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18/10/2010

Jusqu’à la lie

Toux_vignette.jpgWalter Vogt, La toux. Nouvelles traduites de l’allemand par François Conod, Bernard Campiche Éditeur, 2010

La nouvelle qui inaugure le recueil et lui offre son titre donne le ton de l’ensemble : humour noir, traitement par l’absurde de l’existence humaine, satire sociale (la médecine, tout particulièrement, en prend pour son grade).

Fondées sur une expérience lucide et sans concessions de la vie (l’auteur, né à Zurich en 1926, a été professeur, radiologue, psychiatre…), ainsi que sur un sens aigu, voire cruel, du détail qui fait mouche, les histoires ici racontées attisent la curiosité (plus ou moins saine) tout en laissant la plupart des questions en suspens ; chacune est d’une construction rigoureuse, progressive, tournée vers un dénouement qui souvent allie la logique et la surprise. Cette progression interne à chaque nouvelle est aussi, malicieusement, celle du recueil qui, après des nouvelles longues et d’autres qui ont la brièveté d’un coup de scalpel, se termine par « La dernière histoire », titre à double entente (ou double détente ?) ; elle ne peut effectivement qu’être la dernière, à boire jusqu’à la lie.

La toux, sous-titré « Histoires vraisemblables et invraisemblables » (entre les deux options, le tri s’avère difficile), ne date pas d’aujourd’hui, puisque Husten (titre original en allemand) a été publié en 1965. Mais son caractère à la fois intemporel et percutant rend le recueil toujours actuel ; sa traduction et sa publication en français sont les bienvenues.

Jean-Pierre Longre

 

www.campiche.ch

 

 

06/09/2010

Les secrets de la Messe en si

Beaute_du_geste_vignette.jpgCatherine Fuchs, La beauté du geste, Bernard Campiche Éditeur, 2010

Gianni Orsini, chef d’orchestre autour duquel tourne l’intrigue principale du roman, a comme suspendu son « geste ». Sa disparition laisse perplexe son entourage, parmi lequel les cinq héroïnes, qui ont toutes quelque chose à voir avec lui (musique, amour, rencontre de hasard…) et qui ont toutes à voir les unes avec les autres. Il y a donc Gianni, il y a Marianne, Isabelle, Tatiana, Katalin, Béatrice, et il y a Jean-Sébastien Bach, dont l’œuvre est « si puissamment rassurante », et envers qui Béatrice, entre autres, « se sent transportée de reconnaissance ».

Le roman de Catherine Fuchs, elle-même musicienne, est un concert. Les mots, « miraculeux assemblages qui exaltent le banal et disposent le merveilleux à hauteur d’homme », et les notes, qui n’expliquent rien mais dont la combinaison peut éclairer bien des choses, développent le même récit, suivent la même structure : celle de la fameuse Messe en si, avec ses cinq parties auxquelles correspondent les cinq sections du livre : Kyrie, Gloria, Credo, Sanctus, Agnus Dei. Le concert donné en la cathédrale de Genève est la caisse de résonance des souvenirs, des sentiments, des questionnements des protagonistes, interprètes ou auditrices, pour lesquelles les mots, dits ou tus, forment une chaîne traçant une continuité de l’une à l’autre. Continuité complexe, faite d’anticipations et de retours en arrière, de mouvements et tonalités divers, de reprises thématiques, par lesquels le lecteur, ne maîtrisant plus rien, ne peut que se laisser guider, comme par la musique.

Celle-ci permettra-t-elle de lever les mystères, celui de la disparition de Gianni comme ceux que chaque femme recèle en elle ? Au contraire, en augmentera-t-elle la puissance ? En tout cas, elle contient tout ce qui fait la vie, et ce que Marianne, chantant son dernier solo sur « Miserere nobis », évoque en son inconscient : « Prends pitié de toutes ces ébauches, de ces réconciliations impossibles, de ces amours inavouées, de ces timides amitiés, de ces jugements si vite définitifs ; regarde ces dévouements admirables, ces haines dévastatrices, ces promesses tenues, ces reniements quotidiens ».

Jean-Pierre Longre

www.campiche.ch