05/03/2025
Scènes de la vie d’aujourd’hui
Yasmina Reza, Récits de certains faits, Flammarion, 2024
On passe sans transition du tribunal correctionnel de Paris à une fin de journée vénitienne, du souvenir d’amis disparus à la garde mouvementée de la petite-fille, de l’évocation d’une employée de maison qu’on appelait Mademoiselle à la Cour d’assises de Nantes… Quels sont les rapports, se demande-t-on, entre ces « faits » relatés sur le ton de l'objectivité ? Comment et pourquoi Yasmina Reza les a-t-elle choisis ? On pourrait être décontenancé devant ce puzzle, et pourtant il y a plaisir et satisfaction à en découvrir les différents éléments.
On s’y retrouve, car ces « faits » sont tous puisés dans la réalité personnelle ou publique, fidèles reflets de la vie courante. Il y a les rencontres de hasard, telle celle de cette petite footballeuse qui triche en jouant avec son père sur la plage du lido ou celle de cet « ascète », « un homme encore jeune de type oriental, d’une grande beauté, qui vit dans la rue » ; il y a les personnes aimées, les membres de la famille, les morts aussi (« Chez les morts, j’ai pas mal d’amis »)… Et il y a, sorte de fil conducteur, les scènes puisées dans la fréquentation des tribunaux, où on assiste avec l’autrice à des jugements d’anonymes – par exemple pour des violences conjugales, de l’escroquerie, voire des meurtres –, ou de personnages publics comme Nicolas Sarkozy, l’animateur Jean-Marc Morandini (pour « corruption de mineurs »), le gangster britannique Robert Dawes (qui nie tout, se prétendant « blanc comme neige »), le prédicateur islamiste Tariq Ramadan (« pour viol et violence sexuelle »), ou encore Jonathan Daval (pour le meurtre de sa femme, dont les parents ont étalé « leurs doléances et revendications hors tout cadre et toutes règles »)…
Le titre choisi par Yasmina Reza annonce des « faits », et c’est bien ce qu’il en est. Ces « faits », elle n’hésite pas à en parler à la première personne, témoin ou même actrice, dans une sorte de confrontation entre « je » et « eux ». Les « récits » se succèdent comme les brèves scènes d’une longue pièce de théâtre, au rythme de la vie, sans commentaires superflus. Ces « récits de certains faits » peuvent se lire comme des scènes de la vie individuelle, sorte de « Theatrum Mundi » d’ici et de maintenant. Yasmina Reza a l’habitude du théâtre, et elle en donne la preuve dans cet ouvrage, brillamment.
Jean-Pierre Longre
06:55 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nouvelle, francophone, yasmina reza, flammarion, jean-pierre longre | Facebook | |
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