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31/03/2019

L’épopée de Nogent-le-Rotrou

Récit, francophone, Nicolas Cavaillès, éditions Marguerite Waknine, Jean-Pierre LongreNicolas Cavaillès, Rotroldiques, éditions Marguerite Waknine, « Les cahiers de curiosité », 2019

À la lecture de ce petit livre, on se dit que la collection dans laquelle il est publié, « les cabinets de curiosité », porte bien son nom. Au début, pourtant, la déprimante quotidienneté d’une scène de bistrot, inaugurée par une phrase aussi désespérément longue que poétiquement imagée, nous plonge dans un décor sans grâce et introduit des conversations, entre glauque et comique, dignes des Conversations dans le département de la Seine de Raymond Queneau. Des monologues et dialogues qui, tout compte fait, ne tournent pas à la pire des banalités, car il y est rapidement question des « huit péchés capitaux » que Nanard, le patron, et un buveur remarquable se plaisent à énumérer, suivant en cela et sans le préciser la liste instaurée par Bernard le Clunisien, moine au prieuré de Nogent-le-Rotrou, dans son De Octo vitiis (vers 1150) : luxure, indifférence, colère, orgueil, ambition, tristesse, gourmandise, avarice.

Tout cela dès les premières pages d’un ouvrage qui compte autant de chapitres que de péchés, donc huit, chaque chapitre étant précédé d’une citation dudit Bernard. Ainsi, Nicolas Cavaillès construit un récit rigoureusement structuré, un récit qui, pour le reste, suit un cheminement labyrinthique dans les rues et les ruelles de Nogent, mais s’échappe aussi vers des espaces intérieurs et extérieurs (jusqu’au Moyen-Orient) ou remonte le temps (jusqu’à Rotrou III, au onzième siècle), tout en délivrant des détails savants sur, par exemple, l’opération d’un œil (l’œil, motif récurrent qui induit celui du regard, et dont l’illustration de couverture et les épigraphes annoncent l’importance).

Les péripéties de ce cheminement labyrinthique ne seront pas dévoilées ici. Disons simplement que tout est déclenché par la rencontre improbable et suivie de rebondissements inattendus entre le narrateur et un certain Legrand, chômeur albinos, solitaire et révolté, malade et aboulique. Il y aura donc des propos de bistrot, de bonnes cuites, des bagarres épiques, des entrevues au pôle emploi, des échappées belles et de piètres retours à la réalité, des histoires d’amitié, d’amour, de souffrance, de mort, de famille, et il y a de l’ironie, de l’humour (volontiers noir), de l’aveuglement, de la lucidité… La petite ville de Nogent-le-Rotrou a-t-elle suscité beaucoup de littérature jusqu’à présent ? Quelle que soit la réponse, n’hésitons pas : avec Rotroldiques, elle a maintenant son épopée (en huit chants).

Jean-Pierre Longre

http://margueritewaknine.free.fr

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