28/02/2025
Suspense chez les témoins protégés
Linwood Barclay, Ces mensonges qui nous lient, traduit de l’anglais (Canada) par Renaud Morin, Belfond, 2025
Jack se souvient et raconte : son père est parti un jour, définitivement semble-t-il, en lui disant : « Ton papa a tué des gens. » On apprend plus tard qu’il est allé vivre sous une nouvelle identité en tant que témoin protégé, car il a été à la solde d’un homme d’affaires véreux qui le chargeait des sales besognes – intimidations, menaces et meurtres – et aux foudres duquel il cherche à échapper.
Devenu écrivain au succès mitigé et cherchant à gagner sa vie en collaborant à des revues plutôt confidentielles, Jack est contacté par une certaine Gwen, U.S. Marshall s’occupant justement et comme par hasard de ces ex-criminels relevant du statut de témoins protégés, qui lui propose d’écrire contre bonne rémunération de fausses biographies de ces derniers afin de parfaire leur nouvelle personnalité en rapport avec leur nouvelle identité. Jack accepte un premier travail, non sans se poser des questions : « On ne m’avait pas donné beaucoup de grain à moudre. Mon premier sujet, d’après ce que m’avait dit Gwen, était de sexe masculin, blanc, et âgé de quarante ans. Par où commencer ? Quel genre d’existence voulais-je lui créer ? J’ignorais complètement ce qu’il avait fait jusqu’à maintenant – était-il boucher, boulanger, fabricant de bougies ? Et si, par hasard, l’histoire que je lui inventais était trop proche de son véritable passé ? Non, cela semblait improbable. »
Difficile de raconter la suite sans déflorer le suspense entretenu avec grande habileté par Linwood Barclay. Disons simplement que Jack a une petite amie journaliste qui va être impliquée de près dans le déroulement des événements, que l’U.S. Marshall Gwen et ses acolytes réservent des surprises de taille, que les victimes ne sont pas seulement celles du père de Jack, qui soit dit en passant n’a pas disparu pour toujours, que l’écrivain se retrouve avec deux pères, que l’on apprend à connaître le passé et le destin d’un certain nombre de personnages plus ou moins recommandables…
Thriller, roman d’action aux multiples rebondissements, récit à suspense, Ces mensonges qui nous lient est un bel et bon roman noir, qui ne se contente pas de relater une succession de faits inattendus et d’actions violentes. C’est aussi une captivante galerie de personnages qui, derrière leurs profils plus ou moins avérés de « bons » ou de « méchants », recèlent une épaisseur sociologique et psychologique qui les rend véritablement humains. Un vrai roman, donc, au sens plein du terme.
Jean-Pierre Longre
Linwood Barclay sera présent aux « Quais du Polar » à Lyon du 4 au 6 avril 2025: https://quaisdupolar.com/#latest-posts
21:29 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman, thriller, anglophone, linwood barclay, renaud morin, belfond, jean-pierre longre | Facebook | |
Imprimer |
31/10/2022
Faire justice à tout prix
Lire, relire... Harlan Coben, Gagner n’est pas jouer, traduit de l’anglais (États-Unis) par Roxane Azimi, Belfond, 2021, Pocket, 2022
Windsor Horne Lockwood III, dit Win, a tout pour lui. Héritier d’une famille richissime, bel homme, intelligent, d’une force physique au-dessus de la moyenne… Revers de la médaille : cynique et sans scrupules, fuyant tout sentimentalisme (surtout en amour), adepte de la formule « la fin justifie les moyens », même les plus brutaux (surtout pour faire justice, concédons-le). La fin, en l’occurrence : trouver qui a assassiné un vieil homme vivant en solitaire, quasiment caché, dans un appartement de New-York, et élucider toutes les ramifications qui s’ensuivent ; les moyens : tous ceux qui sont possibles, physiquement, matériellement et moralement.
On n’entrera pas ici dans le détail de l’enquête et des actions menées par Win, ce privé très spécial. L’assassinat de l’homme le ramène à une histoire familiale vieille de plus de vingt ans, notamment à la mort de son oncle et à la séquestration de sa cousine dans la « cabane des horreurs », ainsi qu’à un vol de tableaux appartenant aux Lockwood. L’affaire est aussi liée à un attentat mortel perpétré il y a longtemps par de jeunes anarchistes, dont la plupart ont mystérieusement disparu… Bref, l’intrigue est complexe, le suspense habilement entretenu, les rebondissements nombreux, le dénouement inattendu.
L’histoire, racontée à la première personne par Win, est semée de considérations sociales et psychologiques qui ajoutent une autre qualité au protagoniste : la lucidité, par exemple à propos du milieu des affaires : « Voilà pourquoi ils sont si nombreux à contourner la loi, à la transgresser, à tricher. Le risque de se faire prendre ? Très mince. De finir au tribunal ? Plus mince encore. Et si, malgré tout, le riche se fait pincer, la probabilité de payer une simple amende inférieure à la somme d’argent que vous avez volée ? Énorme. De purger une quelconque peine de prison ? Infinitésimale. » ; ou à son propos même : « En me voyant, vous avez l’impression que je vous regarde de haut. Cela vous inspire un sentiment de rancœur et d’envie. Tous vos échecs, réels ou ressentis comme tels, alimentent votre agressivité envers moi. » Gagner n’est pas jouer est un vrai et grand thriller, intelligent et musclé, comme son héros. Et Harlan Coben est un maître en la matière.
Jean-Pierre Longre
17:07 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman, thriller, anglophone, États-unis, harlan coben, roxane azimi, belfond, jean-pierre longre, pocket | Facebook | |
Imprimer |