14/04/2018
Vient de paraître : un recueil d’Ana Blandiana
Ana Blandiana, Ma Patrie A4 / Patria mea A4, recueil bilingue traduit du roumain par Muriel Jollis-Dimitriu. Introduction de Jean-Pierre Longre. Black Herald Press, 2018
Un poème que je ne dis pas, un mot que je ne trouve pas
Mettent en péril l’univers
Suspendu à mes lèvres.
Une simple césure dans le vers
Détruirait le sortilège qui dissout les lois de la haine,
Les rejetant tous, farouches et solitaires,
Dans la grotte humide des instincts.
« Biographie »
Née Otilia Valeria Coman en 1942 près de Timişoara, Ana Blandiana a été très tôt en butte à la censure, mais a persisté dans sa volonté d’écrire en restant dans son pays, exilée de l’intérieur. Dès le premier recueil, publié en 1964, sa poésie a connu un succès d’autant plus grand qu’elle correspondait à l’état d’esprit et à la sensibilité de lecteurs qui ne pouvaient complètement étouffer leurs interrogations existentielles sous les diktats du régime. Depuis 1990, son œuvre s’est largement étoffée, et elle est considérée comme l’un des auteurs les plus marquants de la Roumanie contemporaine. Autant dire que toute traduction publiée en France contribue à rendre justice à une œuvre qui mérite d’être reconnue internationalement. (Jean-Pierre Longre)
*
Orice poem nespus, orice cuvânt negăsit
Pune în pericol universul
Suspendat de buzele mele.
O simplă cezură a versului
Ar întrerupe vraja care dizolvă legile urii,
Vărsându-i pe toţi, sălbateci şi singuri,
Înapoi în umeda grotă-a instinctelor.
« Biografie »
Pour commander l’ouvrage :
https://blackheraldpress.wordpress.com/buy-our-titles
Pour en savoir plus:
https://blackheraldpress.wordpress.com/books/ma-patrie-a4...
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15/04/2013
Polyphonies fantastiques
Ana Blandiana, Les saisons. Traduit du roumain par Muriel Jollis-Dimitriu, Le Visage Vert, 2013
Quatre nouvelles, comme il y a quatre saisons, voilà qui, au premier coup d’œil, paraît logique et rassurant. Mais chaque sous-titre met d’emblée le lecteur sur les voies détournées qui le mènent vers des lieux inattendus : « La chapelle aux papillons » pour l’hiver, « Chers épouvantails » pour le printemps, « La ville qui fond » pour l’été, « Souvenirs d’enfance » pour l’automne.
De fait, le voilà embarqué, ce lecteur, dans le monde fantastique et poétique de la narratrice, un monde dans lequel l’air, la terre, la mer, le feu sont éléments de transformation et de combinaison intime entre l’au-delà et l’ici-bas, la peur et la joie, la veille et le sommeil, le présent et le passé. Un monde qui peut être envahi aussi bien par la neige que par les papillons, où la ville se métamorphose en désert ou en « steppe fluide », où une bibliothèque peut devenir couloir infini et sombre ou, à l’envi, verger odorant… Le récit se tourne volontiers vers l’enfance, « mon étrange enfance qui se consumait entre les cataclysmes presque physiques des découvertes et les orages des amours précoces dévastées par des jalousies féroces, mon enfance étrange et gloutonne, pressée de consumer en inclinations incomprises et en vertiges dérisoires les réserves de passion et de présence d’une vie entière » ; et on se prend à chercher encore et encore les messages cachés derrière chaque scène « qui, assise au fondement même de mon devenir et de mon entendement futurs, s’est enrichie de significations sans cesse renouvelées, comme une boule de neige qui grossit de par sa propre dégringolade vers le néant ».
Ana Blandiana, l’une des grandes figures de la poésie roumaine et de la résistance au réel absurde et borné du totalitarisme, livre ici une prose d’une richesse lyrique quasiment sans limites. Chacune de ces quatre nouvelles est un morceau de vie intérieure qui déborde largement la subjectivité, laissant entrevoir un univers où règnent le fantasme et le symbole.
Jean-Pierre Longre
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