19/01/2012
« La rue m’étonne toujours »
Roland Tixier, Le passant de Vaulx-en-Velin, Le Pont du Change, 2011
Si l’on veut sortir des clichés que les médias affichent invariablement lorsqu’ils évoquent les banlieues des grandes villes, il faut lire les textes de Roland Tixier sur Vaulx-en-Velin. Loin du misérabilisme de rigueur et des rumeurs violentes qui y sont liées, le poète chante, dans de brèves strophes en forme de haïkus, les joies simples et naturelles d’une ville qu’il connaît bien, mais dont chaque exploration est pour lui une nouvelle source de découvertes.
Lumières, poussières et promesses du printemps, oiseaux dans le vent, feuillages mobiles des arbres, la nature tient une place de choix le long des rues, des avenues et des trottoirs, d’où ne sont nullement exclus les « visages singuliers », les « acteurs extraordinaires », les « files d’attente à Casino ».
« La rue m’étonne toujours
Tant de panoplies
Tant de gens différents »
C’est bien une ville, avec ses bus et ses chantiers, ses quartiers et ses marchés, avec ses passants (parmi lesquels se glisse, tiens donc, Georges Perec), et aussi avec tout ce qui fait la vie : les souvenirs, la musique, les sensations, la légèreté ou la lourdeur de l’air, le temps qui passe, le cycle des saisons, « l’impression que tout recommence » ; bref, la discrète et immuable beauté d’un monde qu’il convient de voir d’un regard neuf, par-delà les apparences. Pour cela, rien ne vaut la poésie.
Jean-Pierre Longre
http://lepontduchange.hautetfort.com
Au Pont du Change, d'autres recueils de Roland Tixier:
- Simples choses (2009), "haïkus urbains", "regard posé sur le monde".
- Chaque fois l’éternité (2011): voir http://jplongre.hautetfort.com/archive/2011/09/07/des-tro...
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07/09/2011
Des trouvailles au Pont du Change
Roland Tixier, Chaque fois l’éternité, préface de Geneviève Metge, Le Pont du Change, 2011
Alphonse Allais, L’agonie du papier et autres textes d’une parfaite actualité, introduction de Jean-Jacques Nuel, Le Pont du Change, 2011
Le Pont du Change, maison d’édition lyonnaise, enrichit sa production de deux livres à déguster lentement, avec délectation.
L’un (Chaque fois l’éternité de Roland Tixier) est un recueil de brefs poèmes qui, à la manière des haïkus, campent en quelques syllabes tel personnage, tel objet, tel paysage, telle scène, suivant les souvenirs d’un été de vacances en Limousin. Se succèdent les images que l’adulte garde de cette période enfantine, dans un univers limité à une parcelle d’espace et de temps, mais aussi élargi à tout un « monde à portée de main », où les « brosses et savons » deviennent « navires et sous-marins », où s’ouvrent de nouvelles routes – sans parler de l’évocation fugitive d’une Algérie lointaine où se déroulent des événements qui échappent à l’enfant de 10 ans… Par la « magie du verbe », choses banales deviennent « mots cueillis », « mots copeaux / qui s’entortillent », objets poétiques à peine esquissés mais harmonieusement glissés dans le silence de la page.
L’autre (L’agonie du papier) est d’une tonalité radicalement différente – variété des plaisirs, merci Monsieur l’éditeur. On savait Alphonse Allais humoriste hors pair ; on le sait, maintenant, savant et précurseur. Sous le rire et la fantaisie, sous la virtuosité parodique et la fausse grandiloquence, que d’inventions utiles, que de soins pour la survie de l’humanité ! Voilà un auteur qui, dès le tout début du XXe siècle, préconise (avant Queneau et bien avant les « textos ») une réforme profonde, phonétique de l’orthographe, et s’insurge devant la domination grammaticale du masculin sur le féminin, ou qui, devant les désastres de la déforestation et « l’agonie du papier », invente le microfilm, ancêtre de l’e-book… Dans un souci écologique et économique, il promet un bel avenir aussi bien aux énergies éolienne et marémotrice qu’aux téléconférences pour l’Assemblée Nationale, fondées sur le principe du « théâtrophone », ou qu’à un « Paris-Plage » entourant carrément la capitale pour le plus grand plaisir des vacanciers et des consommateurs de poisson. Si l’on veut plus de détails, que l’on se reporte à ce recueil de textes où l’humour, pas aussi absurde qu’on pourrait le croire, est soluble dans le progrès humain (et vice-versa).
Le Pont du Change passe par-dessus les années en deux démarches différentes. Empruntez-le sans hésiter, le trajet ne vous décevra pas.
Jean-Pierre Longre
18:22 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, essai, humour, francophone, roland tixier, alphonse allais, geneviève metge, jean-jacques nuel, le pont du change, jean-pierre longre | Facebook | | Imprimer |