03/12/2015
Images d’une passion musicale
Sandrine Revel, Glenn Gould. Une vie à contretemps, Dargaud, 2015
Est-il possible de percer « le mystère Glenn Gould » (disons plutôt les mystères, tant le personnage paraît complexe)? Pas vraiment. Mais l’album graphique de Sandrine Revel fournit des approches à la fois esthétiquement séduisantes et intellectuellement convaincantes. Il est rare qu’une biographie de célébrité pénètre à ce point dans la personnalité, dans les secrets même de son protagoniste. L’auteure, dans cette perspective, utilise avec à-propos et talent les ressources de la bande dessinée.
La narration ne se contente pas de raconter. Ou si elle le fait, c’est dans un constant va-et-vient entre les différentes périodes (enfance, concerts, enregistrements, voyages, accidents de santé, relations amicales et amoureuses, fuites, retours…), entre la vie réelle avec ses vicissitudes et ses instants de bonheur, et la vie rêvée avec ses illusions et ses cauchemars, entre les interviews du musicien et les témoignages de ses proches. Ainsi, l’essentiel est dit, à la fois dans le texte écrit et dans le silence des dessins.
Car l’avantage du genre bien exploité est de faire passer par l’image ce que les mots ne peuvent pas exprimer : les visions, les délires, les souvenirs, l’hypocondrie, l’isolement (qu’accompagnent l’amour des animaux, le goût pour les immensités, « l’aspect nordique de l’être humain » et « les ciels nuageux »). Surtout – et ce peut être considéré comme une gageure – l’image (traits, dessins, couleurs, dimensions) réussit à montrer la musique : attitudes physiques du pianiste dans toute leur originalité, expressivité du visage, mouvements des mains sur le clavier (des planches entières montrent les différentes positions des doigts, si bien observées, si bien reproduites), sans parler de l’exigence absolue de Glenn Gould dans le choix de son piano, de son siège, des appareils d’enregistrement…
Pas d’explications rationnelles, pas de détails superflus, pas de descriptions gratuites, pas de récit linéaire. Mais l’album suggère parfaitement cette « vie à contretemps » d’un être pour qui la perfection musicale est un idéal, une passion, voire une obsession vers lesquels tendent tous les instants de son existence, jusqu’à l’effacement. Et l’ultime but, qu’il définit lui-même : « La musique pour l’auditeur comme pour l’interprète doit amener à la contemplation. ».
Jean-Pierre Longre
16:29 Publié dans Mots et images | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bande dessinée, biographie, musique, glenn gould, sandrine revel, dargaud, jean-pierre longre | Facebook | | Imprimer |
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