20/10/2024
La certitude de l’amour
Violaine Bérot, Nuits de Noces, (Editions) La Contre Allée, 2023
C’est un livre hors normes, hors des normes sociales et hors des normes habituelles de la littérature. Un long poème (ou, si l’on veut, une suite de 32 brefs poèmes encadrés par la mort), combinant dans son harmonie profonde le lyrisme et la biographie (en l’occurrence celle de de la mère de l’autrice, narrée à la première personne), les vers et le récit, l’elliptique et l’explicite, l’émotion et le réalisme… Un petit livre par ses dimensions matérielles, mai qui mène le lecteur vers l’infini de l’amour, un amour qui a attendu longtemps avant d’enfin trouver réalité : « Au bout de tout ce temps / au bout de ces six ans plus un / arriva donc / ce jour. / Ce jour / au bout de tant de temps / de tant d’attente / au bout de si peu s’être vus / si peu connus / ce jour où / se marier. »
Car il est prêtre, un prêtre hors-normes lui aussi, cet homme dont la jeune fille est amoureuse, d’un amour exclusif, d’autant plus obstiné qu’elle n’aspire qu’à fuir les coups de son père, « Du père / des mâles de ma famille / de leur folie furieuse / de comment tout tremblait autour d’eux / des femmes terrorisées, soumises, atterrées, muettes ». C’est au bout de six ans que celui qu’elle attendait aura répondu à cette attente, six ans pendant lesquels il aura douté, flanché, écrit, six ans pendant lesquels il était retenu par « la Très Sainte Église / et tous ses bien-pensants, ses culs-bénis, ses grenouilles en tous genres ». Sa réponse finalement se fait au grand jour, non dans le secret réclamé par la hiérarchie qui aurait voulu, comme d’habitude, qu’elle devienne « femme cachée du curé / sa secrète maîtresse en l’Église / pouah. » Au grand jour, mariage à la mairie, malgré ceux qui « promettaient l’enfer. » Et ce fut non « pas une simple nuit », mais « une kyrielle / de nuits de noces / et se moquer / que ce soit la nuit ou le jour / et bien loin de la date des noces. », à rattraper tout ce temps perdu.
Et la vie. Il y eut l’arrivée des enfants, des « années vacillantes », des « coups du sort », la vieillesse, la maladie, mais toujours l’amour. « Pouvais-je l’imaginer / ce temps de la fin des temps / quand les corps se sont calmés / desséchés / et quand pourtant / il suffit de sa main / de ses doigts sur ma joue / pour que je frémisse / comme à la toute première / de toutes les nuits de noces. » Et pour finir la mort, le vide, les « lettres à relire », l’espoir insensé de revivre « la même histoire » – et c’est bien cela que réalise ce livre : la fille qui fait revivre, tout en poésie et en tendresse, l’amour de ses parents, l’amour exceptionnel de deux êtres qui ne pouvaient faire autrement que s’aimer.
Jean-Pierre Longre
10:37 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, biographie, récit, francophone, violaine bérot, (editions) la contre allée, jean-pierre longre | Facebook | | Imprimer |
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