13/11/2014
« Chercher la réponse »
Gregory Corso, Le joyeux anniversaire de la mort / The Happy Birthday of Death, édition bilingue de poèmes choisis, traduits de l’anglais par Blandine Longre. Introduction de Paul Stubbs, postface de Kirby Olson, Black Herald Press, 2014
Gregory Corso (1930-2011), poète de la « Beat Generation » (celle d’Allen Ginsberg, Jack Kerouac et William S. Burroughs), est aussi “un iconoclaste capable de détruire ou de se soustraire à tout système de pensée, à tout système critique », selon les mots de Kirby Olson. Poète singulier, qui a donc un cheminement propre, non sans rapports avec son destin particulier. C’est en prison qu’il découvre la littérature et l’écriture, et tout au long de « sa vie chaotique », c’est la poésie qui l’a soutenu – sinon fait vivre.
Le volume bilingue publié par Black Herald Press, qui donne un large choix de textes tirés de The Happy Birthday of Death, un recueil écrit lorsqu’il vivait à Paris et publié en 1960, contribue à faire apprécier un poète jusque-là méconnu en France, puisque son œuvre n’y a été traduite et publiée que sporadiquement, par courts échantillons, peut-être à cause de cette originalité qui le caractérise, entre tradition et modernisme, entre classicisme et surréalisme. Paul Stubbs le précise dans son introduction : « Bien qu’il ait toujours été un poète moderne, voire enraciné dans son époque, Corso demeure avant tout un « ancien », doté d’une conscience pré-mythique, d’un mode d’expression pré-cognitif et, en fin de compte, excentrique » ; et les textes choisis sont une probante et belle illustration du caractère parfois surprenant d’une écriture qui « s’évertuait à atteindre les limites de l’imagination ».
Il y a du vagabondage dans cette écriture, qui évoque ici et là la Crète, Rome, Paris, L’Odyssée (mais tout de même, « Ulysse est mort », lui qui « aveugla créature d’immortalité ») ; il y a aussi du désespoir, du moins momentanément, dans les évocations de la mort et de la guerre, ou dans le constat du vide :
« Il n’y a pas de nous, il n’y a pas de monde, pas d’univers,
il n’y a pas de vie, pas de mort, pas de néant – rien n’a de sens,
et ceci aussi est mensonge – Ô maudite année 1959 ! »
Mais cela n’exclut ni l’humour (celui, par exemple, des « Poètes auto-stoppeurs sur l’autoroute ») ni l’ironie sociale que manie le long poème intitulé « Mariage » et qui commence par une série de questions : « Devrais-je me marier ? Devrais-je être bon garçon ? / Sidérer la jeune voisine avec mon complet de velours et ma cagoule faustienne ? »
Questions en suspens – et heureusement, car, on le sait, la poésie est aux antipodes de la certitude :
« La poésie c’est chercher la réponse
La joie c’est savoir qu’une réponse existe
La mort c’est connaître la réponse ».
Jean-Pierre Longre
10:18 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, anglophone, gregory corso, blandine longre, paul stubbs, kirby olson, black herald press, jean-pierre longre | Facebook | | Imprimer |