15/11/2010
Ivresse et action de grâce
Michel Baglin, L’Alcool des vents, Éditions Rhubarbe, 2010
À quoi, à qui rendre grâce, quand Dieu n'est pas de la partie ? À tout, aux riens, aux vents, aux « fragilités », au « grain du premier raisin offert », aux petites joies gratuites d’une existence incertaine, hésitante, voire inquiète et vacillante, mais cherchant toujours à se maintenir à flot. C’est ce que fait Michel Baglin dans ce recueil de « mots qui penchent », d’« élans et de lenteurs », d’« air du temps », de « détours par le cœur » (pour reprendre le titre de chacune des quatre parties).
Moments discrets de plénitude : minimalisme ? Dans une certaine mesure seulement. Car l’ivresse qui porte les poèmes et qui « persiste quand tout déchante » est celle d’une vie remplie de sensations, de souvenirs – ceux de l’enfance, ceux des marches dans la montagne, des flâneries, du « chemin sans queue ni tête »… C’est aussi l’ivresse de la musique qui « n’appelle pas d’autre réponse / qu’un corps qui danse », celle de l’amour des femmes et de leurs « parfums lyriques ». Et les instants fugitifs de la vie laissent du temps à la nécessaire rébellion, à l’insurrection contre les violences, à la révolte contre les exclusions, à la glorification des humbles, des étrangers, des dissidents : la poésie est bien le « chant que l’on oppose avec les vingt-six lettres de l’alphabet ».
Belle action de grâce, à la fois animiste et athée, que cette prose rythmée en quatre-vingt-quinze couplets qui chantent en touches délicates et précises, en clair obscur et en tonalité mineure « la vie réelle, qui ne met pas de majuscule ».
Jean-Pierre Longre
Michel Baglin publie en ligne la revue Texture, où il est question de ses livres, mais aussi des livres et des auteurs qu’il apprécie : http://revue-texture.fr
08:42 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, francophone, michel baglin, Éditions rhubarbe, jean-pierre longre | Facebook | | Imprimer |
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