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26/05/2025

JDD l’ « agent double »

roman,francophone,jacques de decker,yves wellens,asmodée edern,jean-pierre longreYves Wellens, « Il faut me deviner », Asmodée Edern, 2025

Jacques De Decker était dramaturge et romancier, librettiste et traducteur, mais aussi critique littéraire, biographe et professeur. Donc, comme Yves Wellens le résume, écrivain et « passeur », selon une « double démarche », d’où la qualification d’ « agent double » que ce moteur de la vie littéraire belge s’appliquait à lui-même. Et c’est peut-être ce qui a incité le même Yves Wellens à écrire non une biographie au sens traditionnel du terme, mais un « roman biographié », voire une « fantaisie » sur un personnage qu’il avait assez bien connu, en lançant aux lecteurs une injonction reprenant les mots mêmes de ce personnage : « Il faut me deviner. »

Nous avons donc là une sorte d’enquête faisant alterner dix chapitres de récit à la première personne (celle de l’auteur / narrateur) et huit « portraits » à la troisième personne (ceux du personnage). Et dans cette enquête, des énigmes à résoudre, telles ces mentions répétées dans les agendas, notées « Réunion O ; k.- » avec, chaque fois, un mystérieux chiffre correspondant. Nous assistons en outre à l’exploration de la bibliothèque, plus ou moins bien classée, et nous participons aux promenades dans les rues, selon des itinéraires que Wellens, en fin connaisseur de Bruxelles, se plaît à imaginer. Il y a aussi des rêves, qui se déroulent dans des lieux propices à ce genre d’activité mentale : des théâtres… Car JDD avait une activité théâtrale qui l’occupa beaucoup pendant un certain temps : « Et JDD de voler tout naturellement de théâtre en théâtre, comme s’il en dressait une carte d’état-major à l’échelle de la ville : on le sollicite au Théâtre-Poème […], à l’Esprit-Frappeur […], au Théâtre Molière, aux Galeries, au Parc, au Poche, au National, au Théâtre des Martyrs, au Vaudeville, à la Comédie Claude Volter, au Vilar (certes à Louvain-la-Neuve), à la Compagnie Yvan Baudouin dans une salle à Etterbeek, à l’Éveil, au Public, au Palais des Beaux-Arts, c’est-à-dire au Rideau de Bruxelles, alors logé là. » Voilà qui permet de noter au passage combien Bruxelles est une ville théâtrale. Notons aussi, toujours au passage, que JDD, « on ne peut plus belge », avait des « racines linguistiques » flamandes mais écrivait en français (comme Marie Gevers, Jean Ray, Ghelderode et quelques autres).

La méthode judicieusement choisie par Yves Wellens aboutit à un résultat à la fois original (donc d’un intérêt particulier) et esthétique (d’une esthétique littéraire, bien sûr, mais aussi musicale par sa composition, voire visuelle par la magie des « portraits » et de la belle couverture, lecteurs en mouvements et en couleurs, avec le protagoniste récitant et souriant, comme pour nous faire signe – « Zijn knik » en flamand – en résonance avec un épisode du livre). Et troisième conséquence : que l’on ait connu Jacques De Decker ou non auparavant, cette méthode nous le rend familier et nous incite à le lire ou relire, tout en entrant dans le roman de son intimité.

Jean-Pierre Longre

www.ederneditions.com

www.yveswellens.com  

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