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23/09/2025

De la guerre à l’amour

Roman, anglophone, Ernest Hemingway, Philippe Jaworski, Gallimard, Jean-Pierre LongreErnest Hemingway, L’adieu aux armes, nouvelle traduction de l’anglais (États-Unis) et avant-propos par Philippe Jaworski, préface de l’auteur, Gallimard / Du monde entier, décembre 2024.

Le narrateur, Frederic Henry, est un officier américain engagé comme ambulancier dans l’armée italienne pendant la guerre de 14-18. Au cours de ses missions où, la boisson aidant, il se fait quelques bons compagnons et même quelques fidèles amis, comme le médecin Rinaldi, il rencontre une jeune et belle infirmière anglaise, Catherine Barkley, dont il s’éprend. Amour partagé de plus en plus intensément, surtout lorsque, après avoir été sérieusement blessé au cours d’une bataille sur le front autrichien, il est hospitalisé dans un établissement de Milan où Catherine assure le service de nuit. « Cet été-là, nous passâmes des moments merveilleux. Dès que je pus sortir, nous nous promenions dans le parc. Je me rappelle la voiture, le cheval qui allait au pas, et devant nous le dos du cocher avec son haut-de-forme verni, et Catherine Barkley assise à côté de moi. Il suffisait que nos mains se touchent, un simple effleurement de ma main sur la sienne, pour que nous soyons excités. »

Mais il faut retourner au front et redécouvrir les brutales réalités de la guerre. « Les blessés affluaient au poste, certains portés sur des brancards, d’autres marchaient, d’autres sur le dos de soldats qui arrivaient à travers champs. Ils étaient trempés jusqu’aux os, et tous étaient terrifiés. » À la faveur d’une difficile retraite des Italiens face aux Autrichiens, Frederic déserte avec d’autres et, après maintes péripéties, frôlant plusieurs fois la mort, il va rejoindre Catherine enceinte et mener avec elle « une vie délicieuse. »

D’où vient que ce roman dramatique, achevé aux dires de l’auteur à Paris en 1929 et nouvellement traduit, compte à juste titre au nombre des chefs-d’œuvre de la littérature américaine ? Écrit en une prose sans aucune concession au « beau style » et sans aucun pathos, le récit rapporte les faits tels que les vivent les personnages, en l’absence de tout commentaire ; Philippe Jaworski, le traducteur, l’explique très bien dans son avant-propos : « Des gestes, des sensations, des choses vues, sans nul obstacle entre le lecteur et la créature de fiction. L’écrivain demande au langage un outil sûr pour faire vivre ses personnages avec intensité en dehors de lui, comme s’il ne les connaissait pas, les laissant révéler d’eux-mêmes ce qu’ils veulent, se trahir dans un dialogue, par exemple, ou un monologue intérieur. » On pourrait alors croire à une sécheresse narrative qui émousse l’intérêt. C’est le contraire : le lecteur se laisse entraîner par la prose et n’a de cesse que de passer d’un événement à l’autre, d’un épisode à l’autre, sans s’attarder à autre chose qu’aux personnages et à ce qu’ils vivent, à les accompagner dans leur bonheur et leur malheur, à vivre avec eux dans le roman. C’est ainsi que l’on comprend en quoi Ernest Hemingway, prix Nobel de littérature 1954, est l’un des grands écrivains du XXe siècle.

Jean-Pierre Longre

www.gallimard.fr

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