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11/06/2015

Noir c’est noir

Nouvelle, anglophone, Thomas Ligotti, Anne-Sylvie Homassel, Dystopia Workshop, Jean-Pierre LongreThomas Ligotti, Chants du cauchemar et de la nuit, Nouvelles choisies, présentées et traduites de l’anglais (États-Unis) par Anne-Sylvie Homassel, Dystopia Workshop, 2014 

Thomas Ligotti, né en 1953 à Detroit, est – aux dires mêmes de sa traductrice – un héritier de Lovecraft et d’Edgar Poe (dont il se revendique par des allusions et des références parfois claires). Et même si on n’en était pas averti, on s’en apercevrait rapidement à la lecture de ces nouvelles (bien) choisies, qui jouent sur tous les tons de la littérature que l’on qualifie généralement, pour faire vite, de fantastique, sans négliger la parodie.

Onze nouvelles, donc, qui mènent le lecteur aux confins du réel, aux frontières entre la vie éveillée et la vie rêvée, entre le tangible et l’imaginaire, entre l’ici-bas et l’au-delà. On y rencontre des figures attendues (vampires, assassins, savants fous), mais aussi des êtres humains devenus pantins privés de toute liberté, de toute volonté – ainsi la prose de Ligotti contient-elle en filigrane (voire en sombre transparence) un pessimisme existentiel qui ne dépare pas dans l’obscurité environnante.

Cette obscurité visuelle qui laisse entrevoir « l’ombre au fond du monde » (titre de l’une des nouvelles) et « l’art perdu du crépuscule » (autre titre) laisse aussi filtrer « des sons venus par-delà quelque grise brume, ou cieux de pluie sifflante, comme si, en quelques ailleurs, des esprits ténus se convulsaient en un monde obscur et oublié de tous. ». Les sensations physiques sont instables, les corps sont soumis à des forces non maîtrisées, comme en rêve : « Dans ces moments où il rêvait, tout passait sous la coupe de puissances qui n’admettaient ni loi, ni raison ; rien n’avait de nature propre, d’essence : tout n’était qu’un masque posé sur le visage des ténèbres absolues, d’une noirceur que nul n’avait jamais vue. ». Mais ne s’agit-il que de cauchemars ? Le lecteur, lui aussi, à mesure qu’il avance dans son exploration du recueil, dans l’audition de ces « chants », éprouve le délicieux malaise que provoquent les mondes méconnus mais vivants, étranges et familiers.

Jean-Pierre Longre

www.dystopia.fr