01/06/2022
« Le son des mots réconciliés »
Nicolas Gruszkiewicz, Au matin de la Grande journée, encres de Valérie Ghévart, Éditions La Centaurée, 2022
Les mots se répandent sur la page blanche comme des notes sur une partition, comme des instruments dans un orchestre, sonnent verticalement, horizontalement et en épaisseur, comme une symphonie. Ils flottent sur l’eau immobile, comme de frêles embarcations, lestés du poids de leurs harmoniques et de leurs significations, seuls ou en petits groupes obstinés forçant « le silence féroce » du vide. Çà et là, les encres tout en nuances et en forme de feuille dressent leur pointe vers des hauteurs muettes, en une verticalité qui répond à celle des poèmes, que l’on suit, bien obligé, vers le mystère de leur profondeur. Et voilà qu’on ne peut « rester immobile. »
De quoi nous parlent-ils, ces poèmes ? De la nature, du ciel, de l’eau, de la lumière, du vent, du sable, de la terre, du feu – des éléments dont la présence est immuable, mais que la mue des mots transcende, que la poésie rassemble contre la fuite du temps. Les années passent, la vieillesse gagne, mais il y a toujours un peu de lumière, et la parole respire. Contre « l’embarras du labyrinthe », se dresse « la mémoire aux lèvres d’argile », mais aussi « l’ocre sonore », les « feux mouillés », la « terre d’écume » - bref, synesthésies, oxymores et autres audaces verbales, tout ce que les mots peuvent se permettre, entre le silence et la solitude, pour préserver les « jours heureux ».
Dans ce beau recueil qui fait entendre « le son des mots réconciliés », « les questions du vent » et bien d’autres choses encore, le poète « adresse [ses] cris au ciel », et nous l’accompagnons, murmurant avec lui : « Merci pour la lumière ».
Jean-Pierre Longre
09:27 Publié dans Littérature, Mots et images | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, illustration, francophone, nicolas gruszkiewicz, valérie ghévart, éditions la centaurée, jean-pierre longre | Facebook | | Imprimer |