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07/05/2022

Cahoteuses et chaotiques

Théâtre, Ukraine, Russie, Afghanistan, Rromani, Bulgarie, Natalka Vorojbyt, Iryna Dmytrychyn, Sergueï Guindilis, Boris Czerny, Vitkine, Kaveh Ayreek, Guilda Chahverdi, Jovan Nicolić, Ruždija Russo Sejdovič, Marcel Courthiades, Hristo Boytchev, Roumiana Stantcheva, Jordan Plevneš, éditions L’espace d’un instant, Jean-Pierre LongreNatalka Vorojbyt, Mauvaises routes, traduit de l’ukrainien par Iryna Dmytrychyn, éditions L’espace d’un instant, 2022

Le premier des six tableaux qui composent cette pièce est le monologue d’une journaliste venue se rendre compte de ce qu’il se passe sur le front du Donbass. « Qui ne veut pas aller au front ?! Tout le monde veut aller au front. Je l’ai décidé avant même d’y réfléchir. » C’est Serhig, combattant endurci et bel homme, qui l’y emmène en lui racontant ses propres tribulations. Témoignage vivant, brève histoire de guerre et d’amour qui se terminera, elle le sait, par « une séparation lente et terrible. »

Les fragments suivants, extensions dialoguées du premier, mettent en scène des personnages divers, dont la variété des situations n’occulte pas ce qu’ils ont en commun et qui forme à la fois l’arrière-plan constant et l’immédiateté scénique : la guerre, les dangers et les tensions qu’elle engendre. De toutes jeunes filles, assises sur un banc près d’une supérette, bavardent, se disputent, se racontent leurs amours (« Comme Roméo et Juliette : tout le monde est contre nous, et nous on est contre le monde entier. »), leurs révoltes (« Je ne veux pas regarder la télé russe. / On regardera autre chose. / Il n’y a rien d’autre. ») et expriment leurs peurs devant les explosions. Un directeur d’école tente de s’extirper d’une situation et d’une attitude qui le rendent suspect aux yeux d’un commandant de « blockpost » – ivresse, passeport égaré, détention d’une arme -, ce qui occasionne au passage une profession de foi du militaire : « Personnellement, je combats pour que ma fille ne se réveille pas un jour au milieu de la guerre, comme vos enfants. Pour qu’elle ne se cache pas dans les caves, putain [...] Et puis je suis ici pour qu’un directeur d’école ivre ne transporte pas une kalachnikov dans son coffre… Pour que ce genre de directeur ne s’approche pas des enfants. On ne sait pas ce que tu leur apprends, là-bas, quelle patrie aimer, quel drapeau arborer. » Une femme médecin et un militaire roulent sur une route accidentée, et leur conversation agitée laisse entendre que le corps du mari mort au combat se trouve dans le coffre du véhicule. Situation tragique, qui n’empêche pas l’humour (noir) : « Ton père est encore en vie ? / Non. / Alors que Poutine est en vie. / Oui, j’aurais bien fait l’échange… / Impossible. / Je sais. / Ça t’ennuie si je me soûle ? / Si tu y tiens vraiment. Mais… / Je plaisante. C’est de l’eau. » Puis c’est une scène à la limite du soutenable entre « Lui », une brute enragée, et « Elle », qui tente de l’amadouer par tous les moyens, sentiments, ruse, brutalité en retour… Image de la dictature guerrière contre les valeurs démocratiques. Le dernier tableau, dont l’action se situe « avant la guerre », met face à face les scrupules et la cupidité, la générosité et la tentation d’en profiter. Prémices de batailles plus violentes.

Tous ces personnages, dont certains, comme des fils plus ou moins ténus, réapparaissent périodiquement et tracent un cheminement entre les scènes, suivent ces « mauvaises routes » cahoteuses et chaotiques qu’ils n’ont pas forcément prévu ou envie de suivre. L’art de la dramaturge leur donne une existence immédiate, tangible, profondément humaine, et nous, lecteurs ou spectateurs, partageons de près leurs angoisses, leurs révoltes, leurs vies à la fois dramatiques et si proches de la quotidienneté de toute vie, avec ses sourires et ses peurs. D’autant plus, bien sûr, que les événements décrits ici, datant d’il y a cinq ans (2017, création de la pièce), sont d’une brûlante actualité.

Jean-Pierre Longre

 

Autres parutions récentes aux éditions L’espace d’un instant :

 

Théâtre, Ukraine, Russie, Afghanistan, Rromani, Bulgarie, Natalka Vorojbyt, Iryna Dmytrychyn, Sergueï Guindilis, Boris Czerny, Vitkine, Kaveh Ayreek, Guilda Chahverdi, Jovan Nicolić, Ruždija Russo Sejdovič, Marcel Courthiades, Hristo Boytchev, Roumiana Stantcheva, Jordan Plevneš, éditions L’espace d’un instant, Jean-Pierre LongreSergueï Guindilis, Les voisins, traduit du russe par Boris Czerny, préface de Benoît Vitkine, 2022

« La réélection frauduleuse du président sortant, Alexandre Loukachenko, en août 2020, provoque une vague de manifestations pacifiques en Biélorussie. Les opposants au régime sont violemment réprimés. La pièce Les Voisins reproduit les témoignages d’hommes et de femmes emprisonnés, violentés ou contraints à l’exil par les forces de l’ordre biélorusses. Ils racontent ce qu’ils ont vécu et qui fait qu’ils ne seront plus jamais les mêmes qu’avant. En mai 2021, la première de la pièce au Teatr.doc de Moscou a été interrompue par la police.

Ce texte est le fruit du travail collectif d’un groupe d’artistes russes et biélorusses, dirigé par Sergueï Guindilis, metteur en scène, et composé de Daria Demoura, régisseuse et documentaliste, Ekaterina Finevitch, actrice de cinéma et de théâtre, et Ksenia Terechtchenko, dramaturge. Sergueï Guindilis, né en 1994 à Moscou, a étudié la philosophie, l’art dramatique et le cinéma documentaire, et a notamment organisé différents spectacles dans le cadre du cycle « Histoire des épidémies » au Teatr.doc. »

 

Théâtre, Ukraine, Russie, Afghanistan, Rromani, Bulgarie, Natalka Vorojbyt, Iryna Dmytrychyn, Sergueï Guindilis, Boris Czerny, Vitkine, Kaveh Ayreek, Guilda Chahverdi, Jovan Nicolić, Ruždija Russo Sejdovič, Marcel Courthiades, Hristo Boytchev, Roumiana Stantcheva, Jordan Plevneš, éditions L’espace d’un instant, Jean-Pierre LongreKaveh Ayreek, La valise vide, traduit du dari (Afghanistan) par Guilda Chahverdi, préface de Guilda Chahverdi ,2022

« Hamid et Maryam sont afghans, ils ont grandi en Iran. Leurs parents y avaient migré au début de la longue série des guerres afghanes dans les années 1980. Toute leur enfance, ils ont été bercés par la poésie et la description des beautés de leur terre d’origine. Dans les années 2010, une fois mariés, Hamid et Maryam décident de retourner en Afghanistan. Ce retour leur semble essentiel pour offrir à leurs enfants la
légitimité d’une terre dont eux ont été privés. Leurs familles respectives tentent de les en dissuader : les habitants de ce pays sont des loups. Mais le couple ne veut rien entendre. Il voyage par voie de terre pour voir enfin les paysages et rencontrer ses habitants. »

 

Théâtre, Ukraine, Russie, Afghanistan, Rromani, Bulgarie, Natalka Vorojbyt, Iryna Dmytrychyn, Sergueï Guindilis, Boris Czerny, Vitkine, Kaveh Ayreek, Guilda Chahverdi, Jovan Nicolić, Ruždija Russo Sejdovič, Marcel Courthiades, Hristo Boytchev, Roumiana Stantcheva, Jordan Plevneš, éditions L’espace d’un instant, Jean-Pierre LongreJovan Nicolić, Ruždija Russo Sejdovič, Carrousel pour les Tsiganes, traduit du rromani par Marcel Courthiades, préface de Marcel Courthiades, 2022

« Dans un café tenu par Yashar, Rrom de Prizren, se déroulent des événements du quotidien en période de conflit serbo-albanais, apportant de plus en plus de violence, de corruption, de haine absurde entre ennemis jurés, hier encore amis. La pièce illustre la souffrance morale des Yougoslaves écartelés entre nostalgie, compassion, haine(s), nationalisme(s), mensonges et manipulations. Si les personnages principaux sont rroms, symbolisant le peuple simple sans orientation nationaliste, les autres protagonistes apparaissent avec toutes leurs ambiguïtés.

Mais les auteurs traitent d’une destruction intérieure, qui n’épargne personne, et ne font pas le procès de l’une ou l’autre des forces en présence. « Quand les taureaux se battent, c’est l’herbe qui souffre le plus. »

Le texte a été créé en Allemagne en 2000 par Rahim Burhan et le théâtre Phralipe, principal théâtre rrom en Europe, et édité en 2004 à l’Espace d’un instant, sous le titre Kosovo mon amour. »

 

 

Théâtre, Ukraine, Russie, Afghanistan, Rromani, Bulgarie, Natalka Vorojbyt, Iryna Dmytrychyn, Sergueï Guindilis, Boris Czerny, Vitkine, Kaveh Ayreek, Guilda Chahverdi, Jovan Nicolić, Ruždija Russo Sejdovič, Marcel Courthiades, Hristo Boytchev, Roumiana Stantcheva, Jordan Plevneš, éditions L’espace d’un instant, Jean-Pierre LongreHristo Boytchev, L’invasion, traduit du bulgare par Roumiana Stantcheva, préface de Jordan Plevneš, 2022

« Au fin fond de la campagne, retranchés dans leur maison transformée en bunker improbable, Luca, ses enfants Galilei le lunatique et Maria le garçon manqué, ainsi que Mattei, personnage velléitaire qu’ils hébergent, armés jusqu’aux dents, défendent leur bastion face à un ennemi invisible. Mattei courtise Maria qui le rabroue à coups de taloches, Galilei joue au somnambule, Luca règne en maître sur ce petit monde qui attend à longueur des jours, des mois, des années l’arrivée de l’envahisseur. Un jour, enfin, les collines alentour se couvrent de monde. Les envahisseurs sont là ! »

 

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10/11/2021

La parole brute du théâtre

Théâtre, Russie, Kosovo, Islande, Eléna Gremina, Mikhaïl Ougarov, Jeton Neziraj, Anne-Marie Bucquet, Tyrfingur Tyrfingsson, Raka Ásgeirsdóttir, Séverine Deaucourt, éditions L’espace d’un instant, Jean-Pierre LongreEléna Gremina, Mikhaïl Ougarov, Une heure et dix-huit minutes ; Septembre.doc, traduit du russe par Tania Moguilevskaia et Gilles Morel, éditions L’espace d’un instant, 2021  

Eléna Gremina et Mikhaïl Ougarov (tous deux nés en 1956 et morts en 2018) combattaient contre les abus et les violences du pouvoir russe. Un engagement concret, constant, pour lequel ils utilisaient « le moyen qui était le leur, la scène » – et ce d’une manière originale, rompant avec les traditions. Les deux pièces publiées ici manifestent cet engagement et cette originalité, puisqu’elles sont en prise directe avec l’histoire récente, exploitant documents et témoignages. Cécile Vaissié, dans sa préface, explique clairement comment est né le Théâtre.doc de Moscou, « l’un des très rares théâtres financièrement indépendants de Russie », et dit comment les deux pièces « illustrent l’approche artistique » de ce théâtre en s’appuyant « sur des matériaux bruts. »

Une heure et dix-huit minutes, qui utilise entre autres documents les carnets et les lettres de Sergueï Magnitski, relate comment celui-ci, en 2009, est mort en prison à la suite de tortures, de mauvais traitements et d’une agonie d’une heure et dix-huit minutes. La pièce se divise en « rubriques » mettant en scène les monologues de personnes réelles accusées initialement par la mère du défunt : juge d’instruction, procureur, directeur et médecins de la prison, tous responsables des souffrances et de la mort de Magnitski, et montrés dans toute leur lâcheté, leur iniquité, tentant de dégager leur responsabilité, à l’image du médecin qui ne se dit plus soumis au Serment d’Hippocrate, mais au « Serment du médecin russe », ou à celle de la juge Stachina, qui nie être un être humain, mais se dit « l’instrument de la volonté de l’État. »

Septembre.doc est un patchwork d’interventions collectées « sur divers forums internet tchétchènes, ossètes et russes » à la suite des événements sanglants survenus dans une école de Beslan (Ossétie du Nord) en septembre 2004 : plus de trois cents morts provoqués par l’intervention des forces armées russes contre des terroristes tchétchènes ayant pris en otages un millier d’enfants et leurs parents. Toutes les opinions, toutes les émotions, toutes les réactions s’expriment de la part d’un population très diverse, Russes, Ossètes, Tchétchènes, Ingouches, musulmans, orthodoxes, athées, progressistes, fascistes, et tous les types de langage, du plus pensé au plus épidermique, du plus respectueux au plus insultant, du plus correct au plus crû, sont reproduits tels quels. Au public de s’y retrouver, de se faire ses idées, de se construire sa propre vérité face à ce puzzle verbal.

Théâtre document, théâtre de paroles, théâtre témoignage ? Théâtre en tout cas percutant, dont le réalisme à l’état brut, poussé jusqu’au bout de l’odieux et de l’absurde, joue pleinement son rôle. L’œuvre d’art engage non seulement les auteurs et les acteurs, mais aussi les personnages et leurs mots fidèlement représentés, et bien sûr les spectateurs ainsi pleinement sollicités.

Jean-Pierre Longre

 

Autres parutions aux éditions L’espace d’un instant :

 

Théâtre, Russie, Kosovo, Islande, Eléna Gremina, Mikhaïl Ougarov, Jeton Neziraj, Anne-Marie Bucquet, Tyrfingur Tyrfingsson, Raka Ásgeirsdóttir, Séverine Deaucourt, éditions L’espace d’un instant, Jean-Pierre LongreJeton Neziraj, Bordel Balkans, traduit de l’albanais (Kosovo) par Anne-Marie Bucquet

« Bordel Balkans est une réécriture de L'Orestie d'Eschyle, traitée de manière très contemporaine. Agamemnon, chef de guerre sanguinaire, est de retour des champs de bataille de l'ex-Yougoslavie. Il retrouve sa femme, Clytemnestre, qui s'est occupée de leur hôtel-bar « Balkan Express » pendant sa longue absence. Ainsi commence l'enchaînement fatal des causalités liées au destin des Atrides. Énergie kaléidoscopique de cette tragédie musicale où alternent imprécations et lamentations, chants populaires, interludes comiques et commentaires du chœur, en une sarabande effrénée dans laquelle tous les personnages sont entraînés jusqu'à l'incendie final purificateur. »

« Jeton Neziraj est né en 1977 au Kosovo. Dramaturge et scénariste, ses œuvres ont été présentées dans une quinzaine de langues en Europe et en Amérique du Nord, du théâtre national d’Istanbul à La MaMa à New York, en passant par le Vidy à Lausanne et le Piccolo à Milan. Il a été directeur du Théâtre national du Kosovo de 2008 à 2011 et dirige actuellement le Qendra Multimedia, principal pôle culturel indépendant de l’espace albanophone, qu’il a fondé en 2002. Censurée en Chine, son œuvre est très impliquée socialement et politiquement. »

 

Théâtre, Russie, Kosovo, Islande, Eléna Gremina, Mikhaïl Ougarov, Jeton Neziraj, Anne-Marie Bucquet, Tyrfingur Tyrfingsson, Raka Ásgeirsdóttir, Séverine Deaucourt, éditions L’espace d’un instant, Jean-Pierre LongreTyrfingur Tyrfingsson, Quand Helgi s’est tu, traduit de l’islandais par Raka Ásgeirsdóttir et Séverine Deaucourt

« L'écriture de Tyrfingur Tyrfingsson détone, elle est immorale, vivifiante et drôle. Ses personnages ne suscitent pas l'empathie, ils sont des figures dévastées d'une société insensée et corrompue. [...] Dans Quand Helgi s'est tu, on joue sans cesse avec la mort, on ne la respecte pas, on s'en moque. À la morgue, chacun, chacune est face à sa condition humaine. Dans l'entreprise familiale de pompes funèbres, tout est fric et corruption, la mort est un marché comme un autre, et le père et le fils, thanatopracteurs, sont de petits escrocs infantiles. L'image courante de l'Islande, celle d'un pays évolué et solidaire, à la démocratie modèle, avec sa nature sauvage et sa magie mystérieuse, est totalement renversée. »

« Tyrfingur Tyrfingsson est né en Islande en 1987. Il a étudié à l'Académie des arts d'Islande et à la Goldsmiths University de Londres. Sa première pièce lui a immédiatement valu la première de ses cinq nominations aux Griman islandais. Depuis 2011, ses textes sont créés au Théâtre de la ville de Reykjavik et au Théâtre national d'Islande. En français, ses textes ont été présentés à partir de 2018 au Festival d'Avignon, au Théâtre 13 à Paris et à la Mousson d'été. Préface de Véronique Bellegarde. Avec le concours de la Maison Antoine-Vitez et du Centre national du livre. »

 

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01/08/2021

Descente aux Enfers

Théâtre, Hongrie, Árpád Schilling, Éva Zabezsinszkij, Petra Körösi, Sarah Fourage, éditions L’espace d’un instant, Jean-Pierre LongreÁrpád Schilling, Éva Zabezsinszkij, Jour de colère, traduit du hongrois par Petra Körösi, éditions L’espace d’un instant, 2021

« Lève-toi / Et marche ! / Indigne-toi ! / Manifeste pour tes droits ! » Deux infirmières, Niki et Erzsi, manifestent leur colère – ce qui va leur valoir, dans un mouvement ironique de récupération politique, d’être décorées par le ministre en personne. La fierté ne va pas durer, car on s’aperçoit vite que cette médaille n’est qu’un leurre : pas d’augmentation de salaire, suppression du service de néonatologie où travaillait Erzsi, qui se retrouve au chômage et ne va trouver qu’un travail subalterne.

Á partir de là, c’est pour elle la descente aux Enfers provoquée par les « anges » qui l’entourent sous la forme de personnages bien réels : le directeur de l’hôpital, l’ex-mari, le patron escroc etc. Erzsi va se débattre au milieu des difficultés pour tenter d’assurer une vie décente à sa mère Erzsébet et à sa fille Evelin. Elle ne mesure pas ses efforts, et comme lui dit sa mère : « Tu te crèves le cul au boulot pour deux fois rien, et regarde-toi dans une glace comment tu es à quarante ans ! » Pleine de sollicitude pour les autres, elle va connaître, d’étape en étape, de scène et scène, la déchéance et la solitude, jusqu’à la chute.

Il y a la dénonciation politique d’un régime, certes, mais aussi celle du libéralisme sans pitié, qui n’admet pas qu’on ait des états d’âme et qu’on tente d’aider les autres. Une pièce de théâtre engagée, au sens plein et large du terme, percutante, sans grandiloquence et sans concessions. Les couplets de la fin font écho à ceux du début, par exemple : « Remédiez / À la bonté maudite, / À l’épidémie / Des fausses moeurs ! / Détruisez / L’hypocrisie, / L’idole / De la dévotion ! ».

Jean-Pierre Longre

 

Autre parution aux éditions L’espace d’un instant :

Sarah Fourage, Affronter les ombres

Théâtre, Hongrie, Árpád Schilling, Éva Zabezsinszkij, Petra Körösi, Sarah Fourage, éditions L’espace d’un instant, Jean-Pierre Longre« Dans une petite ville du sud, « aux portes de la Méditerranée », deux femmes se rencontrent sur le parking d’un magasin de bricolage. Quelque chose se tenait là, qui n’y est plus. Une cité tout entière, des logements, des vies, des souvenirs, une mémoire. A-t-on le droit de réveiller un passé hanté par l’horreur de l’Histoire ? Doit-on le taire, tenter de le transmettre ? Librement inspirée de paroles recueillies auprès d’habitants de Lodève, la plupart descendants de harkis, cette fiction théâtrale tente d’évoquer les souvenirs de la Cité de la Gare, où furent logées une soixantaine de familles de harkis en 1962, la création de la Manufacture de la Savonnerie, et l’abandon par la France de ceux qui l’avaient servie. »

"Sarah Fourage est née à Nantes en 1975. Comédienne formée à l’Ensatt à Lyon dans les années 2000, elle se met au service d’écritures contemporaines, comme celles d’Emmanuel Darley, Nicoleta Esinencu, Jacques Rebotier… sous la direction de Dag Jeanneret, Véronique Kapoian, Michel Raskine… Dans le même temps elle écrit une quinzaine de pièces dont la plupart ont été commandées et représentées par différentes compagnies, telles que Délit de Façade, La Fédération, Machine Théâtre… Parmi ses thèmes de prédilection, la construction identitaire, l’inégalité sociale, la quête d’émancipation. Elle vit à Montpellier depuis 2005."

 

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25/04/2021

Polyphonie de la révolte

Théâtre, croate, kurde, hébreu, Ivana Sajko, Miloš Lazin, Anne Madelain, Vanda Mikšić, Sara Perrin, Mîrza Metîn, Atilla Balιkçι, Gilad Evron, Jacqueline Carnaud, Zohar Wexler, éditions L’espace d’un instant, Jean-Pierre LongreIvana Sajko, Trilogie de la désobéissance, traduit du croate par Miloš Lazin, Anne Madelain, Vanda Mikšić et Sara Perrin, éditions L’espace d’un instant, 2021.

Devant la violence du monde capitaliste, il y a plusieurs réactions possibles, parmi lesquelles la tentative amoureuse, le repli dans un paradis protégé ou la révolte meurtrière. Les trois pièces d’Ivana Sajko réunies dans cette trilogie illustrent en quelque sorte ces trois attitudes, tout en étant mutuellement reliées par une forme qui ne revêt pas les apparences immédiates du genre théâtral classique, mais qui n’en est pas moins résolument scénique. Comme l’écrit Miloš Lazin dans son introduction, « la parole extrêmement subjective d’Ivana donne au fond la parole au monde. Et le monde est ce qui se produit au théâtre (ou rien ne s’y passe). »

Rose is a rose is a rose (titre inspiré par Gertrude Stein) est un chant d’amour répondant à la violence de la société et des émeutes qui en sont la conséquence, à la violence de l’histoire qui envahit toutes les régions du monde (« Émeute. Émeute. Émeute. Chaque enfant avec une pierre en main. »). Une violence rythmée par des répétitions de mots, de bouts de phrases narratives, par des esquisses de dialogues, une violence à laquelle fait face le silence de l’amour : « Les bourgeons ont éclos en roses. / Rien que pour eux deux. / ET LE MATIN S’EST RÉPANDU. / Plus un mot. Et, eux, ne se sont rien dit. »

Si une rose est une rose, « la pomme n’est pas une pomme », elle est « notre drapeau planté au milieu de leurs ruines. » C’est ainsi que commence la deuxième pièce, Scènes de la pomme. S’occuper de son jardin d’Eden, ce serait se protéger de l’Enfer du monde extérieur. Mais l’ennemi a ses tactiques : « Il s’introduit dans nos rêves, répand la désinformation et l’inquiétude. Il nous assomme à coups d’arguments politiques, brise notre volonté et enlaidit nos femmes. Il pourrait même se faufiler dans notre jardin. » Alors comment attendre la fin ?

La réponse résiderait-elle dans Ce n’est pas nous, ce n’est que du verre, la troisième pièce, qui débute par l’évocation des grandes crises économiques (1929, 2008), et qui se poursuit avec toutes les misères qui en découlent ? « Ils ont dévoré l’allocation familiale, / ils ont vidé le garde-manger, / ils ont rongé tout ce qu’ils pouvaient, / ils ont mâché tout ce dont ils se sont emparés, / […] ils continuent à menacer le budget familial. » C’est ainsi que la violence issue de cette misère risque de transformer les enfants en « Bonnie and Clyde »…

L’esthétique de cette trilogie (comme celle, en général, de l’œuvre d’Ivana Sajko) met à mal la vision traditionnelle de la dramaturgie et fait appel à toutes les ressources, à toutes les libertés de la mise en scène et du jeu théâtral. Ce jeu est tributaire de textes à la fois monologiques et didascaliques, envahis par la poésie qui s’insinue dans le réel de la parole et de la scène. « Savez-vous à quel point il est difficile de jouer cela ? », est-il dit dans la troisième pièce. Partition polyphonique, cette trilogie est une symphonie verbale en trois mouvements, qui laisse la « porte ouverte » à la subversion, aux difficultés et aux bonheurs du théâtre.

Jean-Pierre Longre

 

Autres parutions récentes aux éditions L’espace d’un instant :

Théâtre, croate, kurde, hébreu, Ivana Sajko, Miloš Lazin, Anne Madelain, Vanda Mikšić, Sara Perrin, Mîrza Metîn, Atilla Balιkçι, Gilad Evron, Jacqueline Carnaud, Zohar Wexler, éditions L’espace d’un instant, Jean-Pierre LongreMîrza Metîn, Gravité, traduit du kurde par Atilla Balιkçι

« Ferhad a fui Şengal, livrée à la barbarie, et tente de trouver son chemin vers l’Occident. À Istanbul, il croise Şêrîn, une Kurde d’Allemagne qui tente de retourner à ses racines. Au moment où ils se rencontrent, le temps s’arrête et leurs coeurs s’emballent. Mais aucun n’interrompt son voyage, car pour chacun d’entre eux c’est une question existentielle. Mais leur parcours est semé d’embûches. Parviendront-ils à se retrouver ? Gravité est un texte basé sur des histoires vraies, qui se concentre sur les tragiques massacres subis par les Kurdes yézidis et les dilemmes rencontrés par les Kurdes de la diaspora. Une histoire d’amour poursuivie par la guerre. »

 

Théâtre, croate, kurde, hébreu, Ivana Sajko, Miloš Lazin, Anne Madelain, Vanda Mikšić, Sara Perrin, Mîrza Metîn, Atilla Balιkçι, Gilad Evron, Jacqueline Carnaud, Zohar Wexler, éditions L’espace d’un instant, Jean-Pierre LongreGilad Evron, Terriblement humain, traduit de l’hébreu par Jacqueline Carnaud et Zohar Wexler

« Terriblement humain met en scène deux couples de voisins et un médecin confrontés au problème des migrants. Si le premier couple appartient à la bourgeoisie aisée, ouverte sur le monde et a priori éclairée, le second est issu d’un milieu rural, populaire et pratiquant. Le migrant est incarné par un homme noir venu à pied de la Corne de l’Afrique pour témoigner de l’injustice qui lui a été faite et mourir. Quant au médecin, ancien bénévole dans une ONG en Afrique, il ne peut que constater, une fois de plus, son impuissance. »

 

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05/12/2020

Lucides prémonitions

Théâtre, Turquie, Albanie, Ferhan Şensoy, Noémi Cingöz, Jeton Neziraj,  Arben Bajraktaraj, Valérie Decobert, éditions L’espace d’un instant, Jean-Pierre LongreLucides prémonitions

Ferhan Şensoy, 2019, Comédie de fiction sans science, traduit du turc par Noémi Cingöz, éditions L’espace d’un instant, 2020

En 2009, c’était une « fiction », comme l’annonçait le sous-titre. Dix ans après, c’est devenu une réalité. « Malheureusement, tout ce que j’ai prédit s’est réalisé », a confié l’auteur au préfacier Cedef Ecer. « Ce ne sont pas des prophéties, tout ça, c’est juste l’intuition d’un auteur. Malheureusement, le texte est aujourd’hui plus parlant que quand on l’a joué, il y a de cela onze ans », poursuit-il. L’anticipation est devenue actualité ; la construction et la tonalité choisies traitent cette anticipation/actualité d’une manière burlesque, ce qui la rend bien plus percutante que tous les articles, manifestes ou essais possibles.

Les dix-huit scènes font intervenir un grand nombre de personnages variés vivant sous le joug de l’islamisme tout-puissant (avec notamment deux personnages dont les prénoms, Mustapha et Kemal, rappellent Mustapha Kemal Atatürk, qui avait fondé dans les années 1920 une Turquie moderne et laïque). Tous sont confrontés à des obligations aussi contraignantes qu’absurdes (« Le vin est un péché », « Se voiler un devoir », « La Turquie est plongée dans ses cinq prières quotidiennes »), et même les publicités télévisées sont consacrées au « tcharchaf » ou aux chapelets… Lorsque la machine administrative est bloquée, « c’est la volonté d’Allah ! », et pour qu’une fillette puisse s’inscrire à l’école, il lui faut un « diplôme d’études coraniques ». Une scène particulièrement désopilante, jusqu’à l’absurde, montre un tournage de série télévisée rendu impossible par les règles religieuses (un homme et une femme ne peuvent pas se toucher les mains, il faut sans cesse s’interrompre pour la prière etc.)…

Le tout à l’avenant, jusqu’au « 29 octobre 2020 », où la situation est inversée (« Fête de la République, paix au Moyen-Orient », guerre civile aux États-Unis…), et où le point final de cette tragi-comédie chante une religion renouvelée : « La religion, un beau poème / Qui n’admet pas les puritains / La religion, un beau poème / Qui n’admet pas les gens malsains ».

Jean-Pierre Longre

 

Théâtre, Turquie, Albanie, Ferhan Şensoy, Noémi Cingöz, Jeton Neziraj,  Arben Bajraktaraj, Valérie Decobert, éditions L’espace d’un instant, Jean-Pierre LongreAutres parutions aux éditions L’espace d’un instant :

Jeton Neziraj, Peer Gynt du Kosovo et L'Effondrement de la tour Eiffel, traduit de l'albanais (Kosovo) par Arben Bajraktaraj et Valérie Decobert.

« Avec Peer Gynt du Kosovo, voici donc la farce poétique de Henrik Ibsen transposée dans notre Europe du XXIe siècle. Peer Gynt rêve d’un ailleurs de tous les possibles, où il pourra vivre une existence dorée. Il fait donc ses valises, quitte sa mère et son Kosovo natal. Ses aventures le confrontent à des réalités moins heureuses que prévu, sans épuiser sa lumineuse recherche de bonheur et de liberté. 

L’Effondrement de la tour Eiffel croise deux histoires sur fond d’extrémisme religieux. L’une à Paris de nos jours, où un amoureux éperdu s’est mis en tête d’enlever tous les niqabs des femmes qu’il rencontre afin de retrouver sa bien-aimée ; l’autre, dans les Balkans sous occupation ottomane, où le soldat Osman est chargé de couvrir les têtes féminines. »

théâtre,turquie,albanie,ferhan Şensoy,noémi cingöz,jeton neziraj,arben bajraktaraj,valérie decobert,éditions l’espace d’un instant,jean-pierre longreNâzım Hikmet, Ceci est un rêve, Ferhad et Şirin, Ivan Ivanovitch a-t-il existé ?, traduit du turc et du russe par Noémi Cingöz et Nicole Maupaix. Préface Richard Soudée, illustration Abidine Dino

Ceci est un rêve est une surprenante opérette, dans laquelle l’auteur orchestre avec humour et fantaisie un vaudeville oriental, riche en impostures et quiproquos, intrigues amoureuses et situations burlesques. Les passagers d’une croisière, sous l’effet de quelques cigarettes très spéciales, sombrent dans un rêve tout aussi particulier...

Ferhad et Şirin, écrit en prison, est une histoire d’amour inspirée d’une légende populaire. On y retrouve l’intérêt de l’auteur pour les contes et les thèmes épiques. Ferhad, peintre décorateur, doit, pour retrouver sa bien-aimée, la princesse Şirin, percer une montagne pour amener l’eau jusqu’à la ville, où le peuple meurt de soif.

Ivan Ivanovitch a-t-il existé ? était jusqu’à présent la seule pièce de Nâzım Hikmet à avoir été publiée en français. L’auteur explore le réalisme socialiste, mais toujours avec le même regard critique, contre le culte de la personnalité et le régime stalinien

Nâzım Hikmet, poète et auteur dramatique turc, est né à Salonique en 1902 et mort à Moscou en 1963. Communiste convaincu, amoureux de son pays, il passera sa vie entre l’Union soviétique, en compagnie de Maïakovski et de Meyerhold, et la Turquie, où il est persécuté et emprisonné. En France, son théâtre est encore inédit, mais Mehmet Ulusoy a porté sur les planches un grand nombre de ses poèmes, notamment Paysages humains au Théâtre de l’Odéon à Paris en 1986.

 

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02/09/2020

Brutal désespoir

Théâtre, Macédoine du Nord, Dejan Dukovski, Frosa Pejovska, éditions L’espace d’un instant, Jean-Pierre LongreDejan Dukovski, Baril de poudre, traduit du macédonien par Frosa Pejovska, éditions L’espace d’un instant, 2020

Né à Skopje en 1969, Dejan Dukovski, figure notoire du jeune théâtre macédonien, est l’auteur d’une bonne vingtaine de pièces, dont les principales sont traduites dans de nombreuses langues, y compris le français. Baril de poudre (1993), représenté pour la première fois en 1994 à Skopje, a fait l’objet, avec succès, d’un film de Goran Paskaljevic en 1999.

La pièce est composée de onze scènes autonomes mais reliées subtilement entre elles, à chaque changement, par un personnage différent formant chaînon. Ainsi défilent des dialogues entre des personnages dont on ne perçoit que quelques caractéristiques et qui s’affrontent dans différents lieux : un bistrot, un train, un autobus, une rue, un parc, et même un hôtel miteux en Amérique… Les coups et les menaces y sont monnaie courante, la rancune ou la jalousie, la faiblesse et la brutalité traduisent un désespoir qui n’est pas seulement circonstanciel, mais qui semble être le fondement même de la destinée des êtres se défendant comme ils peuvent. « Quand je mords, je lâche difficilement. Comme un piranha. » Ou exprimant une nostalgie faite d’émotion et de violence : « J’ai envie d’une soupe de tripes. J’ai envie de fermer deux bars. J’ai envie d’en démolir un et d’aller ensuite me taper une soupe de tripes. J’ai envie d’un chou farci maigre du vendredi et d’un gras, avec de la viande, du samedi. J’ai envie de rester assis pendant des heures sur un tabouret, dans mon quartier, à regarder le coucher du soleil. De ne pas bouger le petit doigt, de leur niquer à tous la cervelle. »

Mais la mémoire est impuissante à redonner la vie et l’espoir. À la scène 1, intitulée « Longue vie ! », répond la scène 11 où reviennent les deux personnages qui s’affrontaient initialement, et qui ferme hermétiquement et pour ainsi dire définitivement la chaîne de la vie. « Qu’y avait-il au commencement ? La bêtise ? La fin ? La vieillesse ? » Mais si les personnages semblent à bout, l’écriture de Dejan Dukovski nous laisse entrevoir leur « épaisseur fascinante », comme l’écrit Stuart Seide dans son introduction. « Ses personnages sont mus par des courants souterrains qui les dépassent, et, peut-être, nous dépassent. », écrit-il encore. C’est à cela, entre autres, que l’on reconnaît le théâtre intemporel.

Jean-Pierre Longre

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08/04/2020

Les flammes de la révolte

Théâtre, anglophone, Bulgarie, Alexander Manuiloff, Nathalie Bassand, Tim Etchells, éditions L’espace d’un instant, Jean-Pierre LongreAlexander Manuiloff, L’État, traduit de l’anglais par Nathalie Bassand, préface de Tim Etchells, éditions L’espace d’un instant, 2019

Le 20 février 2013, Plamen Goranov (dont le prénom signifie « flamme » en bulgare) s’immola par le feu dans sa ville de Varna. Geste fatal de protestation, resté sans explications précises, et sans le retentissement qu’a eu le même type de suicide dans d’autres pays. De ce fait réel, Alexander Manuiloff a tiré une « installation textuelle » dans laquelle le public est sollicité non seulement en tant que tel, mais aussi en tant que créateur du scénario théâtral. Ainsi joue-t-il aves « la Représentation » qui « ne peut pas commencer car il n’y a pas d’acteurs », ou « parce qu’il n’y a pas de metteur en scène », ou encore « faute d’autorisation officielle »… Évidemment, c’est sur ces manques que se construit la fiction.

Et que s’inventent les raisons du sacrifice de Plamen, qui comme beaucoup de ses concitoyens ne se sent pas « représenté ». Ce qui est dénoncé, c’est la corruption généralisée qui gangrène la démocratie (en Bulgarie et ailleurs), une corruption matérielle et « intellectuelle » : « La situation est également désastreuse dans le domaine des arts et de la culture ». Certaines phrases font sentir que cette « représentation » relève de la révolte désespérée, quelle n’a « aucun sens », qu’elle « ne peut rien changer » dans un système ou rien ne change, où rien ne changera jamais (la protestation de l’auteur va d’ailleurs jusqu’au refus d’écrire en langue bulgare, d’où l’emploi de l’anglais).

Mais dans le pathétique de la situation, renforcé par le refrain initial et obsessionnel « Je suis Plamen », se glisse la force de la poésie ; la conscience de la fin volontaire de la vie fait surgir « des odeurs, des couleurs, des variations subtiles dans la voix des gens qui révèlent tant de choses, la musique, le chant des oiseaux, parce que le printemps vient d’arriver. Le vert exubérant des arbres. La vie ». Et c’est au public de lire, de « discuter », de créer « une dynamique de groupe », de vivre tout cela. Je n’en écrirai pas plus, car l’auteur recommande expressément « de ne pas révéler trop d’informations sur le contenu de la pièce par égard pour les prochains spectateurs ».

Jean-Pierre Longre

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