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22/12/2010

« Le cœur de l’autre Europe »

L'atelier du roman.jpgL’atelier du roman n° 64, « Les Roumains et le roman », Flammarion, décembre 2010

Fidèle à ses principes, la revue et ses rédacteurs déambulent, observent et s’arrêtent là où il leur semble qu’il se passe quelque chose d’important, d’original, de séduisant. Cela donne, pour ce numéro 64, un bel ensemble à la fois varié et révélateur de la littérature roumaine, telle qu’elle s’est constituée, telle qu’elle se constitue actuellement ; en majorité dans le domaine du roman, mais aussi, de-ci de-là, dans ceux du théâtre, de l’essai, des périodiques…

C’est ainsi qu’au fil des articles nous fréquentons quelques grands du passé (Eliade, Rebreanu, Istrati, Cioran) et, selon des choix lucides, quelques grands du présent : Norman Manea, virtuose de l’humour dévastateur, Dumitru Tsepeneag, maître de l’onirisme et de l’expérimentation, entre ses deux langues, Gabriela Adameşteanu, arpenteuse des différentes dimensions du temps, Mircea Cărtărescu qui, dans sa trilogie, dépasse de loin les traditions du genre romanesque, Horia Ursu, discret perfectionniste, Alexandre Vona, auteur unique d’un unique roman, Florina Iliş, qui a droit à juste titre à deux articles, tant son dernier roman, La croisade des enfants, marque l’actualité littéraire européenne.

À côté de cela, Georges Banu écoute les échos dont résonne La lettre internationale, Radu Cosaşu fait part de deux de ses chroniques de l’hebdomadaire culturel Dilema Veche, Adrian Mihalache de ses réflexions sur la revue Observator cultural de Bucarest, et un entretien de Denis Wetterwald avec Matéi Visniec permet à celui que l’on connaît surtout comme l’un des grands dramaturges contemporains de parler du roman et de son choix de la langue française. Il manquerait évidemment quelque chose s’il n’y avait pas la création elle-même, inaugurée par un savoureux « Blog-Notes d’Outre-Tombe » de Ionesco, par A. Mihalache. Suit un choix de textes littéraires de Ion Luca Caragiale, maître de la comédie, de Razvan Petrescu, de Joël Roussiez (en visite chez Nosferatu), de H. Ursu, de M. Visniec…, le tout assez représentatif d’une tonalité roumaine, celle de la dérision et du sens de l’absurde, venue en zigzag d’ancêtres comme Urmuz ou d’avant-gardistes dont le plus célèbre est Tristan Tzara. Et la fraîcheur des dessins de Sempé n’en est finalement pas très éloignée.

Les auteurs de ce volume ont bien compris que le roman roumain est d’une facture et d’une ampleur telles qu’il ne demande qu’à dépasser ses limites génériques, que la littérature roumaine déborde largement ses frontières géographiques, politiques, linguistiques (puisque beaucoup d’écrivains ont adopté plus ou moins durablement le français, par exemple, mais pas seulement – voir Herta Müller). Ce numéro de L’atelier du roman le rappelle : il est temps que la littérature roumaine prenne toute sa place dans l’espace européen. L’ouverture le proclame : « Pourquoi la Roumanie ? Parce que là-bas, et c’est l’essentiel, bat encore, d’après des indices qui ne trompent pas, le coeur de l’autre Europe, de l’Europe que partout ailleurs nous avons enterrée. L’Europe de la folie, du doute et de l’insoumission aux modes et aux oukases de nos pontes culturels ».

Jean-Pierre Longre

http://www.editions.flammarion.com  

et pour en lire plus sur la littérature roumaine, voir ici : http://jplongre.hautetfort.com/archives/tag/roumanie.html

 et là: http://rhone.roumanie.free.fr/rhone-roumanie/index.php?op...

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