically their books are a delight.” — Paul Sutton, Stride magazine, 10/2010.

« La ligne éditoriale de la revue s’attache avant tout à établir un horizon élargi et diversifié de genres, de langues et de styles. Aucun thème ni mouvement commun, simplement (et c’est là que se trouve tout le sel de ces pages) l’articulation d’hémisphères, quelques terres inconnues reliées les unes aux autres pour que le style, justement, de la revue, ce soit ce point de convergence des textes entre eux. » – Guillaume Vissac, 04/2011

“Its publication feels like an event, in terms of quality and scope (it’s bi-lingual and has its sights, like Blast long before it, on the more visionary and European aspects of poetry).” – Darran Anderson, 02/2011

« Aux commandes de ce navire de pirates, Paul Stubbs et Blandine Longre, dont on avait déjà loué ici la sauvage poésie d’expression anglaise. Tous deux ont eu l’audace d’offrir à leurs contributeurs cette étrange arène où la langue, par le système d’échos qu’ils ont construit, ne peut être que remise en cause. Lecture jamais confortable, jamais contentée, donc, que celle du Black Herald, où chaque page, chaque texte, dans sa version originale et / ou dans sa traduction est source d’inquiétude. On attend avec une impatience certaine la deuxième livraison (automne 2011, nous dit-on) de ce super-héraut. » – Le Visage Vert, 01/2011

 

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31/08/2011 | Lien permanent

Après la chute

Roman, francophone, Jean-Paul Dubois, Éditions de l’Olivier, Jean-Pierre LongreJean-Paul Dubois, Le cas Sneijder, Éditions de l’Olivier, 2011 Éditions À vue d’œil (gros caractères), 2012, Editions Points, 2012

Avec les héros de Jean-Paul Dubois, on ne risque pas de s’ennuyer – même si eux-mêmes plongent parfois dans le désespoir et la dépression. Paul Sneijder est, comme les précédents et comme l’annonce le titre, un « cas ». Mais pas tout de suite. Sa vie aurait pu rester dans des normes sociales conventionnelles : une femme du genre « executive woman », des jumeaux qui suivent les traces de leur mère, une fille d’un premier mariage, rejetée par la nouvelle famille, un exil au Québec pour la carrière de l’épouse, un intérêt particulier pour les morts collectives d’animaux (oiseaux, poissons)… Bref, une existence qui, sans être complètement ordinaire, n’est pas encore matière à roman.

roman,francophone,jean-paul dubois,Éditions de l’olivier,jean-pierre longreEt le 4 janvier 2011 à 13h12, l’accident comme il n’en arrive pratiquement jamais. Un ascenseur qui se décroche, trois morts (dont Marie, la fille chérie) et un rescapé : Paul Sneijder, pour qui tout va changer, et dont la vie peut devenir un roman, d’autant que c’est lui-même qui la raconte, à sa manière (disons : à la manière alerte, inimitable de Jean-Paul Dubois).

Paul Sneijder bascule, pour ainsi dire, vers la face cachée de l’humanité. Son obsession : étudier les divers mécanismes qui commandent les mouvements des ascenseurs, au point d’en devenir un spécialiste. Son occupation : promener les chiens des autres, au point de se prendre d’affection pour eux. Son culte : celui des cendres de Marie, dont il conserve précieusement l’urne sur son bureau. Son amusement : relever, par exemple, les nombres palindromiques trouvés par son patron. Ses souvenirs : précis, sans défauts (« Je me souviens de tout ce que j’ai fait, dit ou entendu » : telle est la première phrase du livre). Ces changements qui, aux yeux de sa femme et de ses roman,francophone,jean-paul dubois,Éditions de l’olivier,éditions a vue d'oeil,jean-pierre longrejumeaux, tournent à la catastrophe mentale et sociale, sont pour lui salutaires, lui permettant « de considérer le mécanisme de nos vies sous un autre angle, une autre perspective ». Lorsqu’il se demande comment les chiens peuvent garder leur stabilité, ce qu’il en dit n’est évidemment pas étranger à ses préoccupations : « Je voulais croire que cela tenait à la configuration de leur mémoire qui possédait peut-être cette capacité à dissoudre l’écume des jours, à oublier ce qui n’était pas essentiel, à cultiver cette aptitude à renaître chaque jour, à repartir de zéro ».

Jean-Paul Dubois a l’art de dénicher des situations inattendues, de les cultiver, de les exploiter dans sa tonalité particulière, où tragédie et comédie se mêlent et se complètent à merveille.

Jean-Pierre Longre

www.editionsdelolivier.fr  

http://www.avuedoeil.fr

www.lecerclepoints.com

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02/10/2012 | Lien permanent

Chaos bien ordonné

Nouvelle, francophone, Patrick Ledent, éditions Calliopées, Jean-Pierre LongrePatrick Ledent, À vos caddies !, Éditions Calliopées, 2011

Dans son précédent recueil (Joli coup), Patrick Ledent avait révélé un vrai talent de conteur. Voilà qui se confirme sans conteste dans À vos caddies !. Et le mot « recueil » n’est pas anodin : les vingt nouvelles, encadrées par des « Prolégomènes » et un « Envoi », bouclent un itinéraire plein de surprises, qui mène le lecteur d’une envolée satirique (le monde de la consommation) à l’autre (le monde du travail), d’un cimetière au même cimetière, à Nice où sévissent des vampires très humains. La vie, mort comprise…

Les surprises ? Elles sont multiples et variées : un drôle de restaurant où se cache une drôle de lolita, l’étrange rencontre d’une tulipe et d’un enfant, les illusions d’un tueur en série, les découragements d’un employé de bureau, les ruses d’une élégante de casino… des accidents bizarres, des hasards suspects, des rencontres inattendues…

Pour réaliste que soit le monde dans lequel évoluent les personnages et surgissent les événements, le lecteur se laisse volontiers transporter vers l’imprévu, et la verve de l’auteur y est pour beaucoup. Car le suspense s’assortit d’une écriture alerte, d’une prose séduisante où se profilent parfois quelques silhouettes familières, telle celle de Queneau qui passe comme une discrète figure tutélaire. On se laisse mener avec délices par le bout du nez pour s’évader à loisir, poussant devant soi une provision de références rassurantes et d’inventions délicieuses, dans un chaos bien ordonné. « Mais c’est dur, le chaos. Alors, pardon, je compense. Je mets de l’ordre, me réinvente, vous réinvente. Invente tout court, puisqu’on est frères. Des petites histoires. Je fais comme tout le monde, je fais comme vous : je creuse. Une évasion, ça commence par là ».

Jean-Pierre Longre

www.calliopees.fr  

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25/10/2011 | Lien permanent

Trouver le livre parfait ?

Essai, francophone, Roumanie, Dumitru Tsepeneag, P.O.L., Jean-Pierre LongreDumitru Tsepeneag, Frappes chirurgicales, P.O.L., 2009

Il est toujours utile de tenir compte de regards à la fois étrangers et avertis, extérieurs et intérieurs sur la vie littéraire et culturelle d’un pays, et il n’est pas indifférent que, concernant la France, sa langue et sa littérature, ces regards viennent d’écrivains qui ont la double expérience de la vie locale et de l’émigration. C’est en grande partie sur eux que l’on doit compter pour un véritable renouvellement de la langue et de la littérature.

Le dernier livre que l’écrivain franco-roumain Dumitru Tsepeneag vient de publier en français rassemble des articles critiques diffusés initialement en revue (Seine et Danube, puis La revue littéraire) entre 2003 et 2007. En toute subjectivité, l’écrivain multiplie avec un humour corrosif les angles d’attaque contre les abus de la mode artistique et littéraire, n’hésitant pas même à fustiger les opinions d’autres auteurs francophones : l’une de ses cibles, par exemple, est Nancy Huston, qui dans Professeurs de désespoir dénonce le nihilisme de certaines grandes figures de la littérature européenne comme Beckett, Cioran, Thomas Bernard ou Elfriede Jelinek, mais aussi celui de petites figures médiatisées comme Michel Houellebecq et Christine Angot : « C’est l’esprit démocratique à l’américaine de notre Nancy qui la pousse à mélanger génies et plumitifs ? Ou le populisme franchouillard qu’elle a appris depuis qu’elle vit ici ?», écrit-il avec une amicale rugosité.

Le jugement de Tsepeneag est à la fois partial, sans appel, spirituel (voir les remarques sur « l’ambulance » Philippe Labro) et intéressant, puisque, entre autres, il rappelle à sa manière deux versants de son écriture: le versant étranger et le versant français, leur point de jonction, leur sommet commun présentant l’avantage d’une double culture, double culture qui peut être aussi à double sens, comme ici : « J’ai fait un rêve. J’étais un vieux critique littéraire, je vivais en Roumanie et j’adorais la littérature française. C’était ma mère nourricière. J’essayais de me tenir au courant de ses dernières tendances. On m’avait dit que Frédéric Beigbeder passait aux yeux de ses lecteurs pour un grand écrivain. Tout le monde le lisait. Ceux qui n’avaient pas le temps de le lire le regardaient à la télé. Il était beau. Comment ne pas admirer son menton volontaire, sa chevelure rebelle, son regard perçant. En Roumanie on avait traduit tous ses livres. Il était venu une fois à Bucarest, les femmes se bousculaient devant lui, tentaient de le toucher, criaient, désespérées. Je me suis réveillé en sueur… »

Mais Frappes chirurgicales n’est pas une entreprise de démolition. À côté des tirs plus ou moins meurtriers, à côté de la défense de quelques livres comme Les Bienveillantes, d’auteurs comme Pierre Péju, Emmelene Landon et quelques autres, il y a une véritable réflexion sur certains aspects de la littérature passée, sur le phénomène des prix littéraires, sur le sort réservé de nos jours aux revues, sur l’Europe… Surtout, il y a le goût exigeant et communicatif de la lecture : « Je cherche le livre rare qui me plairait sans objection aucune, le livre dont je puisse dire, voilà, la vraie littérature française, toujours à la hauteur de sa grande renommée. Je lis, sinon comment pourrais-je trouver ce livre… »

Jean-Pierre Longre

www.pol-editeur.fr      

 

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15/04/2010 | Lien permanent

Les ruses du roman

Roman, Roumanie, Dumitru Tsepeneag, Nicolas Cavailès, P.O.L., Jean-Pierre LongreDumitru Tsepeneag, Le camion bulgare, « Chantier à ciel ouvert ». Traduction du roumain par Nicolas Cavaillès, P.O.L., 2011

Précisément, s’agit-il d’un roman ? Certes, Dumitru Tsepeneag a depuis longtemps (au moins depuis Le mot sablier qui, publié en 1984, représente sous forme narrative le passage d’une langue à l’autre) commencé à dévoiler certains coins de son atelier à l’intention de ses lecteurs, sans leur en laisser découvrir tous les secrets. Mais jamais un de ses livres n’a autant mérité le sous-titre de « Chantier à ciel ouvert ».

À l’image des tranchées que quelques travailleurs s’échinent à creuser dans les rues, certains leitmotive d’œuvres précédentes se retrouvent dans Le camion bulgare, certains personnages aussi : Marianne, l’épouse partie se soigner de son étrange maladie en Amérique, et à qui l’écrivain demande sans cesse des conseils, Alain, l’ami et traducteur à l’agonie, qu’il va falloir remplacer. D’autres apparaissent au fil des pages, fondant une narration épisodique : Tzvetan, le camionneur bulgare qui, en, quelque sorte, succède au fameux « plombier polonais » (et, autre clin d’œil, transporte avec lui un dangereux parapluie) ; Béatrice, dont la route va croiser celle du précédent, après qu’ils auront accompli leur itinéraire érotique ; Milena, romancière originaire de Slovaquie (mais dont le modèle, semble-t-il, vient plutôt de Slovénie), Pastenague, le double de l’auteur/narrateur avec qui il échange parfois des impressions ; quelques autres encore, qui naviguent entre réel et imaginaire.

On ne fera pas ici la liste des thèmes et sujets dont le foisonnement tient à la fois de la marqueterie cubiste, de la musique expérimentale et de l’art consommé de la (fausse) digression, dans un texte qui avance comme un camion cahotant sur les routes européennes. Il est question de Marguerite Duras, de « littérature d’ordinateur » et d’amour par courrier électronique, de mythologie égyptienne, d’animaux divers, de la Bulgarie et de la Roumanie, de maladie et de vieillesse… La récurrence de ce dernier motif pourrait laisser entendre que Le camion bulgare est le roman de la dépossession, voire de la disparition. Mais n’est-ce pas une ruse, pour mieux conserver sa foi en la littérature ? Car c’est essentiellement de littérature qu’il est question ; de celle des autres, parfois (les délicieuses et impitoyables Frappes chirurgicales restent d’actualité), mais surtout de celle qui est en train de s’élaborer ici, maintenant : autocommentaire, autocritique, autobiographie littéraire (que d’« auto » pour un camion…), ou encore métalittérature, poétique du roman, mise en abîme de l’écriture… Patiemment, de livre en livre, bien mieux que dans n’importe quel traité théorique ou manuel universitaire, Dumitru Tsepeneag explore malicieusement l’art du récit et procède aux mises en ordre successives de ses découvertes. Attendons la suite.

« Je reconnais que je n’ai pas eu le courage d’écrire un véritable chantier : rassembler des matériaux de construction, placer côte à côte les briques narratives et les idées structurantes, et laisser le lecteur se faire son roman lui-même. Certes : je l’ai écrit, pour ainsi dire, sous ses yeux, il est témoin des efforts que je fais pour écrire encore un livre – le livre de trop, diront certains… ». Mais non !

Jean-Pierre Longre

www.pol-editeur.com   

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07/11/2011 | Lien permanent

Aux jeunes écrivains, définitivement

Essai, francophone, Jean Prévost, Jérôme Garcin, éditions Joseph K., Jean-Pierre LongreJean Prévost, Traité du débutant, préface de Jérôme Garcin, Joseph K., « métamorphoses », 2011

En douze brefs chapitres, Jean Prévost développe, à l’intention des jeunes gens qui s’apprêtent à écrire, tout, absolument tout ce qui leur est nécessaire, méthodiquement, vigoureusement. En 1929, à 28 ans, il se pose en maître qui, s’appuyant sur une expérience déjà riche (Jérôme Garcin, qui le connaît parfaitement, le rappelle dans sa préface), parle de la « vocation », de la « carrière », des « milieux » et du « travail » littéraires, de la parution du premier livre avec ce qui s’ensuit, du public et du succès éventuel, des attentes matérielles (« avancement », droits d’auteur)… De toutes les préoccupations, donc, de l’écrivain débutant.

Ces conseils, d’ordre pratique au moins autant qu’intellectuel, s’assortissent de jugements bien sentis, sans concessions, sur le monde littéraire – ce qui, de la part de Jean Prévost, n’est pas pour étonner. Les critiques (dont il était) : « À part deux ou trois exceptions dont vous connaissez les noms aussi bien que moi, les critiques n’ont aucune espèce d’influence : on les soupçonne toujours de camaraderie quand ils sont favorables ou défavorables, car le reste du temps, de peur de se tromper, ils n’ont même pas d’avis » ; le public (dont nous sommes tous) : « Je fixe donc le public des vrais lettrés à cinq ou six cents, […] et à cinq ou six mille le nombre des êtres falots et utiles qui agissent comme s’ils étaient lettrés, et acceptent le bon goût en confection » ; les auteurs (dont il reconnaissait volontiers, en connaissance de cause, qu’ils ne peuvent vivre de leurs droits) : « La plus vive des passions des littérateurs n’est ni la jalousie ni même la vanité : c’est la paresse » ; mais aussi : « La plupart des gens de lettres, en dehors de leurs œuvres, sont assez apathiques – ou bien bons critiques d’eux-mêmes – oui bien assez sages pour rire de qui les déteste » ; le travail d’écriture : « [Notre écrivain] ajoutera ce qui se peut ajouter : de la concision, et c’est bien ; des épithètes, et c’est mal. Le plus souvent des métaphores, où l’on semble croire, depuis cinquante ans, que consiste l’essentiel du style. Cela donne des Salammbô » (impitoyablement, Jean Prévost, c’est Stendhal contre Flaubert).

Jugements bien sentis, disais-je, jamais gratuits cependant. En un style impeccable (en guise de travaux pratiques), ils servent la cause de la littérature, sans vanité, sans illusions. Le « portrait imaginaire » qui clôt l’ouvrage met en avant la modestie du métier d’écrivain, son côté artisanal, se développant au cours d’une vie ordinaire où se cultive le plaisir plutôt que l’ambition. Ce traité, vieux de plus de quatre-vingts ans, est d’une étonnante modernité, d’un didactisme toujours actuel, d’une jeunesse définitive.

Jean-Pierre Longre

www.editions-josephk.com

En savoir un peu plus sur Jean Prévost :

http://www.gallimard.fr/Folio/livre.action?codeProd=A41017

http://www.lesimpressionsnouvelles.com/catalogue/jean-prevost-aux-avant-postes

http://jplongre.hautetfort.com/archive/2010/04/23/la-noblesse-des-parvenus.html

 

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20/05/2011 | Lien permanent

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