22/04/2014
Vient de paraître… Yves Wellens
Yves Wellens, Le cas de figure, postface de Jean-Pierre Longre, Espace Nord, 2014
Présentation de l’éditeur :
« Dans Le Cas de figure, 99 récits brefs – avec un inédit – se suffisent chacun à soi-même, mais ne peuvent être dissociés d’aucun autre de l’ensemble qu’ils constituent. Présentant ces récits comme des faits divers dont l’écriture et le style attesteraient la réalité possible, par l’entremise d’un narrateur au statut toujours indéterminé, Yves Wellens adopte le registre du rapport lapidaire et de la communication scientifique. Bref, du cas de figure. Il a élaboré une forme qui, par différentes méthodes et techniques de narration, incite le lecteur à déchiffrer des faits : quand le vraisemblable se transforme en fiction, et que celle-ci étend son territoire jusque dans le vraisemblable. »
« Yves Wellens a publié cinq livres, de 1995 à 2011, les premiers de prose, contes, nouvelles et récits, et un roman en dernier. Un spectacle de théâtre (Belga Bordeelo) a été créé en 2010 à Mons et à Gand à partir de D’outre-Belgique (2007). Yves Wellens a donné un grand nombre de contributions à des journaux et revues, dont Marginales, et à des volumes collectifs. »
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08/02/2011
Une identité culturelle ?
François Provenzano, Vies et mort de la francophonie, « Une politique française de la langue et de la littérature », Les Impressions Nouvelles, 2011
Le titre définit brutalement l’enjeu : la francophonie est-elle morte ? Si c’est le cas, il est bon de savoir pour quelles raisons, en examinant les « vies » (important pluriel) qu’elle a vécues. C’est ce que propose François Provenzano, selon un parcours historique qui permet « d’analyser les discours sur la « francophonie » en tant qu’ils dessinent toute une politique de la littérature, en permanente évolution ». En six chapitres et en un examen attentif, sont étudiés les « histoires en jeu », les contextes de la naissance et de l’évolution du phénomène francophone (la colonisation et la décolonisation, l’invention du concept et ce qu’il en reste), ses dimensions politique, économique, idéologique, culturelle, littéraire…
Surtout, l’ouvrage introduit un nouveau terme permettant de mettre en perspective celui de « francophonie » : la « francodoxie », qui désigne « l’ensemble des […] procédés rhétoriques auxquels puise le discours » sur la francophonie. Autrement dit, il y a ici une volonté d’étudier comment et pourquoi la francophonie désigne à la fois une institution et une production littéraire, aussi diverse soit-elle. Depuis la conceptualisation, au XIXe siècle, par le géographe Onésime Reclus, lui-même héritier d’auteurs précédents, de l’idée d’une utilisation du français à l’extérieur de la France, jusqu’aux discours modernes non exempts de condescendance et de paternalisme à l’égard des anciens colonisés (tel le fameux « discours de Dakar » prononcé par Nicolas Sarkozy en 2007), en passant par les premiers congrès du XXe siècle, l’institutionnalisation de la « Francophonie », l’instauration des « Sommets », l’idéologie de la « négritude » dans le contexte post-colonial, la satire du « franglais » par Étiemble, le débat engagé par la revue Esprit, la tendance critique illustrée par Les voleurs de langue de Jean-Louis Joubert, les vies de la francophonie sont passées au crible, sans indulgence et sans parti pris, dans un ensemble richement documenté et solidement charpenté.
La démarche est universitaire, mais le profane averti trouvera là matière à réflexion, en s’appuyant sur les « cinq ensembles de représentation » que l’auteur récapitule dans sa conclusion : représentation de la « langue », de la « France », de la « valeur littéraire », de la « société », de l’« histoire ». Ainsi la « mort » ou la « dissolution » de la francophonie peut donner lieu, dans un renouvellement des enjeux, à une « redéfinition » et à une « renaissance ».
Jean-Pierre Longre
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27/09/2010
Hergé, images et mythes
Jean-Marie Apostolidès, Dans la peau de Tintin, Les impressions nouvelles, 2010
L’enjeu ? « Risquer une lecture autobiographique des aventures » de Tintin. Le pari est risqué, et tenu. Jean-Marie Apostolidès, en vingt-cinq chapitres très documentés, bourrés de références, n’occulte rien, ou plutôt fait surgir, d’une manière parfois audacieuse mais toujours séduisante, ce qui restait occulté – tout en laissant deviner que le chantier reste ouvert.
Les relations plus ou moins secrètes d’Hergé avec son protagoniste, mais aussi avec Milou, Haddock, La Castafiore et même Jo et Zette sont passées au crible d’une lecture scrupuleuse des albums les plus marquants, s’appuyant sur la vie du géniteur, sur ses relations avec sa famille (sa mère, son frère Paul), avec les femmes (notamment sa première épouse, Germaine), avec l’abbé Wallez, le « père » influent, voire tout-puissant. Le lecteur entre véritablement « dans la peau » du héros marqué d’une androgynie latente liée à une thématique constante, celle de la gémellité, de la dualité, qui concerne Tintin comme Hergé.
L’inconscient de Georges Rémi s’articule, selon Apostolidès, sur deux mythes : celui des jumeaux (le père et l’oncle, les Dupondt etc.) et celui de la relation Maître-fillette, tous deux issus du « fantasme fondamental qui structure le rapport complexe du masculin au féminin ». Il semble que l’argumentation générale du livre tourne autour de cet axe. De là, une étude psychanalytique poussée, qui établit un parallèle entre les grands épisodes de la vie d’Hergé et ceux des aventures de Tintin (par exemple les étapes que représentent Le Temple du Soleil et Les bijoux de la Castafiore). Cela tend à montrer la volonté de donner à l’être de papier une existence charnelle (à l’instar de celle de Tchang), existence qui a besoin d’une protection, dans le cercle restreint des compagnons d’aventures et à l’abri des murs de Moulinsart, contre le monde extérieur et ses désordres. Bref, « les aventures de Tintin se présentent à nous comme un système total, replié sur lui-même et pourtant ouvert sur le monde ». N’est-ce pas l’un des secrets du succès auprès du public « de sept à soixante-dix-sept ans » ?
Analyses convaincantes, exemples probants, Dans la peau de Tintin, qui ouvre aussi la réflexion sur la postérité de l’œuvre d’Hergé, est, dans la perspective psychanalytique, une somme aux résonances multiples, qu’il faut prendre le temps de méditer si l’on veut mesurer la portée des aventures du « petit reporter », et ainsi renouveler le plaisir que procure leur lecture.
Jean-Pierre Longre
15:42 Publié dans Essai, Mots et images | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bande dessinée, francophone, hergé, jean-matie apostolidès, les impressions nouvelles, jean-pierre longre | Facebook | | Imprimer |