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17/10/2012

Distillerie littéraire au Pont du Change

Les éditions Le Pont du Change continuent à distiller des textes narratifs et poétiques. En voici deux, qu’il convient de déguster délicieusement à gorgées mesurées.

Nouvelle, récit, Christian Cottet-Emard, Roland Counard, Le pont du change, Jean-Pierre LongreDrôle d’animaux

 

Christian Cottet-Emard, Dragon, ange et pou, trois burlesques, Le Pont du Change, 2012

Est-il possible qu’un diacre un peu encombrant se métamorphose malgré lui en pou géant accroché à des tuyaux d’orgue ? Existe-t-il des bébés dragons cachés sous les bâches des tas de bois ? Un ange peut-il nous aider à sortir et rentrer les poubelles ?

De fait, tout cela se produit bel et bien dans les nouvelles de Christian Cottet-Emard. Pas simplement pour le plaisir de l’étrange et du fantastique. Ceux-ci, au-delà de leur charme propre, sont des chemins vers le « burlesque » et le comique de situation, mais aussi des moyens d’accès à une sorte d’observatoire. Observatoire du genre humain, de ses réactions face à l’inattendu – réactions qui n’en sont pas, puisque rien semble-t-il ne peut transformer les habitudes des hommes, incorrigibles curieux. L’auteur l’avoue poétiquement : « Les personnages principaux se contentent d’observer, comme les anges curieux de Conques qui enroulent le firmament, légèrement en retrait de ce qui s’annonce ».

Au rire déclenché par l’écriture (jeux sur les noms propres, dialogues alertes, formules répétitives, farce…) répond, plus profondément, la possibilité d’une méditation sur ces drôles d’animaux que sont les humains et sur l’évolution générale de l’espèce.

 

Nouvelle, récit, Christian Cottet-Emard, Roland Counard, Le pont du change, Jean-Pierre LongreRécit au compte-gouttes

Roland Counard, Le laitier de Noël, Le Pont du Change, 2012

 

De tout petits textes, à la mesure du garçonnet qui en est le héros. De tout petits textes qui, même s’ils restent aussi distincts les uns des autres que des poèmes en prose ou des saynètes comiques, forment une trame narrative aussi cohérente qu’énigmatique. De tout petits textes qui s’adressent à lui, Robin Dubuisson (deviendrait-il un jour Robin des Bois ?), tout en laissant planer sur ses faits et gestes, sur ses intentions mêmes, de lourds soupçons…

 

Car si la famille et le voisinage de Robin forment de prime abord un entourage rassurant, une cellule confortable, les morts violentes se succèdent – accidents ou meurtres. Celles du grand-père, de la voisine… et ce n’est certainement pas fini… Peu à peu, au compte-gouttes, les éléments s’emboîtent, sans donner de réponse claire. Vus à hauteur d’enfant, les événements se succèdent, laissant planer des hypothèses peu rassurantes sur la prétendue innocence et l’apparente naïveté des humains de cinq ans.

 

Jean-Pierre Longre

http://lepontduchange.hautetfort.com    

22/08/2010

Des conseils avisés

Tu écris toujours.jpgChristian Cottet-Emard, Tu écris toujours ? Manuel de survie à l’usage de l’auteur et de son entourage, éditions Le Pont du Change, 2010

« Pourquoi écrivez-vous ? ». La question est récurrente, et ne recevra jamais de réponse définitive, ni vraiment satisfaisante. Et par les temps qui courent, d’aucuns, dans leur caboche et même ouvertement, se demandent « pourquoi on peut se livrer à une activité aussi aberrante que l’écriture ». En l’absence donc de réponse, Christian Cottet-Emard se contente, si l’on peut dire, de donner des conseils aux écrivains.

Tout y passe, et tous sont concernés, de ceux qui sont « tentés par les prix et concours » à ceux « qui ont encore des amis non-écrivains et non-littéraires », en passant pas ceux « qui cherchent un emploi » (et « non un travail car tous les écrivains ont du travail »), ceux qui s’installent chez les « néo-ruraux », ceux qui sont « assignés à résidence » (d’auteur, évidemment), ceux qui cherchent une bourse, ou encore ceux qui se retrouvent sous le chapiteau d’une foire aux livres… Les anecdotes fourmillent, et l’on sent nettement pointer l’expérience de celui qui fait tout pour survivre dans un environnement hostile ou, au mieux, sceptique. Nous sommes là aux limites de la chronique autobiographique.

C’est enlevé, c’est drôle, c’est sincère. Pas d’amertume – ou s’il y en a, elle se cache sous l’humour et sous la satire. Le voisin, l’homme politique, le propriétaire de 4 x 4, le « grand écrivain », le structuraliste impénitent et quelques autres font les frais de la plume acérée de l’auteur, mais sans que celle-ci cède à la violence. Jean d’Ormesson et Philippe Sollers, par exemple, sont épinglés comme modèles des « écrivains qui veulent soigner leur image », aux antipodes de la modestie (vraie ? fausse ? entre les deux ?) de l’éternel inadapté qu’est celui qui aime, tout simplement et depuis l’enfance, raconter des histoires.

Tu écris toujours ? est le deuxième ouvrage publié par les éditions Le Pont du Change (après Simples choses de Roland Tixier). La création à Lyon d’une nouvelle maison d’éditions, ce n’est pas un mince événement. Écrivains ou non, profitons-en !

Jean-Pierre Longre

http://lepontduchange.hautetfort.com

http://cottetemard.hautetfort.com