16/07/2018
Recommandations avignonnesques (en off)
Festival Off, Avignon, 2018
Comment pourrait-on tout voir ? Et le pourrait-on qu’on ne le voudrait pas. Car il faut bien le dire, il y a de tout dans le Off (dans le In aussi, d’ailleurs). Contentons-nous de quelques recommandations, selon un choix infime.
Commençons pas Le misanthrope de Molière, valeur sûre s’il en est, mais à laquelle le second titre ajouté, [vs politique], ainsi que la mise en scène et le jeu des comédiens, confère une dimension toute contemporaine. Et là, double surprise : pour une fois (bon, c’est déjà arrivé, tout de même), l’actualisation d’une pièce classique est diablement réussie ; et on s’aperçoit que le texte de Molière s’adapte parfaitement à notre époque et à notre contexte politique. Disons-le tout net : la mise en scène et l’art consommé des comédiens sont pour beaucoup dans ce pouvoir d’adaptation.
Autre genre, autre époque, valeur aussi sûre : Pyrénées ou le voyage de l’été 1843, un texte que Victor Hugo a écrit d’une plume joyeuse et flamboyante, celle d’un touriste qui, partant faire une cure à Cauterets, découvre villages et paysages pittoresques, entre France et Espagne, avec l’enthousiasme de l’explorateur et l’œil du poète – périple et récit brusquement interrompus lorsqu’il apprend par le journal le décès de sa fille tant aimée et de son gendre. Julien Rochefort, sur scène, est un Victor Hugo plein d’ardeur et de sensibilité.
Un autre « grand écrivain » ? Prenez Jean-Luc Lagarce : la substance essentielle de ses pièces est le texte, dans son style à la fois pur et ressassant, direct et allusif, nourri de connotations et d’harmoniques, d’humour et de non-dits, de tragique et de pathétique. C’est évidemment le cas avec Music-hall, récit des débuts d’une troupe théâtrale, auquel Hélène Vautrin, magnifique « Fille » et unique personnage par qui tout passe, donne toutes ses dimensions.
Une autre « fille », dans un autre style (qui tient aussi du music-hall, peut-on dire) : Anne Baquet, une « soprano en liberté » et en pleine forme, dont la voix aux mille possibilités, les drôles de mimiques, les mouvements chorégraphiés, l’humour, l’énergie, le naturel – toutes qualités mises en valeur par la virtuosité pianistique de Claude Collet – donnent un spectacle festif et poétique, clownesque et enchanteur.
Décidément, les femmes seules en scène ont l’air d’avoir la cote. Avec La putain du dessus, le machisme en prend pour son grade – c’est le cas de le dire pour le mari d’Erato, policier brutal et magouilleur qui, pour le bonheur de sa femme, vient de mourir. La veuve pourra être joyeuse, et son monologue est un grand moment de souriante et grave libération.
À recommander aussi : Le projet Poutine, confrontation entre le chef de l’État et sa vigoureuse opposante, plein d’enseignements et de révélations ; L’augmentation, fameux texte de Georges Perec où se côtoient, dans un duo de comédiens parfaitement réglé, l’absurde répétitif, l’humour satirique et l’inflation du langage ; Ma grammaire fait du vélo, où François Mougenot fait avec vivacité la satire du langage à la mode et démonte certains aspects du français.
Tout cela n’exclut pas des dizaines d’autres pièces, malheureusement non vues, mais assurément dignes de l’être. Voir par exemple ici. Bon vent au festival, et à l’un de ses principaux médias, le bouche à oreille…
Jean-Pierre Longre
Le misanthrope (vs politique) de Molière. Collège de la Salle
Compagnie La vallée des arts.
Metteuse en scène : Claire Guyot
Interprètes : Pierre Margot, Aurélie Noblesse, Emmanuel Lemire, Edgar Givry, Youna Noiret, Geoffroy Guerrier, Denis Laustriat, Annick Roux.
Assistante : Anne Rondeleux. Lumière : Laurent Béal.
Pyrénées ou le voyage de l’été 1843 de Victor Hugo. Théâtre La Luna
La Petite Compagnie.
Interprète : Julien Rochefort.
Adaptation et mise en scène : Sylvie Blotnikas.
Lumières : Laurent Béal.
Music-hall de Jean-Luc Lagarce. Artéphile.
Compagnie O3.
Metteur en scène : Florian Simon.
Interprète : Héléna Vautrin
Scénographie : Léa Mathé. Création Lumière : Fabien Colin. Création Musicale : Seb Lanz Voix : Bertrand Beillot, Etienne Delfini-Michel. Costumes : Les costumes de Lie.
Anne Baquet, soprano en liberté de François Morel, Juliette, Chopin, Chico Buarque, The Beatles, Queen. Théâtre du Balcon.
Compagnie Le Renard.
Metteur en scène : A-M Gros.
Interprètes : A. Baquet, Cl. Collet, G. Baumberger.
La putain du dessus d’Antonis Tsipianitis. L’Arrache-Cœur.
Théâtre de la Huchette. Coprod : Dragon8.
Metteur en scène : Christophe Bourseiller.
Interprète : Emilie Chevrillon.
Adaptation : Haris Kanatsoulis.
Lumières : Laurent Béal.
Scénographie : Erwan Creff.
Le Projet Poutine de Hugues Leforestier. Espace Roseau Teinturiers
Compagnie Fracasse
Metteur en scène : Jacques Décombe
Interprètes : Nathalie Mann, Hugues Leforestier
L’Augmentation de Georges Perec. Au Magasin.
Cie des Perspectives.
Metteur en scène : Bruno Dairou.
Interprètes : Antoine Laudet, Antoine Robinet.
Créa. lumières : Baptiste Mongis.
Régie : Héléna Castelli.
Ma grammaire fait du vélo de François Mougenot. Théâtre des Corps Saints
L’Impertinente.
Metteuse en scène : Caroline Darnay.
Interprète : François Mougenot.
Chargée De Production : Stéphanie Gesnel.
Régisseuse : Anne Gayan.
20:00 Publié dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, littérature, festival off, avignon, jean-pierre longre | Facebook | | Imprimer |