19/03/2020
Un labyrinthe enchanté
Le Blues roumain, « anthologie imprévue de poésies roumaines », Traduction et sélection de Radu Bata, préface de Jean-Pierre Longre, illustrations de Iulia Şchiopu et Horaţiu Weiker, Éditions Unicité, 2020
Cette anthologie a été « imprévue » par un poète, qui plus est, un poète bilingue, qui passe le plus aisément du monde de sa langue maternelle à sa langue d’adoption, et inversement. Nous pouvons donc aller en toute confiance sur ses traces, nous promener parmi ses traductions et « adaptations » (oui, l’artiste se permet tout) de textes qui n’ont jamais dit leur dernier mot, et qui, s’ils ne prétendent pas représenter toute la poésie roumaine, y font de larges et profondes incursions.
Qu’on ne s’attende pas à trouver ici quelque folklore, quelque exotisme que ce soit, même si le passé, la tradition, se rappellent à nous avec, par exemple, un quatrain d’Eminescu – qui n’a rien de folklorique. Et si le sous-titre, « Le blues roumain », fait allusion, en particulier, à la fameuse « blouse roumaine » immortalisée par Matisse, il peut renvoyer aussi au sentiment d’indéfinissable nostalgie que les Roumains condensent en un petit mot, le « dor », et à bien d’autres domaines poétiques et musicaux qui passent largement les frontières, voire les océans. Donc, pas de folklore, mais, véritablement, de la poésie d’aujourd’hui (et un peu d’hier), parfois complexe, plus souvent d’une simplicité toute suggestive, déclinée sur tous les tons, révélant toutes les sensibilités, s’adonnant à toutes les formes de vers et de prose, avec cependant, pour ainsi dire, un programme commun dévoilé dès le début par Nichita Stănescu : le poète « est touché par la grâce / et le souci des autres ».
Des gestes quotidiens aux visions fantastiques, de l’attente à la résignation, de la résignation au pessimisme, du silence éloquent à la parole légère, les textes choisis par Radu Bata ouvrent des passages étroits et infinis, jamais obscurs, toujours à taille humaine. Au choix, les chemins mènent, au-delà des paradoxes du désespoir et des cimes de la solitude, vers des tableaux insolites, étranges, voire surréalistes (au vrai sens du terme), parfois impressionnistes (toujours au vrai sens), d’où ne sont pas exclus les sourires de l’humour et les éclats de la vie heureuse. Et la nature est là, qui apaise et qui rassure, qui meuble les vides de l’existence humaine et humanise la violence du réel, qui « tire les rideaux rouges du froid », semant des « flocons d’espoir », de la « douceur » et de l’harmonie. Par-dessus tout, l’amour, ses couleurs, ses lumières et ses surprises, ses déceptions quand même, les battements du cœur rythmant les pensées et les phrases, les beautés de l’ici et les plaisirs du maintenant.
Jean-Pierre Longre
(extraits de la préface)
Les auteurs : Iuliana Alexa, Dan Alexe, Luminiţa Amarie, George Bacovia, Ana Barton, Ana Blandiana, Max Blecher, Dorina Brândușa Landén, Emil Brumaru, Artema Burn, Nina Cassian, Mircea Cărtărescu, Mariana Codruţ, Mihaela Colin, Traian T. Coșovei, Silviu Dancu, Carmen Dominte, Rodian Drăgoi, Adela Efrim, Mihai Eminescu, Raluca Feher, Anastasia Gavrilovici, Horia Ghibuțiu, Matei Ghigiu, Silvia Goteanschii, Mugur Grosu, Cristina Hermeziu, Nora Iuga, Vintilă Ivănceanu, Claudiu Komartin, Ion Minulescu, Ramona Müller, Ion Mureșan, Iv cel Naiv, Felix Nicolau, Florin Partene, Elis Podnar, Mircea Poeană, Ioan Es Pop, Alice Popescu, Eva Precub, Petronela Rotar, Ana Pop Sirbu, Radmila Popovici, Octavian Soviany, Nichita Stănescu, Petre Stoica, Ramona Strugariu, Robert Şerban, Mihai Şora, Iulian Tănase, Mihai Ursachi, Paul Vinicius, Gelu Vlașin, Vitalie Vovc, Anca Zaharia
10:02 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, roumanie, radu bata, iulia Şchiopu, horaţiu weiker, jean-pierre longre, Éditions unicité | Facebook | | Imprimer |
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