25/08/2014
Festivals estivaux
Festival Off 2014, Avignon
Académie « Europa Musa » 2014, Samoëns
Au hasard de cheminements à travers la France, se multiplient les occasions de rencontres et découvertes artistiques, théâtrales, musicales, les possibilités de fréquenter des lieux où, avec simplicité, sans apparat, se manifestent et s’échangent les talents de toutes sortes. (Et là, on se dit que les « intermittents du spectacle » - qui en réalité ont à cœur de travailler sans intermittence – ont bien raison de vouloir préserver un statut qui, pour spécifique qu’il soit, permet de maintenir – voire, si on le veut bien, de développer – cette « exception culturelle française » dont souvent se gargarisent les élites, mais qui risque à tout moment de n’avoir plus rien d’exceptionnel. Un statut qui permet justement ces rencontres et découvertes artistiques, théâtrales, musicales… Bref, si on veut de la « culture », il faut la mériter). Festivals estivaux… On n’en finirait pas de les énumérer, et c’est tant mieux. Contentons-nous de deux d’entre eux.
D’abord, Avignon, le Off (non que le In ne mérite pas une belle mention, mais on ne peut tout voir…)*. Le Off, donc, « le plus grand théâtre du monde », comme l’annonce la brochure. Il y a la chaude (oui) ambiance de la ville, et il y a le choix des spectacles. Du bon, du mauvais, du solide, du douteux, de l’enfantin, de l’abscons, du traditionnel, du nouveau. Voyons donc (un infini pourcentage du nombre de propositions). Dans les petites salles intimes, le face à face d’un comédien unique avec les spectateurs tient à la fois du rapport confidentiel et du spectacle textuel. En l’espèce, il y a la douloureuse et bouleversante Lettre à ma mère de Georges Simenon, interprétée par un Robert Benoït empli de son texte et de son personnage (Compagnie Pic’Art Théâtre, Présence Pasteur). Ou encore La petite fille de Monsieur Linh, récit simple et terrible de Philippe Claudel, fidèlement restitué dans sa tonalité par Sylvie Dorliat (Compagnie La Clique, Espace Roseau). Dans un style radicalement différent, Darina Al Joundi donne un spectacle à caractère autobiographique, engagé, satirique, Ma Marseillaise, avec autant de force de conviction que de distance humoristique (Acte 2, 3 Soleils). Cela dit, les espaces ont beau être restreints, les comédiens ont aussi l’art de s’y mouvoir en troupe, recréant un monde complet, sur scène et hors scène (les décors, costumes et autres accessoires, évidents ou suggérés, n’y sont pas pour rien). C’est le cas dans Trois nuits avec Madox de Matéi Visniec, où l’attente d’un mystérieux étranger (que, contrairement à Godot, chacun dit bien connaître) agite jusqu’à la fébrilité un petit groupe pittoresque et atypique (Compagnie Théâtre Municipal « Fani Tardini », Galaţi, Roumanie ; Théâtre de l’Atelier 44). Fébrilité aussi, d’une autre sorte, avec Les règles du Savoir-Vivre dans la société moderne de Jean-Luc Lagarce : humour (noir), satire (féroce), absurde (imparable), chansons (loufoques)… Les trois comédiennes s’en donnent à cœur joie, suivies par des spectateurs conquis (Collectif Lophophore, Salle Roquille).
Lieu relativement proche (toujours le sud-est), genres relativement voisins (le spectacle est, cette fois, musical) : comme chaque été, l’Académie Europa Musa « Opéra d’été », sous la direction toujours aussi dynamique et entraînante de Jean-Marie Curti, a fait résonner les montagnes du Haut-Giffre de ses accents pluriels. Après le spectacle d’ouverture (L’histoire du soldat, musique d’Igor Stravinsky sur un texte du célèbre voisin Charles-Ferdinand Ramuz), chaque journée, chaque soirée furent une fête musicale, théâtrale et littéraire, autour de deux pôles : musiques du Nord, avec comme pièce principale le drame poétique, musical et existentiel Peer Gynt, d’Henrik Ibsen et Edvard Grieg, somptueusement interprété par l’orchestre et les solistes de l’Académie, les chœurs de Samoëns et de Sixt, ainsi que par des comédiens donnant vie au texte en investissant la salle entière. Autre pôle, la Renaissance en Italie (le Carnaval à Florence, des pièces de Palestrina, Victoria, Gesualdo, Grandi – on en passe), avec la belle idée d’accompagner certains concerts de projections de tableaux : œuvres de Rouault, toiles de la pinacothèque de Bergame... Pour restituer le foisonnement de cette deuxième quinzaine de juillet, il faudrait citer encore les « Concerts découvertes », toujours de belles surprises, les ateliers ouverts au public (arts plastiques, photos, technique vocale, cafés littéraires). Bref, une organisation hors pair pour un programme de haute tenue artistique – et ainsi, là comme ailleurs, l’attente de l’été renouvelle chaque année le plaisir. À suivre…
Jean-Pierre Longre
*Signalons qu’un numéro spécial de la revue roumaine Infinitezimal fait un lien intéressant entre deux grands festivals européens de théâtre : celui de Sibiu et celui d’Avignon. Voir: http://rhone.roumanie.free.fr/rhone-roumanie/index.php?op...
Liens utiles :
www.pic-art-theatre.fr www.theatre-espôir.fr
www.la-clique.org espaceroseau@wanadoo.fr
http://www.acte2.fr www.les3soleils.fr
www.visniec.com www.latelier44.org
http://www.lophophore.fr www.theatreroquille.com
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19/08/2013
Musiques aux sommets
Europa Musa, Académie d’Opéra d’été, Opéra-Studio de Genève, Samoëns 2013. Musiques en Écrins, Festival d’été 2013
Depuis quelques années, les montagnes du Giffre, au mois de Juillet, résonnent de musiques de différents styles et de haute qualité, offertes (gratuitement, précisons-le) par Europa Musa, Académie d’été organisée par l’Opéra-Studio de Genève, sous la houlette de Jean-Marie Curti, toujours sur la brèche, à la fois directeur artistique, chef d’orchestre et de chœur, présentateur loquace, organisateur hors pair…
En deux semaines, pas moins de vingt-six concerts, spectacles ou récitals donnés par des artistes confirmés venus d’un peu partout. Le public de la vallée n’avait que l’embarras d’un choix dont, en cet été 2013, Mozart était la note dominante. Entre un spectacle d’ouverture présentant le Concerto pour piano n° 9 « Jeunehomme » ainsi qu’une savoureuse comédie, Le directeur de théâtre, et Cosi fan tutte, non moins savoureux opéra monté en 10 jours et parfaitement représenté (malgré le remplacement au pied levé de l’une des chanteuses, malade), les concerts se sont succédé à un rythme époustouflant : Requiem (toujours Mozart), chants de la Renaissance (programme profane, et « Psaumes en vers mesurés » aussi austères qu’élaborés), auditions diverses, ateliers, « concerts découverte » ménageant des programmes inattendus, conférence brillante et savante d’Olivier Bettens sur la Pléiade et Théodore de Bèze, le tout ponctué de « récitals poétiques dans un arbre »…
La multiplicité des activités et des représentations, la sympathie des rencontres, le sérieux du travail artistique, le résultat esthétiquement parfait aux oreilles et aux yeux du public, tout cela profite évidemment d’un environnement naturel grandiose (montagnes et forêts) et de lieux architecturaux propices (églises, chapelles, salles de spectacle), ainsi que de l’aide efficace des collectivités locales et de donateurs privés. Belle surprise pour les non initiés, rendez-vous attendu par les habitués, souhaitons qu’Europa Musica se renouvelle encore pendant de nombreuses années.
*
En été, les festivals de toutes sortes fleurissent aux quatre coins de l’Hexagone… Restons dans les montagnes, et descendons de la Haute-Savoie vers le massif de l’Oisans, pour signaler une autre quinzaine musicale de haute qualité, Musiques en Écrins, qui a lieu du 1er au 16 août. Cette année (à l’occasion du vingtième anniversaire du festival), les églises et chapelles de la Vallouise ont accueilli les artistes fondateurs (Christophe Beau et Laurent Boukobza), quelques autres « anciens », ainsi que des nouveaux venus, comme la pianiste Edna Stern et le trio Fenix.
Duos, trios, quatuors, sextuors, musiques baroque, classique, romantique, mais aussi jazz manouche, randonnée musicale au rythme de musiques brésiliennes… Comme le dit le Président Jean-François Moreau, « cette musique s’inscrit dans l’espace du Pays des Écrins avec ses villages, ses forêts et alpages et son environnement de torrents et de hauts sommets ». Là encore, espérons que les montagnes résonnent encore longtemps de la virtuosité de musiciens venus de tous horizons faire partager leur enthousiasme et leur sensibilité.
Jean-Pierre Longre
15:54 Publié dans Musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, europa musa, opéra studio de genève, jean-marie curti, musiques en ecrins, samoëns, vallouise, jean-pierre longre | Facebook | | Imprimer |