2669

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

04/08/2010

« Mettre des mots sur le vertige »

Wellens.jpgYves Wellens, D’outre-Belgique, Le Grand Miroir (Groupe Luc Pire), Bruxelles, 2007

 

À pas mesurés, Yves Wellens traverse les zones frontalières de l’actualité immédiate, les banlieues des cités humaines pleines de mystères et d’évidences.

 

Dans son dernier ouvrage, on reconnaît le style, la manière et parfois la matière de ses trois premiers livres : Le cas de figure (Didier Devillez, 1995), Contes des jours d’imagination (Didier Devillez, 1996) et Incisions locales (Luce Wilquin, 2002) : récits plus ou moins brefs, plus ou moins autonomes, unité thématique de chaque volume, ton volontairement impersonnel et détaché permettant d’aller le plus loin possible dans l’exploration des situations, des faits, des esprits. Il y a bien une « écriture » propre à Yves Wellens, une écriture dont la musique, à la fois discrète et implacable, résonne longtemps dans la tête du lecteur.

 

D’outre-Belgique rassemble huit récits dont le « motif littéraire » commun, d’une actualité brûlante, est la fin de la Belgique, envisagée sous des angles divers. La coloration de ces récits est tantôt politique (par exemple les dangers de l’extrême droite), tantôt artistique (picturale ou photographique), tantôt humaine (des personnages représentatifs, au sens quasiment physique, de l’état, voire de l’histoire et de la géographie du pays)… Mais toujours, et comme toujours avec Yves Wellens, c’est la littérature qui prime. Il est d’ailleurs remarquable de voir combien la littérature est capable d’anticiper le réel, dans ses aspects les plus cruciaux : rédigé en 2005, le livre s’appuie sur une situation qui se développe actuellement, deux ans après…

 

En vérité, et c’est peut-être là l’une des explications, les éléments circonstanciels ne sont que des moyens d’accéder à la construction esthétique. Simplement, dans ce quatrième livre, l’auteur paraît jouer davantage avec le réel référentiel, aussi dramatique soit-il. Lui-même (l’auteur) s’y dévoile sous sa propre identité ; Bruxelles et la Belgique y sont présents en tant que tels, avec leur passé, leur présent et leur avenir improbable ; et le lecteur y est profondément sollicité dans ses opinions et ses convictions. C’est bien ici la subtilité du livre : combiner le réel et le fictif, le politique et le poétique, en une constante dualité qui, finalement, assure l’unité de l’ensemble. L’incertitude vertigineuse du devenir de la Belgique sous-tend les variations de l’écriture. « Mettre des mots sur le vertige », tel est l’axe central du recueil, le point de convergence des huit textes. Le dernier récit, relatant la déambulation urbaine d’un groupe d’amis liés par la jeunesse et par la mort, en est la synthèse, le sommet, l’ouverture, le point de suspension…

 

Jean-Pierre Longre

 

www.lucpire.be