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21/04/2019

L’amour la poésie au quotidien

Poésie, illustration, francophone, Eva Kavian, Marie Campion, Les Carnets du Dessert de Lune, Jean-Pierre LongreEva Kavian, L’homme que j’aime, Illustrations de Marie Campion, Les Carnets du Dessert de Lune, 2019

Ce sont des vers très brefs, qui composent des poèmes très brefs – pas tant que cela, finalement, parce que ces textes, que l’on prendrait pour des sortes de haïkus, souvent se prolongent et prolongent la rêverie, la méditation sur l’amour qu’ils célèbrent. Oui, souvent il faut tourner la page pour avoir le fin mot de l’histoire, retourner au début pour refaire le chemin semé de petits cailloux, s’attarder sur les illustrations de Marie Campion, ces dessins qui surprennent les regards complices tapis derrière les lunettes et les sourires mi ironiques mi énigmatiques, ces dessins qui révèlent aussi, en même temps que les mots, les objets et les gestes de la vie intime.

Les chants dédiés à celui que l’auteure appelle « mon mari » sont à la fois limpides et complexes (réfléchissez à ceci, par exemple : « Un de nous deux / mourra / avant l’autre / impossible / de savoir / lequel des deux / va gagner / de ne pas perdre l’autre […]. » ; ou à ceci encore : « J’aurais été plus heureuse / si je t’avais connu / plus tôt / mais / je n’aurais / pas été / la même / sans mes peines / et tu n’aurais pas aimé / peut-être / celle que je serais / devenue. »). La vie quotidienne, dans sa simple célébration, est porteuse d’une poésie dense, insoupçonnée, car les sentiments la transcendent, réussissant à faire émerger l’amour du bac à vaisselle ou de recettes improvisées. Alors l’humour n’est jamais loin, tout en observation et en malice ; cet humour qui arrive, notamment, à tirer l’exclamation bien connue « Ciel mon mari » du côté de « la couleur de la mer » et des constellations, ou à conclure une liste de grands voyages exotiques par le constat du vide antérieur : « avant / d’être ensemble / qu’avons-nous vu ? ».

Les détails à caractère autobiographique, les allusions à la vie présente et passée, les infimes précisions matérielles, les éventuels regrets, les bouffées d’espoir et les petits bonheurs, tout tourne autour de l’axe unique que constitue l’amour, cet amour qui, en mots rigoureusement et tendrement choisis, sécrète une précieuse poésie.

Jean-Pierre Longre

www.dessertdelune.be