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07/10/2022

S’évader vers les chefs d’œuvre.

:  bande dessinée, francophone, hergé, tintin, éditions moulinsart, géo, jean-pierre longreTintin c’est l’aventure n° 12, Patrimoine mondial. Trésors en danger ? Geo, éditions Moulinsart, juin-août 2022

Commençons par la fin : avant une interview de François Schuiten et Benoît Peeters à propos de leur album Bruxelles, Un rêve capital, « ode au patrimoine de la capitale millénaire de l’Europe », une question récurrente parce qu’importante est posée : « Mais où est donc la Syldavie ? » La Syldavie, « pays mosaïque », celui du Sceptre d’Ottokar, où l’on passe aussi en lisant Objectif lune, On a marché sur la lune, que l’on côtoie (en Bordurie) dans L’affaire Tournesol… Tenter de répondre à cette question, c’est faire le tour de pays européens au riche patrimoine, à commencer par la Roumanie, illustrée ici par une magnifique photo de la cité médiévale de Sighişoara. Les autres hypothèses ne sont pas à rejeter, loin s’en faut : Monténégro, Albanie, Serbie, Croatire, République tchèque, Pologne, Autriche, Hongrie, et même Angleterre et Belgique – ou un mélange de toutes ces régions. Bref, on n’a pas fini d’en discuter, et le magazine Géo a dressé une carte précise du pays…

:  bande dessinée, francophone, hergé, tintin, éditions moulinsart, géo, jean-pierre longreMais ce nouveau numéro de Tintin c’est l’aventure aborde bien d’autres thématiques concernant le patrimoine et des trésors en danger aussi divers que ceux qui figurent dans les albums d’Hergé. Monuments lointains ou proches, animaux exotiques, ruines diverses, musées, et aussi le château de Moulinsart (fortement inspiré de celui de Cheverny) amènent à poser des questions cruciales sur la notion de patrimoine (« construction sociale » selon la spécialiste Julie Deschepper), sur le tourisme de masse (genre « Joyeux Turlurons »), sur le drame que fut la déportation des Amérindiens – on en passe. C’est aussi l’occasion de lire une BD inédite d’Aude Mermillon et Louise Dupraz, et de découvrir, illustrations à l’appui, l’ « univers inimitable » du dessinateur-voyageur suisse Cosey.

:  bande dessinée, francophone, hergé, tintin, éditions moulinsart, géo, jean-pierre longreCe volume, où alternent textes, interviews, images, poursuit l’exploration de l’univers de Tintin, une exploration variée, approfondie, toujours passionnante, jamais épuisée. Et un univers qui est d’abord, mentalement et artistiquement, celui d’Hergé, qui confia à Numa Sadoul : « Si je me suis mis à voyager ce n’est pas seulement pour voir de nouveaux paysages, mais pour découvrir d’autres modes de vie, d’autres façons de penser ; en somme pour élargir ma vision du monde. »

Jean-Pierre Longre

www.geo.fr

https://www.tintin.com

03/01/2022

Les découvertes de Tintin

Bande dessinée, francophone, Hergé, Tintin, éditions Moulinsart, Géo, Jean-Pierre LongreTintin c’est l’aventure, Le musée imaginaire, Éditions Moulinsart, GEO hors-série, 2021.

En 1979, Michel Baudson, concepteur du « Musée imaginaire de Tintin », première exposition consacrée à l’œuvre d’Hergé, écrivait paradoxalement : « Tintin ne s’expose pas. » Il « découvre » et « s’enrichit sans cesse des cultures des mondes qu’il découvre. » Les lecteurs de Tintin savent que les albums contiennent un grand nombre d’objets inspirés de pièces ethnographiques venues d’une multitude de pays. L’exposition de 1979 permettait, dans un « musée imaginaire », de « mettre en relation, album par album, des objets et des reproductions de cases de Tintin », avec d’ailleurs un certain intérêt porté aux voleurs, faussaires, trafiquants d’œuvres d’art – ceux que l’on trouve au fil des aventures du petit reporter.

Bande dessinée, francophone, Hergé, Tintin, éditions Moulinsart, Géo, Jean-Pierre LongreHergé fréquentait volontiers les musées, notamment l’« AfricaMuseum » et le « mudée Art & Histoire » (dans leur appellation actuelle), et les albums s’en ressentent, notamment L’Oreille cassée avec son musée ethnographique et le fameux fétiche arumbaya (dont le modèle est une statuette du Pérou), Tintin au Congo avec « l’homme-léopard », témoignage d’une inspiration colonialiste qui a donné lieu à d’âpres discussions, ou encore Les 7 boules de cristal avec la momie de Rascar Capac…

Après un certain nombre de notices et d’interviews (par exemple sur la question des « faux » qui se pose aussi dans Tintin et l'Alph-Art), la deuxième partie du volume est consacrée au « Musée imaginaire d’Hergé », confrontant les albums et les objets réels venus des mudées ou des pays traversés par Tintin – confrontation visuelle pleine d’enseignement sur le sens du détail, le souci de la précision, le génie du dessin chez l’artiste qu’était Hergé. D’ailleurs, en complément, des reproductions rappellent qu’il fut non seulement le père de Tintin (et de quelques autres personnages), mais aussi peintre, illustrateur et affichiste de talent, et grand amateur d’œuvres d’art, qu’il collectionnait volontiers.

Trente ans après l’exposition de 1979, s’ouvrait le musée Hergé de Louvain-la-Neuve, et divers autres lieux (Etterbeek, Angoulême…) témoignent de la popularité pérenne de l’œuvre d’Hergé et de la considération que l’on a maintenant pour la bande dessinée en tant qu’art. Hergé disait qu’en matière artistique, c’est l’émotion qui importe. C’est aussi de l’émotion que les amateurs de toutes générations ressentent en contemplant les  nombreuses illustrations de ce « musée imaginaire », ainsi qu’à la relecture des albums de Tintin et à la vue de tous les objets qui les peuplent.

Jean-Pierre Longre

www.editions-prisma.com  

www.geo.fr

21/08/2012

De Moscou à Moulinsart

Illustration, essai, francophone, Tintin, Hergé, Le Point, Historia, Jean-Pierre LongreCollectif, Les personnages de Tintin dans l’histoire, Le Point, Historia, vol. 1 2011, vol. 2 2012

Points de vue sémiologiques, littéraires, artistiques, psychanalytiques, géographiques, référentiels, intertextuels, psychologiques… j’en passe : les analyses tintinologiques abondent. Une de plus, dira-t-on, avec celle que proposent Le Point et Historia, avec la complicité de périodiques suisse (Le Temps), belges (Le Soir, La Libre Belgique) et québécois (La Presse). Certes, mais le côté historique est le parti pris original de ces deux volumes consacrés aux « événements qui ont inspiré l’œuvre d’Hergé » et par ailleurs abondamment illustrés.

Depuis Tintin au pays des Soviets jusqu’au Trésor de Rackham le Rouge pour le premier tome, et de Tintin en Amérique à l’inachevé Tintin et Alph-Art pour le second, chacun des vingt albums fait l’objet d’un chapitre documenté où chaque personnage est présenté avec ses caractéristiques, ses origines, sa naissance (livresque) ; dans l’ordre : Tintin et Milou, Dupont et Dupond, Rastapopoulos, Tchang, Alcazar, le Dr Müller, Bianca Castafiore, le Capitaine Haddock, Nestor et Tournesol, puis Al Capone, Philippulus, Bergamotte, Abdallah, Wolff, Lampion, Da Figueira, Le Yéti, De la Batellerie, Carreidas et Peggy.

Illustration, essai, francophone, Tintin, Hergé, Le Point, Historia, Jean-Pierre LongreChaque fois, aussi, sont proposés un profil visuel et textuel d’Hergé, quelques considérations culturelles et, surtout, un dossier historique fourni, qui ne cèle rien des circonstances et des influences ayant donné lieu aux scénarios construits par l’auteur, aux décors de chaque aventure, aux relations entre les personnages et leur environnement. La mémoire se rafraîchit et se nourrit à la lecture des pages sur l’URSS, la colonisation, l’égyptologie, les conflits entre la Chine et le Japon, entre la Bolivie et le Paraguay, sur les progrès techniques mis à profit par les faussaires, sur les prémisses de la Seconde Guerre mondiale, le trafic d’opium, les pirates et les corsaires, sur le château de Cheverny, modèle de Moulinsart maintenant dédié à la tintinophilie, sur la prohibition aux USA, la conquête du Pôle Nord, les Incas, l’exploitation du pétrole, les premiers pas sur la lune, la guerre froide, l’esclavagisme, la conquête des sommets himalayens, sur la mode des « people », les détournements d’avions, l’histoire de Cuba, l’affaire Legros... Nous avons droit aussi à un dossier sur Tintin et le cinéma (relations et tentatives souvent malheureuses), et à une bibliographie concernant les « arrière-plans historiques » et le « monde de Tintin ».

Dans ces beaux livres au format de BD, le grand public trouvera de quoi se remémorer des lectures lointaines ou proches, mais aussi de quoi se renseigner grâce à des contributions historiques toujours précises. De quoi, aussi, réfléchir aux rapports entretenus, dans un esprit tel que celui d’Hergé, entre la réalité documentaire et l’imaginaire.

Jean-Pierre Longre

 

http://www.historia.fr/web/evenement/tintin-le-retour-28-...

27/09/2010

Hergé, images et mythes

peautintin-med.jpgJean-Marie Apostolidès, Dans la peau de Tintin, Les impressions nouvelles, 2010

L’enjeu ? « Risquer une lecture autobiographique des aventures » de Tintin. Le pari est risqué, et tenu. Jean-Marie Apostolidès, en vingt-cinq chapitres très documentés, bourrés de références, n’occulte rien, ou plutôt fait surgir, d’une manière parfois audacieuse mais toujours séduisante, ce qui restait occulté – tout en laissant deviner que le chantier reste ouvert.

Les relations plus ou moins secrètes d’Hergé avec son protagoniste, mais aussi avec Milou, Haddock, La Castafiore et même Jo et Zette sont passées au crible d’une lecture scrupuleuse des albums les plus marquants, s’appuyant sur la vie du géniteur, sur ses relations avec sa famille (sa mère, son frère Paul), avec les femmes (notamment sa première épouse, Germaine), avec l’abbé Wallez, le « père » influent, voire tout-puissant. Le lecteur entre véritablement « dans la peau » du héros marqué d’une androgynie latente liée à une thématique constante, celle de la gémellité, de la dualité, qui concerne Tintin comme Hergé.

L’inconscient de Georges Rémi s’articule, selon Apostolidès, sur deux mythes : celui des jumeaux (le père et l’oncle, les Dupondt etc.) et celui de la relation Maître-fillette, tous deux issus du « fantasme fondamental qui structure le rapport complexe du masculin au féminin ». Il semble que l’argumentation générale du livre tourne autour de cet axe. De là, une étude psychanalytique poussée, qui établit un parallèle entre les grands épisodes de la vie d’Hergé et ceux des aventures de Tintin (par exemple les étapes que représentent Le Temple du Soleil et Les bijoux de la Castafiore). Cela tend à montrer la volonté de donner à l’être de papier une existence charnelle (à l’instar de celle de Tchang), existence qui a besoin d’une protection, dans le cercle restreint des compagnons d’aventures et à l’abri des murs de Moulinsart, contre le monde extérieur et ses désordres. Bref, « les aventures de Tintin se présentent à nous comme un système total, replié sur lui-même et pourtant ouvert sur le monde ». N’est-ce pas l’un des secrets du succès auprès du public « de sept à soixante-dix-sept ans » ?

Analyses convaincantes, exemples probants, Dans la peau de Tintin, qui ouvre aussi la réflexion sur la postérité de l’œuvre d’Hergé, est, dans la perspective psychanalytique,  une somme aux résonances multiples, qu’il faut prendre le temps de méditer si l’on veut mesurer la portée des aventures du « petit reporter », et ainsi renouveler le plaisir que procure leur lecture.

Jean-Pierre Longre

www.lesimpressionsnouvelles.com