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24/01/2011

Un théâtre bien vivant

Alt. th..jpegAlternatives théâtrales n° 106-107, « La scène roumaine. Les défis de la liberté », 4e trimestre 2010

Depuis vingt ans, la vie intellectuelle et artistique roumaine s’est évidemment libérée, animée, étendue, diversifiée. Rien de tel que les arts du spectacle, notamment le théâtre, pour illustrer ce phénomène. Forte de ce constat, la revue belge Alternatives théâtrales consacre son dernier numéro à « la scène roumaine », sous l’égide de Georges Banu et Mirella Patureau, très bien placés pour cela, puisque leur point de vue est à la fois extérieur et intérieur (respectivement professeur à la Sorbonne Nouvelle et chercheur au CNRS, ils vivent en France tout en étant fortement impliqués dans l’univers théâtral roumain).

Il était sans doute nécessaire de rappeler au public d’Europe occidentale, aux « lecteurs d’ailleurs », qu’en Roumanie le théâtre est bien vivant, et qu’en ce qui concerne le répertoire « la scène roumaine se montre nettement plus ouverte que la scène française » ! Si la censure, jusqu’en 1989, a imposé un cadre rigide à la création scénique (comme à toute création), elle n’a pas interdit le théâtre, et l’éclatement libérateur des années 1990 n’est pas une rupture complète, mais une métamorphose dans la continuité. C’est en tout cas ce qu’explique Georges Banu dans son introduction, en analysant les différentes formes du spectacle théâtral qui s’élabore depuis, dans un « archipel des solitudes » s’épanouissant sans conflit mais dans une infinité d’identités, en dépit des contraintes économiques entraînant des restrictions budgétaires.

Les deux grandes parties de ce numéro (« Repères pour un paysage théâtral », « Paroles et portraits d’artistes ») permettent un tour d’horizon, sinon exhaustif, du moins très détaillé, de ce qui se fait en matière de réalisation et d’écriture scéniques à Bucarest et dans les grandes métropoles culturelles du pays. Le répertoire dans toute sa variété – de la tragédie antique à la jeune avant-garde, des pièces roumaines aux œuvres internationales, de la tradition à la provocation – est passé en revue par les critiques ou par les acteurs (au sens général), et les grands événements évoqués montrent l’étendue géographique du renouveau : Festival national de théâtre de Bucarest, Festival de Sibiu, Festival Shakespeare de Craiova, Théâtre Ariel de Târgu-Mureş… Le tour d’horizon est largement complété, à bon escient, par des réflexions en profondeur sur des phénomènes marquants : l’enseignement du théâtre, qui tend à multiplier le nombre de comédiens diplômés ; la fameuse « ostalgie », dont les jeunes dramaturges se dégagent pour faire porter leurs critiques non seulement sur le passé communiste, mais aussi sur le présent capitaliste ; l’expérimentation originale souffrant du « synchronisme », c’est-à-dire du désir d’adaptation aux modes européennes ; l’importance du rôle joué par le groupe du « dramAcum », sous la houlette de Nicolae Mandea… Il était primordial, en outre, de donner la parole aux grands créateurs, metteurs en scène et dramaturges, directement ou sous la forme d’entretiens. Cette parole tient une place révélatrice d’un état des lieux et d’une dynamique. Le tout se termine par un bref panorama du cinéma roumain, plusieurs fois récompensé, et qui pose des questions, en tout cas qui « entame avec nous un dialogue ».

Les textes fouillés, les synthèses, les témoignages, tous signés de critiques avertis, d’universitaires, de metteurs en scène, de comédiens, d’écrivains, sont ponctués de belles et larges photos de mises en scène, pour la plupart proposées par Mihaela Marin, spécialisée dans les arts du spectacle. Cette combinaison du textuel et du visuel compose un très bel ensemble, complété, signalons-le, par un dossier sur le norvégien Jon Fosse, et par un article de Bernard Debroux, codirecteur de la revue avec Georges Banu, sur « les langues d’Europe » examinées dans la perspective théâtrale.

Ce numéro dévoile les richesses et les potentialités de la « scène roumaine » actuelle dans toutes ses dimensions, avec ses paradoxes, ses enjeux, ses héritages, son esprit créateur, ses expériences, ses mutations… Un ensemble indispensable à l’exploration du paysage théâtral et artistique européen.

Jean-Pierre Longre

www.alternativestheatrales.be

 

18/01/2011

« L’oiseau bicéphale »

couvrevue13.jpgIci é là, revue de la Maison de la Poésie de Saint-Quentin-en-Yvelines, n° 13, 2010

Ici é là, revue publiée sous la responsabilité, entre autres, de Jacques Fournier, se signale d’abord par son format original, sa mise en page soignée, ses coloris variés, et le choix des textes qu’elle propose, dans une présentation séduisante. Un bel objet poétique.

Le n° 13, dédié à Arlette Albert-Birot, disparue l’été dernier, tient les promesses de son intitulé. Dans ses quatre sections, de la création, des articles de fond, des notes et recensions diverses, et, tout particulièrement, un dossier (« si près é si loin ») consacré aux « poètes roumains d’expression française ». Dans une introduction qui fait la part belle à un historique des relations entre la Roumanie et la langue française, Linda Maria Baros décrit « l’oiseau bicéphale », image forte qui figure pour elle la poésie roumaine francophone, dans une série d’aller-retour entre « ici » et « là », au cours desquels se croisent et se mêlent les cultures.

Successivement, les poèmes de Horia Badescu, Sebastian Reichmann, Valeriu Stancu, Marlena Braester, Matéi Visniec, Rodica Draghincescu et Linda Maria Baros elle-même offrent des exemples de la diversité verbale et prosodique d'auteurs dont les préoccupations passent par une singulière maîtrise de la langue française, cette langue qu’ils ont délibérément choisie sans renier leurs origines. Comme leurs prédécesseurs, ils n’hésitent pas à se confronter à la difficulté ; ainsi que l’écrit Matéi Visniec, « il y a des jours où les mots ne veulent plus sortir / il y a des jours où les mots se replient au fond de nous-mêmes / dégoûtés de nous et surtout de nous-mêmes » ; mais lorsqu’ils veulent bien venir, ils nourrissent des textes dont la forme et la teneur ne sont ni roumaines ni françaises, mais les deux à la fois et, tout compte fait, universelles. « On ne naît pas une langue collée au front », écrit encore Linda Maria Baros.

Tout en fournissant de belles lectures dans un cadre esthétique harmonieux, ici é là incite à aller plus loin, chercher d’autres auteurs, d’autres textes, suivre des chemins nouveaux, trouver « l’écriture en images » (Rodica Draghincescu), franchir des « portes obscures » (Horia Badescu) vers des « traînées de lumière » (Marlena Braester). 

Jean-Pierre Longre

22/12/2010

« Le cœur de l’autre Europe »

L'atelier du roman.jpgL’atelier du roman n° 64, « Les Roumains et le roman », Flammarion, décembre 2010

Fidèle à ses principes, la revue et ses rédacteurs déambulent, observent et s’arrêtent là où il leur semble qu’il se passe quelque chose d’important, d’original, de séduisant. Cela donne, pour ce numéro 64, un bel ensemble à la fois varié et révélateur de la littérature roumaine, telle qu’elle s’est constituée, telle qu’elle se constitue actuellement ; en majorité dans le domaine du roman, mais aussi, de-ci de-là, dans ceux du théâtre, de l’essai, des périodiques…

C’est ainsi qu’au fil des articles nous fréquentons quelques grands du passé (Eliade, Rebreanu, Istrati, Cioran) et, selon des choix lucides, quelques grands du présent : Norman Manea, virtuose de l’humour dévastateur, Dumitru Tsepeneag, maître de l’onirisme et de l’expérimentation, entre ses deux langues, Gabriela Adameşteanu, arpenteuse des différentes dimensions du temps, Mircea Cărtărescu qui, dans sa trilogie, dépasse de loin les traditions du genre romanesque, Horia Ursu, discret perfectionniste, Alexandre Vona, auteur unique d’un unique roman, Florina Iliş, qui a droit à juste titre à deux articles, tant son dernier roman, La croisade des enfants, marque l’actualité littéraire européenne.

À côté de cela, Georges Banu écoute les échos dont résonne La lettre internationale, Radu Cosaşu fait part de deux de ses chroniques de l’hebdomadaire culturel Dilema Veche, Adrian Mihalache de ses réflexions sur la revue Observator cultural de Bucarest, et un entretien de Denis Wetterwald avec Matéi Visniec permet à celui que l’on connaît surtout comme l’un des grands dramaturges contemporains de parler du roman et de son choix de la langue française. Il manquerait évidemment quelque chose s’il n’y avait pas la création elle-même, inaugurée par un savoureux « Blog-Notes d’Outre-Tombe » de Ionesco, par A. Mihalache. Suit un choix de textes littéraires de Ion Luca Caragiale, maître de la comédie, de Razvan Petrescu, de Joël Roussiez (en visite chez Nosferatu), de H. Ursu, de M. Visniec…, le tout assez représentatif d’une tonalité roumaine, celle de la dérision et du sens de l’absurde, venue en zigzag d’ancêtres comme Urmuz ou d’avant-gardistes dont le plus célèbre est Tristan Tzara. Et la fraîcheur des dessins de Sempé n’en est finalement pas très éloignée.

Les auteurs de ce volume ont bien compris que le roman roumain est d’une facture et d’une ampleur telles qu’il ne demande qu’à dépasser ses limites génériques, que la littérature roumaine déborde largement ses frontières géographiques, politiques, linguistiques (puisque beaucoup d’écrivains ont adopté plus ou moins durablement le français, par exemple, mais pas seulement – voir Herta Müller). Ce numéro de L’atelier du roman le rappelle : il est temps que la littérature roumaine prenne toute sa place dans l’espace européen. L’ouverture le proclame : « Pourquoi la Roumanie ? Parce que là-bas, et c’est l’essentiel, bat encore, d’après des indices qui ne trompent pas, le coeur de l’autre Europe, de l’Europe que partout ailleurs nous avons enterrée. L’Europe de la folie, du doute et de l’insoumission aux modes et aux oukases de nos pontes culturels ».

Jean-Pierre Longre

http://www.editions.flammarion.com  

et pour en lire plus sur la littérature roumaine, voir ici : http://jplongre.hautetfort.com/archives/tag/roumanie.html

 et là: http://rhone.roumanie.free.fr/rhone-roumanie/index.php?op...

15/06/2010

Promesses tenues

COUV_UNE_APO_7.jpgApollinaire n° 7, éditions Calliopées, 2010

À propos du premier numéro, paru en 2007, j’écrivais : « On pourrait dire que ce numéro 1 met les choses en place ; mais pas seulement : par sa tenue et sa teneur, il offre d’emblée aux lecteurs d’Apollinaire (présents et futurs, spécialistes et amateurs, étudiants et chercheurs) des points de vue à  la fois nouveaux et ouverts sur les textes et leurs commentaires, et en appelle d’autres à foison. De quoi entretenir le "beau navire" de la mémoire et entonner sans cesse des "chants d’universelle ivrognerie" ».

Depuis trois ans, le « beau navire » poursuit son périple. Sept numéros ont été publiés avec régularité, opiniâtreté, et la qualité des articles y est toujours excellente. Cette dernière livraison, par exemple, continue l’exploration (entamée dans les numéros précédents) de « l’année allemande » qui, inaugurée par un dossier biographique sur le « touriste » Apollinaire par Michel Décaudin (il reste décidément, même à titre posthume, la référence), fait la matière principale du volume : études de Gerhard Dörr, Louis Brunet, Pierre Caizergues, Kurt Roessler, avant une analyse du Bestiaire ou Cortège d’Orphée par Anna Saint-Léger Lucas, puis les comptes rendus et informations bibliographiques ou événementielles.

Le monde et l’œuvre d’Apollinaire, matière poétique inépuisable… Cette belle « revue d’études apollinariennes », d’une qualité scientifique indiscutable et désormais reconnue, a toujours de l’avenir.

Jean-Pierre Longre

www.calliopees.fr  

09/06/2010

Avec le temps…

jpg_ContactsUnjourletemps.jpgLa pensée de midi n° 31 : Histoires d’un 20 janvier

Actes Sud, 2010

En une journée choisie au hasard, que de péripéties, de rencontres, de souvenirs, de malheurs, de bonheurs ! Naguère (au siècle dernier), Olivier Rolin avait relaté dans un roman les événements d’une journée sur les cinq continents (L’invention du monde, Le Seuil, 1993). La pensée de midi, pour fêter ses dix ans, se contente, si l’on peut dire, du pourtour méditerranéen, mais à plusieurs voix, dans le foisonnement poétique d’inspirations différentes. Que s’est-il passé le 20 janvier 2010 ? Pour le savoir, il faut lire les textes des onze écrivains venus d’Italie, d’Égypte, de Tunisie, d’Algérie, du Maroc, du Liban, d’Israël, de Serbie, de Bosnie, du Pays basque.

Tous font « le portrait, nécessairement collectif, d’un jour », et depuis leurs espaces particuliers décrivent le temps lui-même. Les personnages de leurs récits, les lieux, les situations contiennent et délivrent le temps, celui du XXIe siècle dont les dix premières années ont bouleversé les relations internationales et les mentalités individuelles. En prime, entre chaque texte, des « histoiriettes » savoureuses et insolites, tout simplement extraites de la presse du jour en question.

La coïncidence des dates fait que les dix premières années du siècle sont aussi celles de le revue qui, avec constance et régularité, offre à ses lecteurs des pages de littérature, de critique, d’art, de réflexion. Ce numéro 31 est à la fois spécial et fidèle aux objectifs de départ, dont est garante la figure tutélaire de Camus.

Le combat obstiné de l’écriture pour « vouloir, résolument, un avenir convergent entre les deux rives » de la Méditerranée ne fait pas oublier la relativité du temps, dans sa concordance, comme le rappelle l’histoiriette finale, symbole de ce qui, dans leur diversité, unit les pays du « midi » : « Le 20 janvier 2010 est aussi appelé 4 Sefar de l’an 1431 après l’Hégire, selon le calendrier Hijri, 30 Dey 1388 selon le calendrier iranien Jalali, et 5 Sh’vat 5770 selon le calendrier juif ».

Jean-Pierre Longre

www.lapenseedemidi.org

http://www.sitartmag.com/penseedemidi.htm

http://www.sitartmag.com/penseedemidi04.htm

http://www.sitartmag.com/penseedemidi08.htm