21/12/2025
L’épopée des « petites gens »
Lionel-Édouard Martin, Ferpent, soleil par terre, Le Vampire Actif, 2025
Du haut de sa terrasse, le vieil Albert regarde et écoute le monde. Celui de maintenant, avec les voitures qui passent sur la route et les bruits suggestifs qui montent de l’intérieur de la maison ; celui d’autrefois, de l’amour et de la mort, des existences simples et compliquées.
« Alors, faut bien qu’ils existent, Blaise et Orlande, Jean-Claude et la Dédée, même s’ils parlent dans ma tête, faut bien qu’ils existent.
Et tous les morts avec, les fondeurs, Mone, Pierre, Giselle.
Câlin.
Tout ça d’existence, présente comme passée.
On ne peut pas douter de toute cette existence. Faut bien que ça existe…
Je les entends, sont emplis, tous, d’une grosse existence… »
On le voit, on l’entend, Lionel-Édouard Martin coule son style (comme coule le ferpent fondu des forgerons, comme coule la semence de l’homme sur la terre ainsi fertilisée) dans le langage de ses personnages : celui d’Albert, donc, mais aussi, en monologues distincts, ceux de son fils Jean-Claude, de Rolande (ou Orlande) sa bru, D’Andrée (ou Dédée) qu’il a aimée, de Blaise le petit-fils de celle-ci, et en « narrations » qui éclairent la vie locale et familiale, les plaisirs et les douleurs, les gestes et les habitudes. « On est sans doute de petites gens, mais on aime les choses bien faites, belles, inscrites dans une lignée de gestes qui imprègnent, façonnent. On vit comme ça, dans une continuité : rituels immuables, matières riches, guère nombreuses mais que l’on respecte. »
Et il y a la manière de rapporter tout cela, de faire connaître peu à peu ce qui se passe de grand dans ce petit monde ; et c’est vrai, on comprend peu à peu, au fil des mots, des phrases, ce qui sort du plus profond, du plus brûlant de ces « petites gens », de leur esprit, de leur cœur et de leur corps. Au plus fort de ces « histoires minuscules », la mort du petit-fils Colin (« Câlin ») et l’énorme vengeance sur ce qui a causé cette mort : un vrai morceau d’épopée familiale ! Le reste à l’avenant. Voilà un beau roman, une belle partition à plusieurs voix et à plusieurs mouvements, violence et apaisement, lenteur et rapidité, qu’il faut déchiffrer patiemment pour en goûter la saveur musicale et poétique.
Jean-Pierre Longre
19:15 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman, francophone, lionel-Édouard martin, le vampire actif, jean-pierre longre |
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